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GALERIE ART PREMIER AFRICAIN GALERIE ART PRIMITIF AFRICAIN AFRICAN ART GALLERY

African Paris. Art premier primitif africain

Collectionneurs


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Jean Paul Barbier-Mueller est un collectionneur suisse, né à Genève en 1930.

Biographie

Il a subi l’influence d’un père que tout passionnait : la poésie, la philosophie, la musique (une des ses oeuvres fut créée à Seattle en 1985) ou la science (il obtint son doctorat en biologie à l’âge de 47 ans).

Après des études de droit à Genève et à Londres, il s’inscrit au Barreau, mais se retrouve assez rapidement au service d’une grande banque, puis directeur, à 28 ans, d’une société financière. En 1960, il crée sa propre entreprise, la Société privée de gérance, spécialisée dans la gestion du parc locatif immobilier d’investisseurs institutionnels et la construction d’immeubles à caractère social.

Collectionneur à la suite de son beau-père Josef Mueller, il s’oriente vers les arts « non occidentaux ». Avec sa femme Monique, il crée en 1977 le musée Barbier-Mueller, qui organise plus de soixante-quinze expositions, la plupart accompagnées d'importants catalogues, présentant les différentes sections de la collection familiale, avec la collaboration des plus grands musées d’Europe, d’Amérique et d’Asie. Il conduit lui-même ou finance des recherches à Sumatra, en Côte d’Ivoire et en Guinée. Il est l'un des meilleurs connaisseurs de l'éthnie Batak, au nord de Sumatra. En mai 1997, le musée Barbier-Mueller d'art précolombien, en face du musée Picasso, ouvre ses portes à Barcelone. La municipalité propose un prêt de longue durée du Palais Nadal, restauré à cet effet, pour exposer environ 400 œuvres d'art de l'Amérique préhispanique.

Jean Paul Barbier-Mueller est aussi un spécialiste reconnu de la poésie et de l’histoire française du XVIe siècle. Bibliophile dès l’âge de treize ans, il a rassemblé l’une des bibliothèques les plus exhaustives consacrées à Ronsard et aux auteurs de la Pléiade, mais aussi à de très nombreux minores. Intitulé Ma Bibliothèque poétique, le catalogue de cette collection, à visée bibliographique, compte sept volumes in-folio déjà publiés. J.P. Barbier-Mueller a également écrit de nombreux articles pour des revues comme Bibliothèque d’humanisme et Renaissance ou Le Bulletin du bibliophile dans le domaine de l’histoire du livre et de la littérature. En 1997, sa femme et lui ont créé, en faveur de l’université de Genève, la Fondation Barbier-Mueller pour l’étude de la poésie italienne de la Renaissance, qui regroupe à l’heure actuelle près de cinq cents volumes d’éditions rares de poètes du XIVe au XVIe siècle. Le catalogue de ce fonds, rédigé par le professeur Jean Balsamo, a été publié en juin 2007[1]. Il a par ailleurs offert au nouveau Musée international de la Réforme de Genève une importante collection de livres rares et de prestigieux autographes. Présenté en exposition permanente au sein de la salle Barbier-Mueller, cet ensemble retrace chronologiquement l’histoire complexe des Guerres de religion françaises du XVIe siècle.

Distinctions

Jean Paul Barbier-Mueller est en France commandeur de l’Ordre de la Légion d'honneur et commandeur de l’Ordre des arts et lettres. Par ailleurs, il est commendatore dell’Ordine al merito della Repubblica italiana, officier de l’Ordre royal d’Isabelle la Catholique, grand officier de l'Ordre royal du mérite civil espagnol et officier de l'Ordre du mérite ivoirien.

Bibliographie

Écrits et études personnels

    * « Ronsard est-il l’auteur de trois poèmes inconnus contre les Jésuites ? », dans Bulletin du Bibliophile, IV, 1975, pp. 363 sqq.
    * Ma Bibliothèque poétique – Première partie : éditions des XVe et XVIe siècles des principaux poètes français (de Guillaume Lorris à Louise Labé), Genève, Éditions Droz, 1973
    * Ma Bibliothèque poétique – Deuxième partie : Ronsard, Genève, Éditions Droz, 1990
    * Ma Bibliothèque poétique – Troisième partie : Ceux de la Pléiade, Genève, Éditions Droz, 1994
    * Bibliographie des discours politiques de Ronsard, collection « Travaux d’Humaniste et Renaissance », Genève, Éditions Droz, 1996 (édition revue et augmentée)
    * Ma Bibliothèque poétique – Quatrième partie, tome I : contemporains et successeurs de Ronsard (d'Aubigné à Des Masures), Genève, Éditions Droz, 1998
    * Ma Bibliothèque poétique – Quatrième partie, tome II : contemporains et successeurs de Ronsard (de Desportes à L’Aubespine), Genève, Éditions Droz, 2001
    * Ma Bibliothèque poétique – Quatrième partie, tome III : contemporains et successeurs de Ronsard (de La Gessée à Malherbe), Genève, Éditions Droz, 2002
    * « Jean de Chevigny et Jean-Aymé de Chavigny », dans Bibliothèque d’humanisme et Renaissance, LXIII-2, Genève, Éditions Droz, 2004, pp. 297-304
    * « Jean Édouard du Monin, voleur de feu… d’artifice – Essai biographique », dans Bibliothèque d’humanisme et Renaissance, LXVI-2, Genève, Éditions Droz, 2004, pp. 311-330
    * Ma Bibliothèque poétique - Quatrième partie, tome IV : contemporains et successeurs de Ronsard (de Des Marquets à Pasquier), Genève, Éditions Droz, 2005
    * « Pour une chronologie des premières éditions de la Satyre Ménippée (1593-1594) », dans Bibliothèque d’humanisme et Renaissance, LXVII-2, Genève, Éditions Droz, 2005, pp. 373-394
    * La Parole et les Armes – Chronique des Guerres de Religion en France (1562-1598), Paris, Éditions Hazan, 2006 Compte-rendu [archive]

À paraître

    * « Trois poètes réformés à Genève : Goulart, Poupo et Du Chesne » (à paraître dans les actes du colloque Goulart de 2006)
    * « Un disciple peu connu de Ronsard : Antoine de Blondel et le cénacle de Douai » (à paraître dans Revue des Amis de Ronsard, 2008)
    * Ma Bibliothèque poétique, Quatrième partie, tomes V et VI
    * Dictionnaire biographique des poètes français de 1550 à 1630

Ouvrages en collaboration

    * Avec André Jeanneret, Christian Kaufmann, Jean Laude, William Rubin et Claude Savary, Arts d’Océanie, d’Afrique et d’Amérique, Genève, Musée Barbier-Mueller, 1977 (130 pages, 28 ill. couleur et N/B)
    * Avec Octavio Paz, Michel Butor, Henri Stierlin, Danièle Lavallée et alii, Art millénaire des Amériques, Paris et Genève, Éditions Arthaud et Musée Barbier-Mueller, 1992 (384 pages, 154 photos, 148 planches couleur, 9 cartes géographiques en couleur)
    * Avec Michel Butor, Parures, Paris, Éditions de l’Imprimerie nationale, 1994 (248 pages, 175 photos couleur)
    * Avec Renato Caprini, Monique Barbier-Mueller, William Rubin, Franz Meyer, Pierre Schneider, John Russell et Jean Tinguely, De Cézanne à “l’art nègre” - Parcours d’un collectionneur, Genève, Musée Barbier-Mueller, 1997 (121 pages, 54 planches et 31 ill. en couleur et deux tons)
    * Avec Ian C. Glover, Janet Hoskins, Alain Viaro et Arlette Ziegler, Messages de pierre, Milan, Éditions Skira, 1998 (211 pages, 53 ill., 52 planches couleur, 6 cartes géographiques)

Autres

    * Indonésie et Mélanésie, Genève, Musée Barbier-Mueller, 1977 (120 pages, 160 ill. N/B, 37 cartes géographiques)
    * En pays toba – Les lambeaux de la tradition, Genève, Musée Barbier-Mueller, 1982 (238 pages, 175 ill. N/B, 31 ill. couleur, 3 cartes géographiques)
    * Art des Steppes, Genève, Musée Barbier-Mueller, 1996 (75 pages, 27 photos couleur, 1 carte géographique)
    * Guide de l’Art précolombien, Milan, Éditions Skira, 1997 (102 pages, 77 photos couleur, 8 cartes géographiques)
    * Civilisations disparues, avec une préface de Jean-François Revel, de l’Académie française, Paris, Éditions Assouline, 2000 (432 pages, 33 ill. N/B, 247 ill. couleur, 19 cartes)
    * Rêves de collection, sept millénaires de sculptures inédites, Paris et Genève, Éditions Somogy et Musée Barbier-Mueller, 2003 (193 pages, 70 planches couleur, 9 cartes géographiques)

 

Art primitif: découverte des trésors du collectionneur Jean Paul Barbier-Mueller
GENEVE (AFP) - Il a réuni la plus belle collection privée au monde d'arts primitifs, mais Jean Paul Barbier-Mueller, chasseur d'absolu,
estime n'avoir, à 78 ans, "rien érigé qui soit à l'épreuve des siècles".
Difficile à croire, quand il nous mène dans les méandres de son antre secret à
Genève, fabuleuse caverne où transitent les trésors qu'il expose dans le
monde entier. "J'ai horreur des objets en cage", sourit-il.
Ici, boucliers océaniens, masques-reliquaires Fang du Gabon, poteaux des
Iles Salomon, sculptures funéraires de Madagascar, voisinent avec les terres
cuites africaines bientôt exposées au Luxembourg.
Déjà, sa collection d'antiquités se déploie au musée genevois d'Art et
d'Histoire. A Barcelone, son Eldorado précolombien. A Paris, ses fleurons de
l'art africain. A Chantilly, ses précieux ouvrages de poésie de la Renaissance.
Son jardin secret.
"Je voulais être poète, mais je n'ai aucun génie, dit-il avec humour. Alors, j'ai
axé ma facilité dans d'autres domaines", montrant le fameux masque téké
(République Populaire du Congo) ayant appartenu au peintre André Derain.
Il y a là aussi les plus beaux masques baoulé (Côte d'Ivoire), un admirable
siège songye (Zaïre). On imagine sans peine ses innombrables déplacements
de Mexico à Bornéo, en passant par Abidjan, pour étudier les oeuvres, leur environnement, les photographier.
"Ce qui frappe chez lui, relève Jean-Louis Prat, ancien directeur de la Fondation Maeght, c'est sa disponibilité, son extrême gentillesse, si bien
que certains le croient mondain. C'est tout le contraire. Il montre une force de travail, une persévérance stupéfiantes. Il veut et réussit à tout
magnifier".
Qu'une oeuvre capte son regard, il la ferre. "Disons plutôt que c'est l'oeuvre qui me poursuit, corrige Jean Paul Barbier-Mueller. Comme vous
hante la jeune fille rencontrée dans une soirée".
Ainsi, séduit par Monique Mueller, qui n'a pas 20 ans, il la conquiert avec une carte au nom de "Ladislas Bromsky, espion". "Il sortait vraiment
du lot", dit-elle en riant.
Elle était la fille unique de Josef Mueller, collectionneur de peintures, puis d'arts primitifs, un homme plutôt taiseux ("nous avons échangé 300
mots en 25 ans"), qui attendait d'un futur gendre qu'il fît ses preuves.
A 22 ans, Jean Paul Barbier quitte donc le barreau pour la banque. Emploi moins poétique, mais mieux loti. Trois ans plus tard, il épouse
Monique, se propulse dans les affaires, comme dans les courses de stock-car ("j'ai été champion de Suisse"). Crée une société de gestion
immobilière qui asseoit sa fortune.
Elle ne l'attendait pas au berceau. De son enfance, il garde le souvenir de parents qui s'entredéchirent, d'un beau-père "haïssable", qui l'oblige
à quitter la maison, un soir de Noël, en pleine tempête de neige. Il n'a que 13 ans.
"J'ai vécu chez mon père, dentiste, musicien, passionné de biologie, au point d'élever des truites dans l'unique baignoire. Pendant la guerre,
ma chambre était parfois occupée par des résistants français. Mon père leur avait fait traverser la frontière au péril de sa vie et me faisait signer
des faux papiers de ma belle écriture".
Jeune homme, il collectionne les livres anciens, les antiquités. Puis les arts des pays non-occidentaux, au contact de Josef Mueller, dont il
épurera la collection avec sa femme Monique et l'étendra magnifiquement à 7.000 chefs d'oeuvre.
Il ouvre un musée à Genève (1977), un autre à Barcelone (1997), fait don à la France de 500 pièces (2001), provenant notamment de
l'Insulinde, rappelle Stéphane Martin, Président du Musée du Quai Branly, qui voit en lui un "honnête homme", un "érudit" de la Renaissance.
Aujourd'hui, Jean Paul Barbier-Mueller achève la rédaction de son dictionnaire biographique des poètes français du XVIe siècle. "Ce sera, dit-il
modestement, ma seule oeuvre à l'épreuve du temps".
Publié le: 12/06/2008 à 09:19:36 GMT Source : AFP

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Image Paul Guillaume
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"success story”

 Paul Guillaume dans sa galerie de la de Miromesnil (1914 ?).

 


Paris, musée de l’Orangerie

 

Rien ne destinait Paul Guillaume (Paris, 1891 - Paris, 1934) à devenir l’un des grands marchands parisiens d’art moderne. Né en 1891 dans une famille modeste et peu ouverte aux arts, obligé de travailler jeune, il ne reçoit pas d’éducation poussée. Mais l’installation de la famille à quelques encablures de Montmartre détermine sans doute la vocation de l’adolescent, qui entre en contact avec la bohême d’avant-garde gravitant alors autour de la place Ravignan et du Bateau-Lavoir.
Employé dans un garage automobile, il découvre des sculptures africaines dans une cargaison de caoutchouc et les expose dans la vitrine. C’est ainsi qu’il aurait attiré dès 1911 l’attention de Guillaume Apollinaire. Cette rencontre avec le « pape » de la poésie moderne, au cœur de toutes les avant-gardes et lui-même très attentif aux arts « primitifs », est capitale pour Paul, qui contracte le virus de l’art moderne et entreprend d’en faire commerce.

 

Paul guillaume dans son appartement-galerie de l’avenue de Villiers, 1916.
 

Après des débuts de simple courtier, il fait, grâce à son mentor et à un autre poète, Max Jacob, la connaissance de Picasso, Picabia, Chirico, Laurencin, Modigliani, entre autres. En février 1914, il ouvre au 6 rue de Miromesnil une petite galerie qui offre sa vitrine aux artistes défendus par Apollinaire. Sans tarder, il noue des relations d’affaires à l’étranger, notamment à New York avec Alfred Stieglitz et sa fameuse galerie « 291 ». La guerre le conduit à se replier dans un appartement de l’avenue de Villiers qui lui tient lieu de galerie, mais dès 1917, il ouvre une nouvelle galerie rue du Faubourg Saint-Honoré.

 


Domenica et Paul Guillaume, en compagnie d’Albert Sarraut, amateur d’art et important homme politique des années 1920 et 1930, plusieurs fois président du conseil.
Paris, musée de l’Orangerie
 

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André Derain (10 juin 1880 - 8 septembre 1954) est un peintre, illustrateur et sculpteur français, et un des fondateurs du fauvisme, dont il se sépare ensuite. Reconnu de son vivant, il est plus tard critiqué par certains pour son retour tardif à des formes picturales considérées comme "traditionnelles".

Sa vie et son œuvre

Derain est né à Chatou en Île-de-France. Sa période de formation de 1898 à 1899 s'effectue à l'Académie Camillo avec Eugène Carrière un ami de Pierre Puvis de Chavannes, où il se lie avec Henri Matisse, qu'il rencontre en copiant des tableaux au Louvre. En 1900, il rencontre Maurice de Vlaminck dans un train, avec qui il partage un studio, et commence à peindre ses premiers paysages. Autodidacte, il fréquente beaucoup les musées et nourrit sa réflexion esthétique d'un grand nombre de lectures (Zola, Nietzsche…). À Van Gogh qu'il découvre en 1901 et qui aura une influence déterminante s'ajoutent celles des néo-impressionnistes et surtout de Paul Cézanne. Il rejoint Matisse à Collioure en 1905 et à cette occasion définit le style qui le fera connaître du grand public : couleurs vives, dessin simplifié, composition claire. Il est alors considéré comme un des meilleurs représentants du fauvisme. En 1906 et 1907, il est bouleversé par les Arts primitifs et en étroite relation avec Matisse, il poursuit sa réflexion sur les liens entre décoration et expression. Il s'intéresse aux arts décoratifs : céramique, bas-reliefs en bois, sculpture, réalise de grands panneaux sur le thème de l'âge d'or, la danse ou les femmes au bain.

Après 1906, il semble influencé par Paul Gauguin, ses couleurs deviennent moins vives. Mais l'année suivante il fréquente le Bateau-Lavoir, rencontre Picasso et Matisse avec lesquels il voyage à Barcelone en 1910, Braque, Apollinaire, Van Dongen et Max Jacob. Il découvre et collectionne ce que l'on a appelé l’Art nègre et il semble, un temps, suivre l'influence de Picasso mais ne va pas au-delà du pré-cubisme et finalement rompt avec lui après 10 ans de relations amicales.

En 1907, il s'essaie à la sculpture sur pierre, et déménage à Montmartre pour se rapprocher de son ami Pablo Picasso et d'autres artistes connus.

Derain illustre le premier livre de poésie de Guillaume Apollinaire, L'Enchanteur pourrissant (1909), et une collection de poèmes de Max Jacob en 1912. En 1916, il fournit des illustrations pour le premier livre d'André Breton, Mont de Piété.

Dès 1911, il revient à une facture qui semble plus traditionnelle, en amorçant un retour à la perspective, et au clair-obscur.
En 1914, pour la Première Guerre mondiale, Derain rejoint un régiment.

Après son service militaire pendant la Première Guerre mondiale, le monde de l'art le reçoit à bras ouverts. En 1919, il met son talent au service du ballet La Boutique fantasque pour Diaghilev, des Ballets russes. C'est un grand succès qui l'amène à créer de nombreux décors et costumes de ballets.

Sa réputation grandit encore lorsqu'il reçoit le Prix Carnegie en 1928 et commence à exposer dans le monde entier : à Londres, Berlin, Francfort, Düsseldorf, New York et Cincinnati.

Pendant l'occupation allemande de la France, lors de la Seconde Guerre mondiale, Derain vit à Paris et est courtisé par les Allemands comme symbole prestigieux de la culture française. Il accepte une invitation pour une visite officielle en Allemagne en 1941. La propagande nazie fait grand usage de ce voyage et Derain est traité de collaborateur et ostracisé par beaucoup après la Libération.

Après la guerre, il renonce aux présentations publiques de ses œuvres. En 1944 il refuse la direction de l'École nationale supérieure des beaux-arts (ENSBA). Il finit sa vie dans une solitude volontaire.

Il meurt à Garches dans les Hauts-de-Seine le 8 septembre 1954.

Présentation de l'œuvre

Son œuvre est parfois considérée comme inégale[citation nécessaire] mais elle témoigne fortement des préoccupations des artistes de son époque : l'art est lié à une époque historique, les artistes ne peuvent simplement reproduire ce qu'ont fait leurs aînés mais ils doivent cependant tenir compte de leurs leçons.

L'œuvre de Derain est essentiellement picturale mais il a également signé les décors et les costumes de nombreux ballets, illustré une trentaine de livres, il est également connu comme sculpteur.

 

Fauvisme

Le fauvisme est un courant de peinture du début du XXe siècle. Il débuta historiquement à l'automne 1905, lors d'un salon qui créa un scandale, pour s'achever moins de dix ans plus tard, au début des années 1910. En fait, dès 1908, il est déjà à son crépuscule. Son influence marqua néanmoins tout l'art du XXe siècle, notamment par la libération de la couleur. Le précurseur du fauvisme était Henri Matisse, mais d'autres grands artistes, comme André Derain, Maurice de Vlaminck ou encore Georges Braque en ont fait partie.

Le fauvisme est caractérisé par l'audace et la nouveauté de ses recherches chromatiques. Les peintres avaient recours à de larges aplats de couleurs violentes, pures et vives, et revendiquaient un art basé sur l'instinct. Ils séparaient la couleur de sa référence à l'objet afin d'accentuer l'expression et réagissaient de manière provocatrice contre les sensations visuelles et la douceur de l'impressionnisme. Matisse a dit : « Quand je mets un vert, ça ne veut pas dire de l'herbe; quand je mets un bleu, ça ne veut pas dire le ciel. »


Le fauvisme existe-t-il ?

De nombreux historiens de l'art remettent en cause l'existence du mouvement fauviste, mettant en valeur la diversité des styles pratiqués par les artistes fauves, et l'absence d'identité commune clairement définie. Selon Derain, lui-même : « Le grand mérite de cette épreuve fut d'affranchir le tableau de tout contact imitatif et conventionnel ». En effet, le fauvisme ne possède pas les éléments qui caractérisent une école : ni théorie, ni style unitaire. L'utilisation des couleurs pures, souvent citée comme point de ralliement des fauves, n'est en fait pas partagée par tous : la Plage de Fécamp de Marquet, quoique tout à fait fauve dans sa composition, n'utilise que des couleurs grisées, assombries. Le fauvisme ne pourrait donc constituer qu'un « accord momentané entre de jeunes artistes indépendants soumis au même climat d'époque ».

D'autres historiens de l'art contestent cette vision, comme Lebensztein, pour qui le fauvisme est un phénomène européen, voire occidental, qui se développe dans un contexte d'immense dynamisme artistique (la décennie 1904-1914 voit une succession très rapide de nombreuses transformations). Pour lui, on peut reconnaître à ces artistes des éléments communs :

    * la simplification et l'accentuation des formes,
    * l'autonomisation relative de la couleur,
    * l'aplatissement de l'espace,
    * l'apparence d'improvisation rapide,
    * la texture, brutalement visible,
    * l'immédiateté agressive.

Le fauvisme se caractérise aussi par des rejets, en particulier celui du modelé traditionnel, de la sophistication décorative et de la thématique littéraire mise en avant par les artistes symbolistes. Les compositions en diagonale sont assez fréquentes, ainsi que l'emploi d'un cerne noir ou bleu nuit autour des personnages.

Les sources du fauvisme

Le mouvement fauve n'est pas né de rien, loin de là. Plusieurs influences communes peuvent être reconnues dans les œuvres de ses artistes.

Les impressionnistes et les pointillistes constituent la première source. Leurs touches particulières, qui juxtapose des couleurs pures au lieu de les mélanger, laissant à l'œil du spectateur le soin d'effectuer un travail de recomposition, est reprise par Matisse, qui fut élève de Signac à l'été 1904, et qui le transmet à son tour à Derain. Luxe, calme et volupté (1904) en est un exemple emblématique. Manguin lui-même est à la fois proche de Matisse et de Signac ou Cross, peintres divisionnistes s'il en est, tandis que Camoin fait directement référence à Manet par la concision de son dessin.

Les couleurs cristallines impressionnistes sont également reprises, notamment par Manguin, dont la palette est dominée par des tons jaunes et orangés lumineux. Dufy, quant à lui, reprend fréquemment le thème de la Rue Montorgueil de Monet, dans ses 14 juillet au Havre ou rue pavoisée. Le déploiement des drapeaux en travers de la rue est prétexte au déploiement de la couleur, ce que Monet avait déjà remarqué, et que Marquet avait utilisé la même année (14 juillet au Havre). Néanmoins, la composition, avec les lignes des drapeaux qui s'entrecroisent, est très novatrice.

D'autres, comme Raoul Dufy, Marquet, Mérodack-Jeanneau ou Girieud utilisent plutôt la technique de Gauguin, avec de grands aplats. Matisse et Derain n'hésitent pas non plus à s'en servir, et oscillent parfois entre les influences pointillistes et de Gauguin. Dans Japonaise au bord de l'eau Matisse montre cette hésitation, en utilisant des touches assez longues quoique distantes l'une de l'autre, et même, à certains moments, des aplats. De même, Derain compose parfois ses toiles avec de larges rubans de couleurs (Le faubourg de Collioure, 1905), alors que, dans des œuvres contemporaines (Bateaux dans le port de Collioure, Effets de soleil sur l'eau), il n'utilise que de petites touches juxtaposées.

Le style de Gauguin se retrouve dans un autre élément : l'utilisation du cerne autour des personnages. Celui-ci est particulièrement visible dans la danse d'André Derain (1906)

Il est également important de souligner l'influence que Louis Valtat (1869-1952) eut auprès de Matisse et des futurs fauves, Rouault, Marquet, Camoin, Manguin, Puy et quelques autres qui suivaient en 1896 l'enseignement de Gustave Moreau à l'École des Beaux Arts de Paris. Valtat présenta d'ailleurs, aux côtés de Kandinsky et Jawlensky, cinq peintures dans la salle XV du Salon d'automne de 1905 ; mais dès le Salon des Indépendants de 1896, il exposa des peintures réalisées à Arcachon durant l'hiver 1895-1896, ainsi que quatre-vingts aquarelles, des dessins et des bois gravés qui comprenaient déjà des caractéristiques du fauvisme : des couleurs pures, des formes simplifiées, des perspectives abolies et des ombres supprimées.
Van Gogh - Le Café de nuit, place Lamartine, Arles (1889, janvier) - Ses recherches sur les couleurs complémentaires se retrouvent chez les peintres fauves, tels Vlaminck

Cézanne aussi est une source d'inspiration importante. Dans La Gitane de 1905, peinte à Saint-Tropez, Matisse reprend ainsi la géométrisation du corps des personnages caractéristique du solitaire d'Aix. Derain quant à lui s'en inspire dans La danse, pour mener sa réflexion sur la place de la figure humaine dans un paysage, autant que dans Les baigneuses de 1907, pour styliser ses figures. De même, la composition du Port de Collioure, très réfléchie, fait beaucoup penser à Cézanne.

Chez Vlaminck, c'est plutôt l'héritage de Van Gogh que l'on retrouve, comme le montre Partie de campagne réalisée en 1907. Bien qu'hostile aux institutions muséales, il avait découvert cet artiste lors d'une exposition en 1901 chez Bernheim-Jeune, ce qui avait définitivement orienté sa carrière vers la peinture. C'est d'ailleurs à cette même exposition que Derain le présenta à Matisse.

Enfin, une dernière influence est loin d'être négligeable : celle des « arts premiers », océanien et africain. Ces arts exotiques, très décriés au XIXe siècle pour leur «laideur» et déjà plus ou moins remis à l'honneur par Gauguin, sont collectionnés par les artistes qui les découvrent lors des exposition universelles. De nombreuses œuvres présentent des personnages aux visages stylisés en forme de masque, comme c'est le cas par exemple pour La Gitane de Matisse.

Influence du fauvisme

Malgré la vie éphémère du mouvement, les Fauves ont eu une grande influence sur l'Europe et le Japon.

Le fauvisme en Europe

Les nouveaux collectionneurs moscovites adopteront cette peinture. Les artistes russes, regroupés au sein de l'association La Toison d'Or, organiseront les premières expositions de peintures fauves en 1908. Leur troisième exposition, en 1910, mêlera des objets de l'artisanat russe aux tableaux de Nathalie Gontcharova et de Michel Larionov. Ce dernier entreprendra une série de tableaux consacrée aux prostituées. Auguste Chabaud, Frantisek Kupka adopteront le même thème. La prostituée de Kupka sera titrée « Primitive ».

Le qualificatif fauve désignera les toiles qui porteront la couleur pure à ses limites extrêmes. « Le fauvisme », dira Matisse, « est venu du fait que nous nous placions tout à fait loin des couleurs d'imitation et qu'avec les couleurs pures nous obtenions des réactions plus fortes ». Ce courant aura une profonde influence sur les mouvements allemands Die Brücke et La NKVM dont la scission provoquera la création Der Blaue Reiter.


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Pablo Ruiz Picasso, né à Málaga, Espagne, le 25 octobre 1881 et mort le 8 avril 1973 à Mougins, France, était un peintre, dessinateur et sculpteur espagnol. Fondateur du cubisme avec Georges Braque, compagnon d'art du surréalisme, il fut l'un des artistes majeurs du XXe siècle.

Biographie

Pablo Picasso était le premier enfant de Don José Ruiz et Maria Picasso Lopez. Son nom complet était Pablo Diego José Francisco de Paula Juan Nepomuceno María de los Remedios Cipriano de la Santísima Trinidad Mártir Patricio Ruiz y Picasso[1]. Le nom de Picasso, qui n'est pas en fait très espagnol, serait d'origine italienne. Un de ses arrière-grand-pères est né à Sori dans la région de Gênes[1]. Le père de Picasso était peintre et professeur de dessin à l'école de Málaga appelée « San Telmo ». Pablo avait deux sœurs mais aucun frère.

En 1891, la famille Ruiz-Picasso s'installe à La Corogne. Don José, le père, est nommé professeur à La Lonja de Barcelone, en 1895.

Premières peintures

Picasso a ainsi commencé la peinture dès son plus jeune âge, et il réalise ses premiers tableaux à huit ans, dont le Picador (1889), sa première peinture à l'huile, dont il refusera toujours de se séparer.
L'artiste ne signera plus ses toiles du nom de Ruiz Blasco mais de celui de Picasso à partir de 1901

Pendant l'été 1895, Pablo découvre Madrid et Barcelone. Il passe ses vacances à Malaga et revient par la mer à Barcelone. À cette occasion, il réalise des marines du voyage. C'est durant l'hiver 1895, qu'il réalise sa première grande toile académique : la Première Communion. En 1895, il entre à l'école des Beaux-Arts de Barcelone. Signant d'abord du nom de son père, Ruiz Blasco, il choisit finalement d'utiliser le nom de sa mère, Picasso, à partir de 1901. C'est en 1896, qu'il peint Science et Charité. Durant l'été, il passe, de nouveau, ses vacances à Malaga. Picasso y peint des paysages et des corridas.

En septembre 1897 il part pour Madrid et triomphe, en octobre, au concours d'admission de l'Académie San Fernando.

Il revient à Barcelone en juin 1898, puis part pour Horta, le village de son ami Pallarès, situé au sud de l'Ebre, près de la ville de Gandesa. En février 1899, il est de nouveau de retour à Barcelone, où il s'intègre au milieu du cabaret Els Quatre Gats, café phare de la bohème, et fait la connaissance de Jaime Sabartés et de Carlos Casagemas. Picasso exposera le 1er février 1900 à Els Quatre Gats.

Il part pour Paris avec Casagemas, en octobre, s'installe dans l'atelier de Nonell à Montmartre, rencontre le marchand Pedro Manach et Berthe Weill et vend quelques pastels à des amateurs[2]. Il rentre à Barcelone le 20 décembre, avec Casagemas que Picasso emmène avec lui jusqu'à Malaga pour le sortir de sa mélancolie[2].

À la mi-janvier 1901, Picasso part pour Madrid. Le 17 février, Casagemas, après avoir tenté de tuer son amante Germaine qui était une danseuse volage du Moulin rouge, se suicide à Paris[2]. Picasso, bouleversé par la mort de son ami peindra un tableau clé La Mort de Casegemas[3] dont il dira qu'il a conditionné grandement son passage à la période bleue[4], empreinte de douleur, tristesse et faisant référence aux grands maîtres espagnols. En avril 1901, il retourne à Barcelone, puis, en mai, il repart à Paris et s'installe au 130 ter boulevard de Clichy, où Casagemas avait son atelier.

Période bleue

La période bleue correspond aux années 1901-1904 : ce nom vient du fait que le bleu est la teinte dominante de ses tableaux de cette époque, qui a débuté avec le suicide de son ami Carlos Casagemas, ce qui explique qu'elle soit marquée par les thèmes de la mort, de la vieillesse et de la pauvreté, mais ne l'empêche pas d'être satirique. Le premier tableau de cette période fut "la mort de Casagemas" inspiré de la mort de son ami espagnol. Les pauvres, les mendiants et les aveugles sont largement décrits dans les tableaux de cette époque : Dama en Eden Concert (1903), La Vida (1903), Las Dos hermanas (1904). On peut ajouter que Picasso en peignant ses tableaux exprime la mélancolie.
La période rose (voir ci-dessous) sera, elle, nettement plus gaie : il utilisera des couleurs telles que le rouge et le rose.

Entre le 25 juin et le 14 juillet 1901, Picasso et Iturrino font une exposition à la galerie Vollard, à Paris. Picasso fait la connaissance du poète Max Jacob. Pendant l'hiver, il peint Autoportrait bleu (Paris, Musée Picasso).

Fin janvier 1902, il se rend à Barcelone. La galerie Berthe Weill, expose du 1er au 15 avril des œuvres de Lemaire et de Picasso. Il revient à Paris en octobre avec Sébastien Junyer. Et il montre pour la première fois ses toiles bleues du 15 novembre au 15 décembre dans une exposition de groupe chez Berthe Weill.

En janvier 1903, Picasso est de nouveau à Barcelone. Au printemps, il débute la toile La vie (Cleveland Museum of Fine Arts).

Période rose (1904-1906)

À partir de 1905, il s'installe à Paris, au Bateau-Lavoir, dans l'atelier laissé par Paco Durrio. Là, il rencontre sa première compagne : Fernande Olivier. C'est le début de la période rose. Comme précédemment, c'est l'utilisation des teintes « rougées » qui explique cette dénomination. Les thèmes abordés sont la joie et l'inquiétude existentielle. Il reste mélancolique et dominé par l'amour ; on y trouve aussi de nombreuses références au monde du zoo et du cirque. Il peint des masques, arlequins, dompteurs et clowns. Picasso privilégia pendant cette période le travail sur le trait, le dessin, plutôt que sur la couleur... C'est aussi l'époque des maternités roses.

Picasso fait la connaissance de Guillaume Apollinaire et d'André Salmon.

Du 25 février au 6 mars 1905, Picasso expose à la galerie Serrurier, ses premières toiles roses. Au printemps, il peint Les Saltimbanques (Washington, National Gallery). Pendant l'été, il fait un séjour à Schoorl en Hollande, et y peint les Trois Hollandaises (Paris, Musée National d'Art Moderne, dépôt au Musée Picasso).

En automne, il rencontre Gertrude et Leo Stein. On commence à trouver dans ses toiles le thème de la mort d'Arlequin. Gertrude Stein le présente à Matisse, pendant l'hiver 1906. Le galeriste Ambroise Vollard achète la plupart des toiles roses en mars. En mai, il part avec Fernande Olivier pour Barcelone, puis durant l'été à Gósol, village isolé de haute-Catalogne. Ce séjour aura un impact majeur dans l'œuvre de Picasso, dont les peintures et les carnets de Gósol marquent les prémices de sa révolution cubiste de l'année suivante. Le thème des deux frères apparaît.

Le portrait de Gertrude Stein ( New-York, Museum of Modern Art), commencé en hiver, est enfin achevé grâce à une peinture de Cézanne, "Madame Cézanne à l'éventail" que Gertrude Stein avait acquise au salon d'automne en 1904.

Influences africaines

La période de Picasso sous influence africaine (1907-1909) est marquée au début par les deux figures du côté droit des Demoiselles d'Avignon, qui ont été inspirées par les masques africains que Picasso possédait.

Cubisme

De 1907 à 1914, il réalise avec Georges Braque des peintures qui seront appelées «cubistes». Elles sont caractérisées par une recherche sur la géométrie et les formes représentées : tous les objets se retrouvent divisés et réduits en formes géométriques simples, souvent des carrés. Cela signifie en fait qu'un objet n'est pas représenté tel qu'il apparaît visiblement, mais par des codes correspondant à sa réalité connue. Le cubisme consiste aussi à représenter sur une toile en deux dimensions un objet de l'espace. Picasso décompose l'image en multiples facettes (ou cubes, d'où le nom de cubisme) et détruit les formes du réel pour plonger dans des figures parfois étranges (comme une figure représentée sur une moitié de face, et sur l'autre de côté ). Cette technique, initiée par Picasso et Braque, fit de nombreux émules tels que Juan Gris, Francis Picabia, Brancusi, les Delaunay, Albert Gleizes.

L'œuvre fondatrice du cubisme est Les Demoiselles d'Avignon. Cette peinture fut commencée pendant l'hiver 1906-1907, et achevée début juillet 1907.

Au début de l'été, Daniel-Henry Kahnweiler fait une première visite au Bateau-Lavoir. En octobre, a lieu une rétrospective Cézanne au Salon d'automne. Pendant l'hiver 1908, Picasso peint L'Amitié (Leningrad, Ermitage), Nu debout (Boston, Fine Arts Museum). Il séjourne à la Rue-des-Bois, village à 60 km au nord de Paris, durant l'été et en octobre, il propose la version définitive des Trois femmes (Leningrad, Ermitage).

En mai 1909, Picasso va à Barcelone, et à Horta de Ebro avec Fernande Olivier. Là, il peint les Paysages (New-York, Museum of Modern Art). À Paris, en septembre, il déménage au 11 boulevard de Clichy, et réalise des sculptures : Tête de Fernande (Paris, Musée Picasso). En 1910, il fait les portraits d'Ambroise Vollard (Moscou, Musée Pouchkine), de Uhde (St.Louis, Collection Pulitzer) et de Daniel-Henry Kahnweiler (Chicago, Art Institute). Picasso part pour Céret, village de Catalogne française, en juillet 1911. Fernande Olivier et Braque le rejoignent en août. Le 5 septembre, il rentre à Paris. Picasso est absent de la salle cubiste au Salon d'automne qui commence le 1er octobre.

À l'automne, entre dans sa vie, Eva Gouel, qu'il appelle « Ma jolie » dans plusieurs de ses toiles.

Les premiers collages et les premiers assemblages sont réalisés pendant l'hiver 1912, Nature morte à la chaise cannée (Paris, Musée Picasso), Guitare(s) en carton (Paris, Musée Picasso). Le 18 mai, il part de Céret pour Avignon et le 25 juin s'installe à Sorgues. Il déménage 242 boulevard Raspail. Picasso et Daniel-Henry Kahnweiler signent le 18 décembre une lettre-contrat. Vers le 10 mars 1913, il va avec Eva Gouel, à Céret. Le Verre d'absinthe est peint au printemps 1914. Après le départ pour Avignon, en juin, il fait un retour au portrait, en juillet. Éva meurt le 14 décembre 1915.

Trois formes de cubisme émergent : le précubisme, ou cubisme cézannien, le cubisme analytique et le cubisme synthétique.

Les Ballets russes

Pendant la Première Guerre mondiale, Picasso séjourne à Rome avec Jean Cocteau, à partir du 17 février 1916. Il s'installe Via Margutta, d'où il voit la Villa Médicis. Outre de nombreux portraits dessinés, il peint L'Italienne, L'Arlequin et femme au collier. En mai, Cocteau présente Diaghilev à Picasso. Il travaille comme décorateur pour le ballet Parade de Léonide Massine et les Ballets russes de Serge de Diaghilev, sur une musique d’Erik Satie. Il rencontre Stravinski et la danseuse Olga Khokhlova qui devint sa femme. Dans une veine décorative, Picasso réalisa plusieurs portraits d’elle et de leur fils (Paul en Pierrot en 1925).

Fin mars 1917, il voyage à Naples et à Pompei et revient à Paris, fin avril. Le 18 mai, la première de Parade a lieu au Châtelet. Puis en juin, Picasso part pour Madrid avec la troupe de Diaghilev et Olga, et le 12 juillet, un banquet est offert en son honneur à Barcelone.

Du 23 janvier au 15 février 1918, Picasso expose avec Matisse chez Paul Guillaume. Il se marie avec Olga à l'église russe de Paris, le 12 juillet. Cocteau, Max Jacob et Apollinaire sont les témoins. Pendant un séjour à Biarritz, il peint Les baigneuses (Paris, Musée Picasso).

En mai 1919, Picasso part pour Londres travailler au ballet Le Tricorne sur une musique Manuel de Falla. Pendant l'été, il séjourne à Biarritz chez Mme Errazuriz puis s'installe avec Olga à Saint-Raphaël (Côte d'Azur).

Son fils Paulo naît le 4 février 1921 . Durant l'été, il s'installe avec Olga et Paulo à Fontainebleau. Il y peint les Femmes à la fontaine (Paris, Musée Picasso et New-York, Museum of Modern Art) et Les trois musiciens (New-York, Museum of Modern Art et Philadelphie, Museum of Art). En juin 1922, lors d'un séjour à Dinard (Bretagne, Côte de la Manche), il peint Deux femmes courant sur la plage (La course) (Paris, Musée Picasso). Puis, en décembre, il réalise le décor pour L'Antigone de Cocteau, créée par Charles Dullin au Théâtre de l'Atelier. En 1923, il fait un nouveau séjour estivale sur la Côte d'Azur (Cap d'Antibes) et peint La flûte de Pan (Paris, Musée Picasso). Et c'est en 1924, en été, alors qu'il se trouve à la villa La Vigie à Juan-les-Pins (Côte d'Azur), qu'il fait son Carnet de dessins abstraits et qu'il peint Paul en arlequin (Paris, Musée Picasso).

Pendant cette période des années 1920, dans un climat de reconnaissance mondaine, il peignit des tableaux marqués par un retour à la figuration et au classicisme : Trois Femmes à la fontaine (1921), et des œuvres inspirées par la mythologie comme les Flûtes de Pan (1923).

Surréalisme

L’année 1925 fut celle d’une rupture radicale dans la production du peintre. Il peignit des tableaux très violents montrant des créatures difformes, convulsives, prises dans les rets d’une rage hystérique : Femme dans un fauteuil (1926) et Baigneuse assise (1930). L’influence des poètes surréalistes fut indéniable dans cette volonté de dépeindre de l’intérieur l’enfer personnel. Cependant il adoptait une approche plus pragmatique que celle du « rêve calqué sur la toile » des surréalistes.

En juin-juillet 1925, il achève La Danse et peint Le Baiser. Le 14 novembre, il participe à la première exposition surréaliste de la Galerie Pierre. En 1926, il peint le Peintre et son Modèle, qui marque sa rencontre avec Marie-Thérèse Walter à la fin de cette année, alors qu'elle est encore mineure[5],[6]. Il réalise les Guitare(s) à clous.

Il exécute le grand collage du Minotaure en janvier 1928. Picasso a besoin alors d'une aide technique, notamment pour la réalisation des maquettes du Monument pour Guillaume Apollinaire dont il a reçu commande en 1922. Quelques années auparavant il avait renoué son amitié avec le ferronier et sculpteur catalan Julio González, rencontré à Barcelone du temps d'Els Quatre Gats, et vivant comme lui à Paris depuis 1900. Picasso s'adresse naturellement à lui, et ils entameront, de l'automne 1928 jusqu'en juillet 1932, une fructueuse collaboration technique autour des sculptures en fer forgé et soudé[7]. C'est au printemps 1929 qu'il sculpte en fer soudé La Femme au jardin dans l'atelier de González, qui par la suite réalisera le bronze en 1932. C'est l'année aussi de ces dernières vacances à Dinard. Il peint le Grand nu au fauteuil rouge, et en février 1930, Crucifixion. À l'automne 1930, Marie-Thérèse déménage au 44, rue de la Boétie. Il achète le château de Boisgeloup, près de Gisors, 80 km au nord-ouest de Paris, en juin, et s'y installera jusqu'à la fin de 1932.

Deux figures au bord de la mer est peint en janvier 1931, et en mars, Nature morte sur un guéridon. Cette année-là, voit également l'édition de deux livres majeurs : Les Métamorphoses d'Ovide (Lausanne, Skira) et Le Chef d'œuvre inconnu de Balzac (Paris, Ambroise Vollard).

En 1932, Jeune fille devant le miroir est finie. Une rétrospective à la galerie Georges Petit, puis au Kunsthaus de Zurich, a lieu en juin. Picasso travaille à Boisgeloup aux têtes sculptées d'après Marie-Thérèse et à la série de dessins d'après La Crucifixion de Matthias Grünewald.

Le premier numéro de Minotaure avec une couverture de Picasso, paraît le 25 mai 1933. Il passe les vacances de l'été 1933 à Cannes avec Olga et Paulo. En septembre, il peint à Boisgeloup, La Mort du torero.

De juin à septembre 1934, il fait des séries de corridas, peintes, dessinées et gravées. En août, il voyage en Espagne avec Olga et Paulo, et se rend aux corridas de Burgos et de Madrid. Il visite le Musée d'Art catalan de Barcelone. Il réalise une série de sculptures à texture moulée : Femme au feuillage et Femme à l'orange. Au printemps 1935, la galerie Pierre expose des papiers collés. Minotauromachie est gravée. Il se sépare d'Olga en juin, et le 5 octobre, naît Maya Picasso, sa fille avec Marie-Thérèse Walter.

Le 25 mars 1936 voit le départ secret de Picasso avec Marie-Thérèse et Maya pour Juan-les-Pins. Il fait des gouaches et des dessins sur le thème du Minotaure. Cette même année, au début de la Guerre civile espagnole, il est nommé directeur du Musée du Prado à Madrid. Début août, Picasso part pour Mougins et Dora Maar l'y rejoint.

Guernica et pacifisme

À la suite du bombardement, le 26 avril 1937, de Guernica pendant la guerre civile espagnole, horrifié par ce crime, Picasso se lance dans la création d'une de ses œuvres les plus célèbres : Guernica. Elle symbolise toute l'horreur de la guerre et la colère ressentie par Picasso à la mort de nombreuses victimes innocentes, causée par le bombardement des avions nazis à la demande du général Franco.
Chez lui à Paris pendant la Seconde Guerre mondiale, Picasso aurait rencontré dans son atelier des officiers allemands très intéressés par son travail. Les officiers apercevant la célèbre peinture Guernica lui auraient demandé : « C'est vous qui avez fait cela ? », Picasso aurait répondu : « Non... vous »[8].
Très opposé à la guerre, il peint la célèbre Colombe de la paix (1949) à l'occasion de son adhésion au Conseil Mondial de la Paix. Il reçoit à ce titre un prix international de la paix en 1955.

Guernica fut exposé dans le Pavillon Espagnol de l'Exposition Internationale.

En octobre-décembre 1937, il peint La femme qui pleure (Paris, Musée Picasso), puis en 1938, fait un grand collage, Les Femmes à leur toilette (Paris, Musée National d'Art Moderne).

En juillet 1938, il va à Mougins avec Dora Maar. Début juillet 1939, avec Dora Maar, il part chez Man Ray à Antibes, d'où le tableau Pêche de nuit à Antibes (New-York, Museum of Modern Art). De septembre 1939 au début de 1940, il est à Royan, Séquence de Femmes au chapeau.

Entre 1942 et 1943 il réalise l'assemblage, Tête de taureau (Paris, Musée Picasso), L'Aubade (Paris, Musée National d'Art Moderne), L'Homme au mouton (Paris, Musée Picasso).

Il rencontre Françoise Gilot en mai 1943.

Engagement au parti communiste

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, ses tableaux deviennent plus optimistes, plus gais, montrant, comme l'indique le titre d'un tableau de 1946, la Joie de vivre qu'il ressent alors.

Picasso habite chez Marie-Thérèse durant l'insurrection de Paris, en août 1944. Il adhère, le 5 octobre, au Parti communiste français et le 7 octobre s'ouvre le Salon d'Automne et la rétrospective Picasso.

Le Charnier (New-York, Museum of Modern Art) est peint en avril-mai 1945 d'après le souvenir de la découverte en décembre 1944, du corps supplicié de son ami le jeune poète surréaliste Robert Rius. Picasso part avec Dora Maar pour le Cap d'Antibes, en juillet, et le 26 novembre Françoise revient vivre chez Picasso.

En 1946, Picasso rejoint Françoise à Golfe-Juan, il visite Matisse à Nice. Puis en juillet, avec Françoise, il part pour Ménerbes (Vaucluse). En août, il s'installe chez Louis Fort à Golfe-Juan, et débute le travail au château d'Antibes en octobre.

Période de Vallauris

Le 15 mai 1947, naît son fils Claude. En juin, il part pour Golfe-Juan. Lorsque Picasso visite Vallauris à l'été 1946, il se rend chez Georges et Suzanne Ramié et modèle trois pièces de céramique. Lorsqu'il reviendra l'année suivante, il retrouve ses pièces et débute alors une période intense de production de céramique qu'on estime à près de 4500 pièces. Il s'installera à Vallauris en 1948 avec Françoise Gilot.

Le 25 août 1948, Picasso va au Congrès des Intellectuels pour la Paix à Wroclaw. Il revient à Vallauris à la mi-septembre. Il peint les deux versions de La Cuisine (l'une est actuellement au Musée Picasso de Paris et l'autre au Museum of Modern Art de New York).

En février 1949, La Colombe est choisie par Aragon pour l'affiche du Congrès de la Paix qui ouvre à Paris le 20 avril. Le 19 avril 1949, naît Paloma.

Le 6 août 1950, Laurent Casanova inaugure L'Homme au mouton à Vallauris. Picasso exécute La Chèvre, La Femme à la poussette, la Petite Fille sautant à la corde. Le 15 janvier 1951, il peint Massacre en Corée.

En 1952, il dessine La Guerre et la Paix pour la décoration de la chapelle de Vallauris, il écrit une seconde pièce de théâtre : Les Quatre Petites Filles.

L'affaire du Portrait de Staline dans Les Lettres françaises se déroule en mars 1953. Françoise Gilot part pour Paris avec les enfants.

Il fait les portraits de Sylvette David, en avril 1954. En juin, il rencontre Jacqueline Roque. C'est en décembre que débute la série des variations sur les Femmes d'Alger de Delacroix. Il s'installe en mai 1955, avec Jacqueline, à la villa La Californie à Cannes. En juin, a lieu une rétrospective au Musée des Arts décoratifs. Pendant l'été il travaille avec Henri-Georges Clouzot pour le film le Mystère Picasso.

En 1956, Les Baigneurs, les sculptures en bois (Stuttgard, Staatsgalerie) sont coulées en bronze. Il peint L'Atelier de La Californie.

Le 17 août 1957, il commence le travail sur Les Ménines (Barcelone, Musée Picasso).

Le 29 mars 1958 a lieu la présentation de la décoration pour l'UNESCO : La Chute d'Icare. En septembre, Picasso achète le château de Vauvenargues et peint La Baie de Cannes.

Les premiers dessins d'après Le Déjeuner sur l'herbe de Manet sont faits le 10 août 1959.

Il se marie avec Jacqueline à Vallauris, le 2 mars 1961, et en juin, s'installe au mas Notre-Dame-de-Vie à Mougins (près de Cannes). Il travaille sur les tôles découpées et peintes, La Chaise, la Femme aux bras écartés, la Femme à l'enfant, les Footballeurs.

En novembre 1962, il peint, l'Enlèvement des sabines dont une version se trouve au Musée national d'art moderne de Paris.

L'inauguration de la rétrospective au Grand Palais et au Petit Palais se déroule le 19 novembre 1966.

Au printemps 1967, Picasso est expulsé de son atelier de la rue des Grands-Augustins.

En janvier 1970, le Musée Picasso de Barcelone reçoit la donation des œuvres conservées par sa famille. Une exposition se déroule au Palais des Papes d'Avignon de mai à octobre.

En avril 1971, la galerie Louise Leiris expose les 194 dessins réalisés entre le 15 décembre 1969 et le 12 janvier 1971. Nouvelle exposition à la galerie Louise Leiris, en janvier 1973, qui montre cette fois les 156 gravures réalisées entre fin 1970 et mars 1972.

Picasso décède le 8 avril 1973, et est enterré dans le parc du château de Vauvenargues dans les Bouches-du-Rhône.
Une exposition de 201 toiles se tient au Palais des Papes d'Avignon de mai à septembre 1973.

Écriture et livres illustrés

En 1931, il participe à l'édition de deux livres majeurs accompagnés d'estampes. D'une part, Les Métamorphoses d'Ovide, avec 30 gravures à l'eau-forte et Le Chef-d'œuvre inconnu de Balzac, avec 13 gravures à l'eau forte. Au total, Picasso illustrera plus de 150 ouvrages durant sa vie parmi lesquels des chefs d'œuvres du XXe siècle : le Chant des morts de Reverdy avec 125 lithographies, la Célestine, avec 66 eaux-fortes et aquatintes, Vingt poèmes de Gongora avec 41 eaux-fortes et aquatintes, L'Histoire naturelle de Buffon avec 31 gravures à l'aquatinte, la tauromaquia avec 27 gravures à l'eau-forte et aquatinte etc.

En 1935, il se consacre intensément à l'écriture de poèmes, en écrivant près de 400 sur une courte période[10]. Durant la Seconde Guerre mondiale, Picasso écrit en 1941 une pièce de théâtre de style surréaliste, Le Désir attrapé par la queue, dont il donnera une lecture le 19 mars 1944 chez Michel Leiris avec ses amis Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre, Albert Camus, Louise Leiris, Pierre Reverdy entre autres. La pièce sera finalement créée en juillet 1967. Il a écrit également deux autres œuvres littéraires : Les Quatre Petites Filles et L'Enterrement du comte d'Orgaz.

Sa cote

Le 10 novembre 1999, chez Sotheby's à New York, un portrait de Dora Maar provenant de la collection d'Eleanore et Daniel Saidenberg, intitulé Femme assise dans un jardin, une huile sur toile datée de 1938, s'est vendu pour 49 502 500 $ soit une somme supérieure à 45,8 millions d'euros, ce fut à l'époque la deuxième enchère jamais atteinte par l'artiste[réf. nécessaire].

Depuis, Dora Maar au chat (1941) s'est vendue 95 216 000 $ le 3 mai 2006 chez Sotheby's, acquise par un acheteur russe (l'estimation n'en donnait pas plus de 50 millions)[11], sans toutefois détrôner le Garçon à la pipe (1905), provenant de la Greentree Foundation et auparavant des collections de Monsieur et Madame John Hay Whitney, vendu 104 168 000 $ deux ans plus tôt, le 5 mai 2004 chez Sotheby's[12] ce qui constitua le premier tableau dans l'histoire dépassant la barre symbolique des 100 millions de dollars[13].

En 2007 aux enchères, la Femme à la mandoline s'est vendue pour 27 millions d'euros[réf. nécessaire], le Mousquetaire et nu assis a été vendu pour 9,954 millions d'euros en juin 2007 et la Tête d'Arlequin, a atteint 15,16 millions de $[14].

Des croquis de l'artiste sur papier sont en revanche nettement moins chers. Le dessin Buste de femme au corsage blanc (1957) a été vendu pour 40 000 euros en 2007. L'estimation était de 30 000 euros.



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André Breton, né à Tinchebray (Orne) le 19 février 1896 et mort à Paris le 28 septembre 1966, était un écrivain, poète, essayiste et théoricien du surréalisme. Il est connu en particulier pour des livres comme Nadja (1928), L'Amour fou (1937), et les différents Manifestes du surréalisme. La manière dont il a conduit le mouvement surréaliste et l'importance de son œuvre critique et théorique, en matière d'arts plastiques notamment, en font une figure majeure de l'art et de la littérature au XXe siècle.

Biographie

De la tentative d’un coup d’État poétique au Premier manifeste (1924)

Fils unique d’une famille de la petite bourgeoisie catholique dont la mère impose une éducation rigide, André Breton passe une enfance sans histoire à Pantin (Seine-St-Denis)[1], dans la banlieue nord-est de Paris.

Premières rencontres décisives : Valéry, Apollinaire, Vaché

Au collège Chaptal, il suit une scolarité « moderne » (sans latin ni grec[2]), se fait remarquer par son professeur de rhétorique qui lui fait découvrir Charles Baudelaire et Joris-Karl Huysmans, et par son professeur de philosophie qui lui oppose le positivisme ("Ordre et progrès") aux pensées hégéliennes ("Liberté de la conscience de soi") qu’affectionne le jeune homme.[3] Il se lie d’amitié avec Théodore Fraenkel et René Hilsum qui publie ses premiers poèmes dans la revue littéraire du collège. Au dépit de ses parents qui le voyaient ingénieur, Breton entre en classe préparatoire au PCN[4] avec Fraenkel.

Au début de 1914, il adresse quelques poèmes à la manière de Stéphane Mallarmé, à la revue "La Phalange" que dirige le poète symboliste Jean Royère. Ce dernier les publie et met Breton en relation avec Paul Valéry. À la déclaration de guerre, le 3 août, il est avec ses parents à Lorient (Morbihan). Il a pour seul livre un recueil de poèmes d’Arthur Rimbaud qu’il connait mal. Jugeant sa poésie si « accordée aux circonstances », il reproche à son ami Fraenkel sa tiédeur devant « une œuvre aussi considérable ». Pour sa part, il proclame « l’infériorité artistique profonde de l’œuvre réaliste sur l’autre. »[5] Déclaré « bon pour le service » en janvier 1915, Breton est envoyé à Pontivy, dans l’artillerie, pour faire ses classes dans ce qu'il devrait plus tard décrire comme « un cloaque de sang, de sottise et de boue. »[6]. La lecture d'articles d'intellectuels renommés comme Maurice Barrès ou Henri Bergson, le conforte dans son dégoût du nationalisme ambiant. Il est ensuite affecté à l’hôpital de Nantes (Loire-Atlantique) comme interne en médecine. Il écrit sa première lettre à Guillaume Apollinaire à laquelle il joint le poème « Décembre ».

En février ou mars 1916, il rencontre un soldat en convalescence : Jacques Vaché. C’est le « coup de foudre » intellectuel. Aux tentations littéraires de Breton, Vaché lui oppose Alfred Jarry, la « désertion à l’intérieur de soi-même » et n’obéit qu’à une loi, l’« Umour (sans h) ». Découvrant dans un manuel[7] ce que l’on nomme alors la « psychoanalyse » de Sigmund Freud,[8] à sa demande, Breton est affecté au Centre de neurologie à Saint-Dizier (Haute-Marne) que dirige un ancien assistant du docteur Jean-Martin Charcot. En contact direct avec la folie, il refuse d’y voir seulement un déficit mental mais plutôt une capacité à la création[9]. Le 20 novembre 1916, Breton est envoyé au front comme brancardier.

De retour à Paris en 1917, il rencontre Pierre Reverdy avec qui il collabore à sa revue "Nord-Sud" et Philippe Soupault que lui présente Apollinaire : « Il faut que vous deveniez amis. » Soupault lui fait découvrir les « Chants de Maldoror » de Lautréamont, qui provoquent chez lui une grande émotion[10]. Avec Louis Aragon dont il fait la connaissance à l’hôpital du Val-de-Grâce, ils passent leur nuits de garde à se réciter des passages de « Maldoror » au milieu des « hurlements et des sanglots de terreur déclenchés par les alertes aériennes chez les malades », (Aragon).

Dans une lettre de juillet 1918 à Fraenkel, Breton évoque le projet en commun avec Aragon et Soupault, d’un livre sur quelques peintres comme Giorgio De Chirico, André Derain, Juan Gris, Henri Matisse, Picasso, Henri Rousseau... dans lesquels serait « contée à la manière anglaise » la vie de l’artiste, par Soupault, l’analyse des œuvres, par Aragon et quelques réflexions sur l’art, par Breton lui-même. Il y aurait également des poèmes de chacun en regard de quelques tableaux.

Malgré la guerre, la censure et l’esprit anti-germanique, parviennent de Zurich, Berlin ou Cologne, les échos des manifestations Dada ainsi que quelques unes de leurs publications comme le « Manifeste Dada 3 ». Au mois de janvier 1919, profondément affecté par la mort de Jacques Vaché, Breton croit voir en Tristan Tzara la réincarnation de l’esprit de révolte de son ami : « Je ne savais plus de qui attendre le courage que vous montrez. C’est vers vous que se tournent aujourd’hui tous mes regards. »[11]

"Littérature" - "Les Champs magnétiques" - Dada à Paris

Projetée depuis l’été précédent, Aragon, Breton et Soupault, les « trois mousquetaires » comme aimait à les appeler Paul Valéry, fondent la revue "Littérature" dont le premier numéro paraît en février 1919. Rencontré le mois suivant, Paul Éluard est immédiatement intégré dans le groupe.[12]

Après la parution de « Mont de piété » qui regroupe ses premiers poèmes écrits depuis 1913, Breton expérimente avec Soupault l'écriture automatique : textes écrits sans aucune réflexion, à différentes vitesses, sans retouche ni repentir. « Les Champs magnétiques », écrit en mai et juin 1919, n’est publié qu’un an plus tard. Le succès critique en fait un ouvrage précurseur du surréalisme[13]

Dans "Littérature" paraissent successivement les « Poésies » de Lautréamont,[14] des fragments des « Champs magnétiques » et l’enquête « Pourquoi écrivez-vous ? », mais Breton reste insatisfait de la revue. Après avoir rencontré Francis Picabia dont l’intelligence, l’humour, le charme et la vivacité le séduisent, Breton comprend qu’il n’a rien à attendre des « aînés », ni de l’héritage d’Apollinaire : l’« Esprit nouveau » paré du bon sens français et son horreur du chaos,[15], ni du réveil de Paul Valéry,[16] pas plus que des « modernes » Jean Cocteau, Raymond Radiguet, Drieu La Rochelle perpétuant la tradition du roman qu’il rejette (et rejettera toujours).

Le 23 janvier 1920, Tristan Tzara arrive enfin à Paris. La déception de Breton de voir apparaître un être « si peu charismatique » est à la hauteur de ce qu’il en attendait. Il se voyait avec Tzara « tuer l’art », ce qui lui paraît le plus urgent à faire même si « la préparation du coup d’État peut demander des années. »[17] Avec Picabia et Tzara, ils organisent les manifestations Dada qui suscitent le plus souvent incompréhension, chahuts et scandales, buts recherchés. Mais dès le mois d’août, Breton prend ses distances avec Dada. Il refuse d’écrire une préface à l’ouvrage de Picabia « Jésus-Christ rastaquouère » : « Je ne suis même plus sûr que le dadaïsme ait gain de cause, à chaque instant je m’aperçois que je le réforme en moi. »[18]

À la fin de l’année, Breton est engagé par le couturier, bibliophile, et amateur d’art moderne Jacques Doucet. Ce dernier, « personnalité éprise de rare et d’impossible, juste ce qu’il faut de déséquilibre », lui commande des lettres sur la littérature et la peinture ainsi que des conseils d’achat d’œuvres d’art. Breton lui fera acheter le tableau « Les Demoiselles d’Avignon » de Picasso.

Après le « Procès Barrès »[19] (mai 1921), rejeté par Picabia et au cours duquel Tzara s’est complu dans une insolence potache, Breton considère le pessimisme absolu des dadaïstes comme de l'infantilisme. L’été suivant, il profite d’un séjour dans le Tyrol pour rendre visite à Sigmund Freud à Vienne, mais ce dernier garde ses distances avec le chef de file de ceux qu'il est tenté de considérer comme des « fous intégraux »[20]

Rupture avec Dada - Naissance du surréalisme - Premier manifeste

En janvier 1922, Breton tente d’organiser un « Congrès international pour la détermination des directives et la défense de l’esprit moderne ». L’opposition de Tzara en empêche la tenue. Une nouvelle série de "Littérature" avec Breton et Soupault pour directeurs, recrute de nouveaux collaborateurs comme René Crevel, Robert Desnos, Roger Vitrac mais, définitivement hostile à Picabia, Soupault prend ses distances avec les surréalistes. Avec Crevel, Breton expérimente les sommeils hypnotiques permettant de libérer le discours de l’inconscient. Ces états de sommeil forcé vont révéler les étonnantes facultés d’ « improvisation » de Benjamin Péret et de Desnos. À la fin février 1923, doutant de la sincérité des uns et craignant pour la santé mentale des autres, Breton décide d’arrêter l’expérience.

Breton semble fatigué de tout : il considère les activités de journalisme d’Aragon et Desnos, certes rémunératrices, comme une perte de temps, les écrits de Picabia le déçoivent, il s’emporte contre les projets trop littéraires de ses amis - « toujours des romans ! »[21] Dans un entretien avec Roger Vitrac, il confie même son intention de ne plus écrire. Cependant, au cours de l’été suivant, il écrit la plupart des poèmes de « Clair de terre ».

Le 15 octobre 1924, paraît, en volume séparé, « Le Manifeste du surréalisme » initialement prévu pour être la préface au recueil de textes automatiques « Poisson soluble ». Instruisant le procès de l’attitude réaliste, Breton évoque le chemin parcouru jusque-là et définit ce nouveau concept, revendique les droits de l’imagination, plaide pour le merveilleux, l’inspiration, l’enfance et le hasard objectif.

    « SURRÉALISME, n. m. Automatisme psychique pur, par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale.
    - Encycl. Philos. Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d’associations négligées jusqu’à lui, à la toute-puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée. Il tend à ruiner définitivement tous les autres mécanismes psychiques et à se substituer à eux dans la résolution des principaux problèmes de la vie. »

Quelques jours après, le groupe publie le pamphlet « Un cadavre », écrit en réaction aux funérailles nationales faites à Anatole France : « Loti, Barrès, France, marquons tout de même d’un beau signe blanc l’année qui coucha ces trois sinistres bonshommes : l’idiot, le traitre et le policier. Avec France, c’est un peu de la servilité humaine qui s’en va. Que soit fête le jour où l’on enterre la ruse, le traditionalisme, le patriotisme et le manque de cœur ! ».

« Transformer le monde » et « changer la vie » (1925-1938)

"La Révolution surréaliste" - "Nadja"- Adhésion au PCF - Premières ruptures

Le 1er décembre 1924, paraît le premier numéro de la Révolution surréaliste, l’organe du groupe que dirigent Benjamin Péret et Pierre Naville. Breton radicalise son action et sa position politique. Sa lecture de l’ouvrage de Léon Trotsky sur Lénine et la guerre coloniale menée par la France dans le Rif marocain le rapproche des intellectuels communistes. Avec les collaborateurs des revues Clarté et Philosophie, les surréalistes forment un comité et rédigent un tract commun La Révolution d’abord et toujours.

En janvier 1927, Aragon, Breton, Éluard, Péret et Pierre Unik adhèrent au parti communiste français. Ils s’en justifient dans le tract Au grand jour. Breton est affecté à une cellule d’employés du gaz.

Le 4 octobre 1926, il rencontre Nadja[22]. Ils se fréquentent chaque jour jusqu’au 13 octobre.[23] Elle ordonne à Breton d’écrire « un roman sur moi. Prends garde : tout s’affaiblit, tout disparaît. De nous il faut que quelque chose reste... ».[24] Retiré au manoir d’Ango, près de Varangeville-sur-Mer, au mois d’août 1927, en compagnie d’Aragon, Breton commence l’écriture de Nadja. En novembre, à l’occasion d’une lecture qu’il fait au groupe, Breton rencontre Suzanne Muzard. C’est le coup de foudre réciproque. Bien qu’elle soit la maîtresse d’Emmanuel Berl, elle partage avec Breton une aventure passionnée et orageuse. Elle demande à Breton de divorcer d’avec Simone, ce à quoi il consent, mais freinée dans ses désirs d’aventure par son goût du confort et de la sécurité matérielle, elle épouse Berl, sans pour autant rompre définitivement. La relation faite de ruptures et de retrouvailles perdurera jusqu’en janvier 1931. Pour elle, Breton ajoute une troisième partie à « Nadja ».

Cet amour malheureux pèse sur l’humeur de Breton : mésententes dans le groupe, détachement de Robert Desnos, altercation en public avec Soupault, fermeture de la Galerie Surréaliste pour cause de gestion négligée... La parution du Second manifeste du surréalisme (décembre 1929) est l'occasion pour Breton de relancer le mouvement et de, selon l'expression de Mark Polizzotti, « [codifier] tous les changements que le mouvement a connus pendant ses cinq premières années et en particulier le passage (...) de l'automatisme psychique au militantisme politique »[25]. Breton est alors plongé dans la lecture de Marx, Engels et Hegel, et la question du réel dans sa dimension politique ainsi que celle de l'engagement de l'individu occupent sa réflexion comme le précise l'incipit du livre[26]. Ce second manifeste est aussi l'occasion pour lui de régler ses comptes, de manière violente en maniant jusqu'à l'insulte et le sarcasme[27], et de faire le point sur les remous qu'a connus le groupe ces dernières années. Breton justifie son intransigeance par sa volonté de découvrir, s'inspirant de la Phénoménologie de l'esprit, ce « point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement[28]. » Les « exclus » visés par le texte réagissent en publiant un pamphlet sur le modèle de celui écrit contre Anatole France quelques années plus tôt et en reprennent le même titre, Un cadavre. Dès lors, les adversaires sacrent ironiquement Breton « Pape du surréalisme »[29]. L'humeur sombre de Breton s'exprime pleinement dans ce que Mark Polizzotti appelle le « passage le plus sinistre du manifeste » et qui est selon lui le reflet d'une grande « amertume personnelle »[30], une phrase souvent citée et reprochée à Breton, notamment par Albert Camus : « L'acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers aux poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu'on peut, dans la foule[31]. » Marguerite Bonnet relève qu'une phrase très proche figurait déjà dans un article publié en 1925 dans le numéro 2 de La Révolution surréaliste et qu'elle n'avait pas en son temps retenu l'attention. Elle avance que Breton fait allusion à la figure d'Émile Henry qui peu après son arrestation a prétendu s'appeler « Breton » et suggère qu'« une sorte de lent transfert, de nature presque onirique, cheminant dans les zones les plus mystérieuses de la sensibilité, aurait ainsi préparé en [Breton] la tentation fugitive de s'identifier à l'ange exterminateur de l'anarchie »[32].

"SASDLR" - Rupture avec Aragon - "L'Amour fou" - Rupture avec Éluard

La Révolution surréaliste fait place au Surréalisme au service de la Révolution (SASDLR). Le titre de la revue est d'Aragon. Breton et André Thirion lancent l’idée d’une Association des écrivains et artistes révolutionnaires. Cette association est effectivement créée en janvier 1932 par les instances dirigeantes du parti communiste français, mais ni Breton ni Thirion n’ont été sollicités et leur adhésion ainsi que celle d’autres surréalistes n’est prise en compte qu’à la fin de 1932.

Même s’il ne désespère pas de pouvoir orienter l’action culturelle du Parti et récupérer les forces psychiques dispersées, en conciliant le freudisme avec le marxisme au service du prolétariat, Breton ne cesse de se heurter à l’incompréhension et la défiance croissante.

Quand il dénonce la censure de l’activité poétique par l’autorité politique qui frappe le poème d’Aragon Front rouge, sans cacher le peu d’estime qu’il a pour ce texte de pure propagande, Breton n’en défend pas moins son auteur (Misère de la poésie), Aragon désavoue cette défense et provoque la rupture définitive.
Paul Vaillant-Couturier lui reproche un texte de Ferdinand Alquié, publié dans SASDLR, dénonçant le « vent de crétinisation systématique qui souffle de l’U.R.S.S. ».

En réponse aux violentes manifestations fascistes du 6 février 1934, devant l’Assemblée nationale, Breton lance un Appel à la lutte à destination de toutes les organisations de gauche. Sollicité, Léon Blum refuse poliment son soutien.

En juin 1935, Breton écrit un discours qu’il doit prononcer au Congrès des écrivains pour la défense de la culture. « “Transformer le monde”, a dit Marx ; “Changer la vie”, a dit Rimbaud ; ces deux mots d’ordre pour nous n’en font qu’un » est la conclusion de ce discours. Mais à la suite d’une violente altercation avec Ilya Ehrenbourg, ce dernier, délégué de la représentation soviétique, ayant calomnié les surréalistes, la participation de Breton est annulée. Il fallut le suicide de René Crevel pour que les organisateurs concèdent à Éluard de lire le texte. La rupture définitive avec le Parti est consommée avec le tract Du temps où les surréalistes avaient raison.

En 1934, Breton rencontre Jacqueline Lamba dans des circonstances proches de celles évoquées dans le poème Tournesol écrit en 1923. De cette rencontre et des premiers moments de leur amour, Breton écrit le récit « L'Amour fou ». De leur union naît une fille, Aube.

En 1938, Breton organise la première Exposition internationale du surréalisme à Paris. À cette occasion, il prononce une conférence sur l’humour noir. Cette même année, il voyage au Mexique et rencontre les peintres Frida Kahlo et Diego Rivera, ainsi que Léon Trotsky avec qui il écrit le manifeste Pour un art révolutionnaire indépendant, base à la constitution d’une Fédération internationale de l’art révolutionnaire. Cette initiative est à l’origine de la rupture avec Éluard.

De l’exil à l’insoumission (1939-1966)

Marseille - Martinique - New York

Mobilisé dès septembre 1939, Breton est affecté en janvier 1940 au centre de pilotage de Poitiers comme médecin. Le jour de l’armistice (17 juin), il est en « zone non-occupée » et trouve refuge chez Pierre Mabille[33] à Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône), puis, rejoint par Jacqueline et leur fille Aube, à la villa Air-Bel, à Marseille, siège du Comité américain de secours aux intellectuels créé par Varian Fry. Dans l’attente d’un visa, les surréalistes[34] reconstituent un groupe et trompent l’ennui et l’attente par des cadavres exquis dessinés et la création d’un tarot de Marseille. À l’occasion d’une visite à Marseille du maréchal Pétain, André Breton, dénoncé comme « anarchiste dangereux », est préventivement emprisonné sur un navire pendant quatre jours, tandis que la censure de Vichy interdit la publication de l’Anthologie de l’humour noir et de Fata morgana.

Breton embarque à destination de New York le 25 mars 1941 avec Wifredo Lam et Claude Lévi-Strauss. À l’escale de Fort-de-France (Martinique), Breton est interné puis libéré sous caution. Il rencontre Aimé Césaire. Le 14 juillet, il arrive à New York.
Avec Marcel Duchamp, Breton fonde la revue VVV et Pierre Lazareff l’engage comme « speaker »[35] pour les émissions de la radio la Voix de l’Amérique à destination de la France. Jacqueline le quitte pour le sculpteur David Hare.

Le 10 décembre 1943, Breton rencontre Élisa Claro. Ensemble, ils voyagent sur la presqu’île de Gaspésie au Canada. Dès son retour à New-York, il publie Arcane 17 né du « désir d’écrire un livre autour de l’Arcane 17[36] en prenant pour modèle une dame que j’aime... »

Pour régler les questions pratiques de divorce et de remariage, Breton et Élisa se rendent à Reno dans le Nevada. Il en profite pour visiter les réserves des indiens Hopis et Zunis, emportant avec lui des ouvrages de Charles Fourier.

Haïti - Retour en France - Nouvelles polémiques et nouvelles expositions

En décembre 1945, à l’invitation de Pierre Mabille, nommé attaché culturel à Pointe-à-Pitre, Breton se rend en Haïti pour y prononcer une série de conférences. Sa présence coïncide avec un soulèvement populaire qui renverse le gouvernement en place[37]. Le 25 mai 1946, il est de retour en France.

Dès le mois de juin, il est invité à la soirée d’hommages rendus à Antonin Artaud. C’est d’une voix vive et ferme que Breton prononce enfin les « deux mots d’ordre qui n’en font qu’un : Transformer le monde et changer la vie. »[38]

Malgré les difficultés de la reconstruction de la France et le début de la guerre froide, Breton entend poursuivre sans aucune inflexion les activités du surréalisme. Et les polémiques reprennent et se succèdent : contre Tristan Tzara se présentant comme le nouveau chef de file du surréalisme, contre Jean-Paul Sartre considérant les surréalistes comme des petits-bourgeois, contre des universitaires à qui il démonte la supercherie d’un soi-disant inédit d’Arthur Rimbaud, contre Albert Camus et ses chapitres sur Lautréamont et le surréalisme dans L’Homme révolté.

Il retrouve Georges Bataille pour une nouvelle Exposition internationale du surréalisme dédiée à Éros, donne fréquemment son concours pour nombre d’artistes inconnus en préfaçant les catalogues d’exposition, et participe à plusieurs revues surréalistes comme Médium, Le Surréalisme même, Bief, La Brêche...

À partir de 1947, André Breton s'intéresse de près à l’Art brut. Avec Jean Dubuffet il participe à la création de la « Compagnie de l'Art brut », officiellement créée en juillet 1948, qui aurait pour objet de « rassembler, conserver et exposer les œuvres des malades mentaux. »[39].

En 1954, un projet d'action commune avec l'Internationale lettriste contre la célébration du centenaire de Rimbaud échoue lorsque les surréalistes refusent la « phraséologie marxiste » proposée par les lettristes dans le tract commun. Breton est alors pris à partie par Gil Joseph Wolman et Guy Debord qui soulignent dans un texte sur le mode allégorique sa perte de vitesse au sein du mouvement[40].

En 1960, il signe le Manifeste des 121, déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie.

En 1965, il organise la 9e Exposition internationale surréaliste intitulée L’Écart absolu en référence à l’utopie fouriériste.
Tombe d’André Breton au Cimetière des Batignolles à Paris

Le 27 septembre 1966, souffrant d’une insuffisance respiratoire, André Breton est rapatrié de Saint-Cirq-Lapopie[41]à Paris. Il meurt le lendemain à l’hôpital Lariboisière.

Enterré au cimetière des Batignolles, sur sa tombe est gravée l’épitaphe : « Je cherche l’or du temps ».[42]

    « Héraclite mourant, Pierre de Lune, Sade, le cyclone à tête de grain de millet, le tamanoir : son plus grand désir eût été d’appartenir à la famille des grands indésirables.[43] »

« Un théoricien amoureux de la théorie »

    « Il y a à la base de toute réflexion profonde un sentiment si parfait de notre dénuement que l’optimisme ne saurait y présider... Je me crois sensible autant qu’il se peut à un rayon de soleil mais cela n’empêche pas de constater que mon pouvoir est insignifiant... Je rends justice à l’art en mon for intérieur mais je me défie des causes en apparence les plus nobles.[44] »

Visage décidé, menton en avant, le coin de la lèvre inférieure affaissé à cause de la pipe,[45] chevelure léonine tirée en arrière, le regard fixant l’invisible, André Breton a incarné le surréalisme cinquante ans durant, malgré lui et en dépit du rejet des institutions et des honneurs constamment exprimés.

Toute sa vie, Breton a tenté d’emprunter d’un même front, trois chemins : la poésie, l’amour, la liberté.[46]

Très tôt, il s’est méfié des romans et leurs auteurs lui donnent l’impression qu’ils s’amusent à ses dépens.[47] De manière générale, il rejette « l’esprit français » fait de blasement, d’atonie profonde qui se dissimule sous le masque de la légèreté, de la suffisance, du sens commun le plus éculé se prenant pour le bon sens, du scepticisme non éclairé, de la roublardise.[48] « Avec Breton, le merveilleux remplace les exhibitions nihilistes et l'irrationnel ouvre les portes étroites du réel sans vrai retour au symbolisme », Hubert Haddad.

Pour abolir les conformismes et les préjugés, combattre le rationalisme, Breton usera de la poésie comme d’une arme aux multiples facettes que sont l’imagination, « qui fait à elle seule les choses réelles »[50], l’émerveillement, les récits de rêves et les surprises du hasard, l’écriture automatique, les raccourcis de la métaphore et l’image. « Que font la poésie et l’art ? Ils vantent. L’objet de la réclame est aussi de vanter. La puissance de la réclame est bien supérieure à celle de la poésie [...] La poésie a toujours été regardée comme une fin. J’en fais un moyen. C’est la mort de l’art (de l’art pour l’art). Les autres arts suivent la poésie. »

Il s’agit de « retrouver le secret d’un langage dont les éléments cessassent de se comporter en épaves à la surface d’une mer morte. »

Pour réussir son entreprise de subversion poétique Breton s’est gardé de tout travail quotidien alimentaire, allant jusqu’à défendre à ses amis les plus proches (Aragon, Desnos) de se commettre dans le journalisme. « La révélation du sens de sa propre vie ne s’obtient pas au prix du travail. [...] Rien ne sert d’être vivant, s’il faut qu’on travaille. »

Pour Breton, l’amour, comme le rêve, est une merveille où l’homme retrouve le contact avec les forces profondes. Amoureux de l’amour et de LA Femme, il dénonce la société pour avoir trop souvent fait des relations de l’homme et de la femme une malédiction d’où serait née l’idée mystique de l’amour unique. L’amour « ouvre les portes du monde où, par définition, il ne saurait plus être question de mal, de chute ou de péché ». « Il n’est pas de solution hors l’amour. »

« Je n’ai pas connu d’homme qui ait une plus grande capacité d’amour. Un plus grand pouvoir d’aimer la grandeur de la vie et l’on ne comprend rien à ses haines, si l’on ne sait pas qu’il s’agissait pour lui de protéger la qualité même de son amour de la vie, du merveilleux de la vie. Breton aimait comme un cœur bat. Il était l’amant de l’amour dans un monde qui croit à la prostitution. C’est là son signe », Marcel Duchamp.

Particulièrement attaché à la métaphore de la « maison de verre », Breton s’est livré dans les « Vases Communicants » à une analyse de quelques uns de ses rêves comme s'il n'existait aucune frontière entre le conscient et l'inconscient. Pour lui, le rêve est l'émanation de ses pulsions profondes qui lui indique une solution que le recours à l’activité consciente ne peut lui apporter.

Les adversaires de Breton l’ont nommé, par dérision parfois, avec véhémence souvent, le « pape du surréalisme ». Or, si l’auteur des « Manifestes » a constamment influé sur la ligne directrice du mouvement, il s'est toujours gardé d'apparaître comme un "chef de file", même s'il a pu se montrer intransigeant, voire intolérant, lorsqu’il considérait que l’intégrité du mouvement surréaliste était en péril. Toute idée de contrainte, militaire, cléricale ou sociale, a toujours suscité en lui une révolte profonde.

Présentant ce qu’ont toujours été ses objectifs, Breton écrit : « La vraie vie est absente », disait déjà Rimbaud. Ce sera l’instant à ne pas laisser passer pour la reconquérir. Dans tous les domaines, je pense qu’il faudra apporter à cette recherche toute l’audace dont l’homme est capable. » Et Breton ajoute quelques mots d’ordre :

    « Foi persistante dans l’automatisme comme sonde, espoir persistant dans la « dialectique » (celle d’Héraclite, de Maître Eckhart, de Hegel) pour la résolution des antinomies qui accablent l’homme, reconnaissance du « hasard objectif » comme indice de réconciliation possible des fins de la nature et des fins de l’homme aux yeux de ce dernier, volonté d’incorporation permanente à l’appareil psychique de l’ «humour noir » qui, à une certaine température peut seul jouer le rôle de soupape, préparation d’ordre pratique à une intervention sur la vie mythique, qui prenne d’abord, sur la plus grande échelle, figure de nettoyage. »

Ce que Breton réhabilite sous le nom de « hasard objectif », c’est la vieille croyance en la rencontre entre le désir humain et les forces mystérieuses qui agissent en vue de sa réalisation. Mais cette notion est dépourvue à ses yeux de tout fondement mystique. Il se base sur ses expériences personnelles de « synchronicités » et sur les expérimentations en métapsychique qu’il a observées à l’Institut métapsychique international.

Pour souligner son accord avec le matérialisme dialectique, il cite Friedrich Engels : « La causalité ne peut être comprise qu’en liaison avec la catégorie du hasard objectif, forme de manifestation de la nécessité »[60]. Dans ses œuvres, le poète analyse longuement les phénomènes de hasard objectif dont il a été le bénéficiaire bouleversé. « Nadja » semble posséder un pouvoir médiumnique qui lui permet de prédire certains événements. Ainsi annonce-t-elle que telle fenêtre va s’éclairer d’une lumière rouge, ce qui se produit presque immédiatement aux yeux d’un Breton émerveillé. Michel Zeraffa a tenté de résumer ainsi la théorie de Breton : « Le cosmos est un cryptogramme qui contient un décrypteur : l’homme. » Ainsi mesure-t-on l’évolution de l’Art poétique du symbolisme au surréalisme, de Gérard de Nerval et Charles Baudelaire à Breton

L'« humour noir », expression forgée par Breton est un des ressorts essentiels du surréalisme. La négation du principe de réalité qu’il comporte en est le fondement même. Selon Étienne-Alain Hubert « l'humour, loin d'être un exercice brillant, engage des zones profondes de l'être et [...] dans les formes les plus authentiques et les plus neuves qu'il connaît alors, il se profile sur un arrière-fond de désespoir. »[64]. Il publie en 1940 une Anthologie de l’humour noir. Pour Michel Carrouges il faut parler, à propos de l'œuvre de Breton comme de celle de Benjamin Péret, d’une « synthèse de l’imitation de la nature sous ses formes accidentelles, d’une part, et de l’humour, d’autre part, en tant que triomphe paradoxal du principe de plaisir sur les conditions réelles. »[citation nécessaire]

Œuvre

Les œuvres complètes d’André Breton ont été publiées par Gallimard en quatre tomes dans la Bibliothèque de la Pléiade sous la direction de Marguerite Bonnet. (OCLC 20526303)

Biographie

    * Henri Béhar « André Breton le grand indésirable », Fayard, 2005, 554 pages, nouvelle édition revue et ressourcée (première édition chez Calmann-Lévy, 1990).
    * Marguerite Bonnet « Chronologie », dans « André Breton : œuvres complètes », Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1988.
    * « André Breton », in « Le Robert des grands écrivains de langue française » sous la direction de Philippe Hamon et Denis Roger-Vasselin, Les Dictionnaires Le Robert, Paris, 2000.
    * Mark Polizzotti, André Breton, Biographies Gallimard, 1999, 844 pages.

Essais, études et témoignages

    * « André Breton. La beauté convulsive », catalogue de l’exposition du Centre Pompidou, 1991, 512 pages.
    * Sarane Alexandrian, André Breton par lui-même, collection Écrivains de toujours, Le Seuil 1971.
    * Marguerite Bonnet, André Breton, naissance du surréalisme, José Corti, 1975.
    * Michel Carrouges, André Breton et les données fondamentales du Surréalisme, N.R.F..
    * Jean Clair, Du surréalisme considéré dans ses rapports au totalitarisme et aux tables tournantes, Paris, Mille et une nuits, 2003.
    * Charles Duits, André Breton a-t-il dit passe, Maurice Nadeau, 1991, (ISBN 2-86231-097-2)
    * Julien Gracq, André Breton, quelques aspects de l'écrivain, José Corti, 1948.
    * Philippe Lavergne, André Breton et le mythe, José Corti, 1985.
    * Gérard Legrand, André Breton en son temps, Le Soleil noir, 1976.
    * Volker Zotz, André Breton, Somogy, 1990.



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Arman, né Armand Pierre Fernandez le 17 novembre 1928 à Nice et mort à New York le 22 octobre 2005, est un artiste français, peintre, sculpteur et plasticien, célèbre pour ses "accumulations".

Biographie

Fils unique d'Antonio Fernandez, marchand de meubles et d'antiquités, d'origine espagnole, et de Marguerite Jacquet, d'une famille de fermiers de la Loire, le jeune Armand montre très tôt des dispositions pour le dessin et la peinture. Après son baccalauréat, il étudie à l'École des Arts décoratifs de Nice, puis à l'École du Louvre. Il rencontre Yves Klein et Claude Pascal à l'école de Judo qu'ils fréquentent à Nice en 1947. Avec ces deux amis il s'intéresse un temps aux philosophies orientales et à la théorie rosicrucienne .

Fin 1957, Arman, qui signait ses œuvres de son prénom en hommage à Van Gogh, décide d'abandonner le "d" d'Armand et officialise sa signature d'artiste à l'occasion d'une exposition chez Iris Clert en 1958. En octobre 1960 il fait l'exposition "le plein" où il remplit la galerie d'Iris Clert d'objets de rebut et contenu de poubelles sélectionné. Cette exposition fait le contrepoint de l'exposition "Le vide" faite deux ans plus tôt à la même galerie par son ami Yves Klein. En octobre 1960 également, sous la houlette du critique d'art Pierre Restany, il devient avec Yves Klein l'un des membres fondateurs du groupe des Nouveaux Réalistes = "nouvelles approches perceptives du réel" aux côtés notamment de François Dufrêne, Raymond Hains, Martial Raysse, Daniel Spoerri, Jean Tinguely et Jacques Villeglé, rejoint plus tard par César, Mimmo Rotella, Niki de Saint Phalle, Christo et Gérard Deschamps.

À partir de 1961, Arman développe sa carrière à New York où il réside et travaille la moitié de son temps en alternance avec sa vie à Nice jusqu'en 1967, puis à Vence jusqu'à sa mort. A New York, il a d'abord séjourné à l'Hotel Chelsea jusqu'en 1970, puis dans un loft du quartier de SoHo, et à partir de 1985 dans son immeuble à TriBeCa, où il est décédé.

Toute sa vie, Arman fut aussi un collectionneur passionné, d'objets usuels: montres, armes, stylos, et d'objets d'art en particulier d'art africain traditionnel pour lequel il était un connaisseur, spécialiste apprécié et reconnu.

Arman fut d'abord marié en 1953 à la musicienne Éliane Radigue dont il eut trois enfants, Marion (1951), Anne (1953) et Yves (1954-1989), puis en 1971 à Corice Canton avec qui il eut deux enfants, Yasmine (1982) et Philippe (1987). Son sixième et dernier enfant, Yves César est né hors mariage en 1989.

Arman est décédé le 22 octobre 2005. Il possédait la double nationalité française et américaine, acquise en 1972.

L'œuvre

Arman s'est intéressé au statut de l'objet et au rapport que les sociétés modernes entretiennent avec celui-ci, entre sacralisation et consommation.

Ses premiers "Cachets" (traces d'objets encrés ou peints) à Paris datent de 1956.

En 1959, il commence la réalisation de la série des Poubelles : il expose des ordures ménagères, des détritus trouvés dans la rue et des déchets. Ses "accumulations" d'objets suivant une logique quantitative qui efface leur singularité renvoient une image de profusion, en même temps qu' elles soulignent le caractère périssable des produits de la société d'abondance.

En 1960, il utilise pour la première fois du plexiglas.

En 1961, il entame la série des Colères : destructions d'objets ( les Coupes de violon, de piano, de contrebasse...) savamment recollés sur piédestal ou sur supports muraux. Dans les Combustions (1963), ces mêmes objets sont brûlés.

Entre 1980 et 1999, l’éventail des œuvres et des techniques s’élargit. Arman décline et multiplie les diverses procédures d’exécution. À la fin des années 1990, l’œuvre se radicalise en une succession de gestes reliés à l’objet (Accumulations en Relation, Casca-des, Sandwiches Combo). Intérêt renouvelé pour la peinture (La nuit Etoilée, Nec Mergitur) 1998/2001. Une grande rétrospective a lieu à la Galerie Nationale du Jeu de Paume de janvier à avril 1998. Cette exposition réunit plus de cent œuvres (1959 à 1997). La rétrospective voyage ensuite jusqu’en 2001 en Allemagne, Portugal, Israël, Brésil, Mexique, Taiwan, Espagne ...

En 2000, il travaille sur des fragmentations sur panneau, des fragments (dessins et sculptures). Rétrospective thématique (La Traversée des Objets), Château de Villeneuve, Vence, France. Ses sculptures en bronze participent d'un geste semblable : l'artiste se saisit des icônes de l'art occidental (Vénus de Milo, Hercule Farnèse, etc.), qu' il tronçonne pour ensuite les ressouder dans un désordre fouillé.

En 2002-2003, Arman renoue avec la peinture de chevalet en une série d'œuvres "serious paintings" qui allient la recomposition d'instruments de musique à leur "mise en scène" en peinture.

Arman a investi les espaces publics de près d'une centaine de villes du monde en réalisant des œuvres monumentales : en 1982, il crée le Long Term Parking de l'ex-Fondation Cartier à Jouy-en-Josas, une tour de 19.50 mètres constituée de véritables automobiles superposées les unes sur les autres, coulées dans le béton; en 1984 suite à une commande de l'état, "à la République", une accumulation de drapeaux en marbre, est installée au Palais de l'Élysée à Paris; en 1985 à New York,une tour monumentale constituée de coupes de violoncelles en bronze Rostropovitch's Tower, en 1985 également, sont mises en place à la Gare Saint Lazare de Paris une accumulation d'horloges "L'heure de tous" et de bagages "Consigne à vie" ; en 1992, accumulation de fourchettes géantes en bronze à Roanne, "Les Gourmandes" (voir ci-dessous); en 1995 "Espoir de Paix" une accumulation de véritables chars et tanks militaires inclus une pyramide de béton de 30 mètres, fut réalisée à Beyrouth et en 1999, une accumulation de voitures Ferrari en bronze rouge coupées et superposées "La Rampante", à l'entrée du circuit autodromo Enzo e Dino Ferrari en Italie.

Bibliographie

    * Tita Reut, Arman, Il y a lieux - L'album d'Arman, Hazan
    * Collectif, Arman passage à l'acte, Skira Édition
    * Tita Reut, Arman, la traversée des objets, Hazan HIE
    * Bernard Lamarche-Vadel, Colette Lambrichs, Marie-Pierre Gauthier, Arman, La Différence



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Tristan Tzara, de son vrai nom Samuel Rosenstock (né le 16 avril 1896 à Moineşti, Roumanie, mort le 25 décembre 1963 à Paris) était un écrivain, poète et essayiste de langue française et roumaine et l'un des fondateurs du mouvement Dada.

Biographie

La famille Rosenstock fait partie des 800 000 personnes juives recensées à qui le code civil en vigueur, à l'époque, interdit la citoyenneté roumaine. Élevé dans une certaine aisance matérielle grâce au père qui est cadre dans une société d'exploitation pétrolière, Samuel connaît une enfance et une adolescence sans histoire. Il suit un cours sur la culture française dans un institut privé, s'éveille à la littérature au lycée Saint-Sava et s'inscrit en section scientifique pour le certificat de fin d'études au lycée Milhai-Viteazul. C'est un bon élève et ses professeurs notent son ouverture d'esprit et sa curiosité infatigable.

La littérature roumaine du début du XXe siècle est fortement influencée par le symbolisme français. La revue "Litteratorul" d'Alexandre Macedonski tout en proposant des poèmes de Charles Baudelaire, René Ghil, Maurice Maeterlinck ou Stéphane Mallarmé n'en combat pas moins la tradition romantique. Avec son copain de lycée Marcel Janco, Samuel créé, en 1912, sa première revue "Simbolul" et s'imagine en "ange noir du symbolisme triomphant". Il y publie l'un de ses premiers poèmes « Sur la rivière de la vie ».
En 1915, il adopte le pseudonyme de Tristan Tzara : Tristan en référence au héros de l'opéra de Richard Wagner « Tristan et Isolde » et Tzara parce que cela signifie "terre" ou "pays" en roumain.

Tristan Tzara ne déteste pas "choquer le bourgeois". Il fait paraître dans diverses revues des poèmes comme « Les Faubourgs » où il évoque "l'ouragan dévastateur de la folie", ou bien « Doute » qui insiste sur le rôle du hasard dans la création poétique : "J'ai sorti mon vieux rêve de sa boîte, comme tu prends un chapeau / Le sommeil est un jardin entouré de doutes / On en distingue pas la vérité du mensonge." Il se passionne pour l'œuvre d'Arthur Rimbaud, fait des « Galgenlieder (Les Chants du gibet) » de Christian Morgenstern son livre de chevet, tandis que le Bucarest intellectuel résonne des "pages bizarres" d'un certain Urmuz (alias Demetru Demetrescu Buzau) dont Eugène Ionesco dira qu'il était "une sorte de Kafka plus mécanique, plus grotesque, précurseur de la révolte littéraire universelle, un des prophètes de la dislocation des formes sociales de pensée et de langage."
Ayant obtenu son certificat de fin d'études, Tzara s'inscrit à l'université de Bucarest en mathématiques et philosophie (septembre 1914). Son ami Janco s'inscrit en polytechnique.

L'atmosphère provinciale de Bucarest ennuie Tzara qui rêve de partir. Contre l'avis de son père, mais encouragé par Janco qui le presse de le rejoindre à Zurich, il quitte la Roumanie pour la Suisse, pays neutre accueillant la jeunesse d'Europe refusant la guerre. Il s'inscrit à l'université en classe de philosophie. Mais l'ennui le gagne à nouveau : "les sensations de bien-être devinrent rares et tous les plaisirs étaient catalogués : les excursions, les cafés, les amis..." Il faut l'enthousiasme contagieux de Janco pour l'empêcher de retourner à Bucarest.
Tzara rencontre l'allemand Hugo Ball accompagné de sa femme Emmy Hennings, danseuse et chanteuse. Il se présente comme un révolutionnaire professionnel, disciple de Mikhaïl Bakounine, ayant quitté l'Allemagne pour cause d'incitations à l'émeute. Convaincu qu'en Suisse, il trouverait quelques jeunes gens comme lui avec la volonté de "jouir de leur indépendance", Ball confie à Tzara son projet d'ouvrir un lieu où se rassembleraient toutes les dissidences. Le 2 février 1916, paraît dans la presse zurichoise un communiqué annonçant la création d'un "centre de divertissement artistique" qui s'adresse à tout le monde sauf aux "petites modanités de l'avant-garde". Le rendez-vous est fixé dans une taverne de la Spiegelstrasse pour des soirées quotidiennes.


Le 5 février, Ball, Hennings, Richard Huelsenbeck, Tzara et les peintres Jean Arp, Janco et Sophie Taeuber inaugurent le "Cabaret Voltaire" et transforment l'endroit en café littéraire et artistique dont les murs sont couverts de tableaux créant une ambiance à la fois intime et oppressante.[5]Le succès est immédiat.


Tzara : "Chaque soir, on chante, on récite - le peuple - l'art nouveau le plus grand au peuple - […] balalaïka, soirée russe, soirée française - des personnages édition unique apparaissent récitent ou se suicident, va et vient, la joie du peuple, cris ; le mélange cosmopolite de dire et de BORDEL, le cristal et la plus grosse femme "sous les ponts de Paris" ."
Jean Arp : "Janco a évoqué et fixé Le Cabaret sur la toile de l'un de ses tableaux. Dans un local bariolé et surpeuplé se tiennent sur une estrade quelques personnages fantastiques qui sont censés représenter Tzara, Janco, Ball, Huelsenbeck, Hennings et votre serviteur. Nous sommes en train de mener un grand sabbat. Les gens autour de nous crient, rient et gesticulent."
Hugo Ball : "Nous sommes tellement pris de vitesse par les attentes du public que toutes nos forces créatives et intellectuelles sont mobilisées. [..] Aussi longtemps que toute la ville ne sera pas soulevée par le ravissement, Le Cabaret n'aura pas atteint son but."[6]

Il a participé à la naissance du mot « Dada » à Zurich et a été le plus actif propagandiste du mouvement. Huelsenbeck, autre fondateur du mouvement dada, prétend en 1922, dans son histoire du dadaïsme, que Tzara n'a jamais été dadaïste (mais cela est une autre histoire, celle d'une rivalité qui régulièrement reviendra entre Huelsenbeck et Tzara). Des poètes contemporains voient en Tzara le chef de file de l'art nouveau.

Il a écrit lui-même les premiers textes "dadas" :

La Première aventure céleste de Mr Antipyrine (1916),
Vingt-cinq poèmes (1918),
et Sept manifestes Dada (1924), lequel est un recueil de manifestes lus ou écrits entre 1916 et 1924 (cet ouvrage est alors publié au moment de la fin de Dada). Il serait alors faux de voir dans ce titre un manifeste.
Cela l'a lancé (avec ses amis André Breton, Philippe Soupault et Louis Aragon) dans une grande variété d'activités destinées à choquer le public et à détruire les structures traditionnelles du langage[7].

Par la suite, il a longtemps tenté de réconcilier surréalisme et communisme (il a même adhéré au parti communiste en 1936, avant de rejoindre la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale). Il est inhumé à Paris, au cimetière du Montparnasse (8e division).


 Œuvres
La Première aventure céleste de Mr Antipyrine, première édition 1916, avec des bois gravés et coloriés par Marcel Janco, rééd. 2005, Éditions Dilecta.
Vingt-cinq poèmes, 1918. rééd. 2006, Éditions Dilecta.
Cinéma calendrier du cœur abstrait maisons, première édition 1920, rééd. 2005, Éditions Dilecta.
Le cœur à barbe, 1922.
Sept manifestes Dada, première édition 1924, avec des dessins de Francis Picabia, rééd. 2005, Éditions Dilecta.
Mouchoir de nuages, 1925.
Sonia Delaunay, 1925.
De nos oiseaux : poèmes, 1923.
L’arbre des voyageurs, 1930.
Essai sur la situation de la poésie, 1931
L’homme approximatif, 1931.
Où boivent les loups, 1932.
L’antitête, 1933.
Grains et issues, 1935.
La main passe, 1935.
Ramures, 1936.
Sur le champ, 1937.
La deuxième aventure céleste de M. Antipyrine, 1938.
Midis gagnés, 1939.
Ça va, 1944.
Entre-temps, 1946.
Le cœur à gaz, 1946.
Terre sur terre, 1946.
La fuite : poème dramatique en quatre actes et un épilogue, 1947.
Le surréalisme et l’après-guerre, 1947.
Le poids du monde, 1951.
La face intérieure, 1953.
À haute flamme, 1955.
La bonne heure, 1955.
Parler seul, 1955.
Le fruit permis : poèmes, 1956.
La Rose et le chien, 1958.
Juste présent, 1961.
Lampisteries, précédé de Sept manifestes Dada, 1963.
40 chansons et déchansons, 1972.
Œuvres complètes, Flammarion, 1975-1982, 5 volumes.
Cinéma calendrier du cœur abstrait maisons, 2005.
Découverte des arts dits primitifs, suivi de Poèmes nègres, Hazan, 2006.

 Bibliographie
Marc Dachy, Tristan Tzara, dompteur des acrobates, L'Echoppe, Paris, 1992
François Buot, Tristan Tzara, Grasset, Paris, 2002
Henri Béhar, Tristan Tzara, Oxus, Collection "Les Roumains de Paris", Paris, 2005 (ISBN 2-84898-048-6).
Christian Nicaise, Tristan Tzara : les livres, Éd. L'Instant perpétuel, Rouen, 2005 (ISBN 2-905598-90-5).

 


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Henri Matisse, né le 31 décembre 1869 au Cateau-Cambrésis et mort le 3 novembre 1954 à Nice, est un peintre, dessinateur et sculpteur français.

Il fut le chef de file du fauvisme ; Pablo Picasso le considérait comme son grand rival et néanmoins ami.

Biographie

Sa jeunesse

Henri Matisse a grandi à Bohain-en-Vermandois dans la graineterie tenue par ses parents.
Il commence sa vie professionnelle comme clerc de Maître du Conseil.
À vingt ans, à la suite d'une crise d'appendicite, il est contraint de rester alité pendant de longues semaines. Pour occuper ses journées, sa mère lui offre une boîte de peinture. Il découvre alors le plaisir de peindre.
Dès son rétablissement, tout en réintégrant l'étude, il s'inscrit au cours de dessin de l'école Quentin de La Tour destinée aux dessinateurs en textile de l'industrie locale.
En 1890, Matisse abandonne définitivement les études de droit pour se consacrer à la peinture et l'année suivante, il s'installe à Paris. Après avoir été admis à l'école des Beaux-Arts, il fréquente l'atelier de Gustave Moreau (1895). Il y rencontre Georges Rouault, Albert Marquet et visite les expositions de Jean-Baptiste Camille Corot et de Paul Cézanne.

Le peintre

En 1896, Matisse expose pour la première fois au " Salon des Cent " et au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts dont il devient membre associé sur proposition de Pierre Puvis de Chavannes. Cette fonction lui permet notamment d'exposer sans passer par un jury. Il passe l'été à Belle-Île-en-Mer et rencontre l'australien John Russel qui l'introduit auprès de Auguste Rodin et Camille Pissarro. Il commence à s'intéresser à la peinture impressionniste qu'il découvre en 1897 au musée du Luxembourg.

En 1894 naît sa fille Marguerite (d'un de ses modèle nommé Caroline Joblau). En 1898, il épouse Amélie Parayre avec qui il aura deux enfants : Jean en 1899 et Pierre en 1900. Il passe une semaine à Londres où, sur les conseils de Pissarro, il découvre la peinture de Joseph Mallord William Turner. En séjour à Ajaccio puis à Toulouse il expérimente la méthode de Turner. À partir de 1900, Matisse travaille à l'Académie de la Grande Chaumière sous la direction d'Antoine Bourdelle et fréquente également l'atelier d'Eugène Carrière. Il y fait la connaissance d'André Derain et de Jean Puy. Derain qui lui présente Maurice de Vlaminck. Il expose au Salon des Indépendants (1901) et participe à la première édition du Salon d'automne (1903). Il expose en 1904 chez Ambroise Vollard.

Au début de 1905, il présente une importante exposition particulière chez Bernheim-Jeune et participe au Salon des Indépendants. Au Salon d'automne de 1905, l'accrochage des œuvres de Matisse, Albert Marquet, Vlaminck, Derain et Kees Van Dongen provoque un scandale par leurs couleurs pures et violentes posées en aplat. À la vue de ces tableaux regroupés dans une même salle, le critique Louis Vauxcelles compare l'endroit à une « cage aux fauves ». L'appellation de " fauve " est aussitôt adoptée et revendiquée par les peintres eux-mêmes. Cette période marque également la reconnaissance de son travail, lui permettant enfin une relative aisance matérielle. Matisse devient le chef de file du fauvisme. La même année il rencontre Edmond-Marie Poullain.

Il entreprend de nombreux voyages qui seront autant de sources d'inspiration : Algérie, Italie, Allemagne, Maroc, Russie, États-Unis et Tahiti.

En 1908, Matisse ouvre une académie libre (au couvent des Oiseaux, puis à l'hôtel de Biron) où se pressent les étudiants étrangers. L'académie ferme en 1911.

Entre 1908 et 1912, ses œuvres sont exposées à Moscou, Berlin, Munich et Londres. En 1913, Matisse est exposé à l' " Armory Show " de New York à côté d'œuvres de Marcel Duchamp et Francis Picabia, comme autant de représentants de l'art le plus moderne qui soit.

Dès le déclenchement de la Première Guerre mondiale, il quitte Collioure qu'il fréquentait régulièrement depuis 1905. Après avoir passé une partie de l'hiver 1916-1917 à Nice, Matisse décide de rester plus longuement sur la Côte d'Azur, qu'il considère comme un paradis, dont il recherche la transcription dans ses toiles.

En 1919, il reçoit la commande d'Igor Stravinski et Serge Diaghilev pour dessiner les costumes et les décors du ballet « Le Chant du rossignol » présenté à Londres.

En 1925, Matisse est nommé chevalier de la Légion d'honneur. À New York, on organise en une rétrospective (1927). Après un séjour aux États-Unis, il revient à Paris pour la mise en place de « La Danse » à Merion, pour la Fondation Barnes en 1933. Il travaille à l'illustration du roman de James Joyce « Ulysse » et aux décors et aux costumes de « Rouge et noir » pour les Ballets russes de Monte-Carlo (1934-1938).

En 1941, atteint d'un cancer, il est hospitalisé à la clinique du Parc de Lyon. Ses médecins lui donnent six mois à vivre. S'il ne peut plus voyager, il utilise alors les étoffes ramenées de ses voyages pour habiller ses modèles originaires du monde entier. Son infirmière, Monique Bourgeois accepte d'être son modèle. Matisse utilise la technique des gouaches découpées et commence la série « Jazz ».

Il s'installe à Vence et renoue avec le dessinateur et écrivain André Rouveyre, connu à l'atelier de Gustave Moreau, une amitié épistolaire assidue.

En 1944, Marguerite, ainsi que sa mère, sont arrêtées par la Gestapo, pour fait de résistance. Marguerite reste six mois, en prison, tandis que sa mère parvient à s'enfuir du train qui l'emmène dans un camp. Elle se réfugie dans la forêt vosgienne.

En 1945, une grande rétrospective est organisée au Salon d'Automne. Il réalise les cartons de tapisserie « Polynésie, le Ciel » et « Polynésie, la Mer » (1946) et commence à travailler à partir de 1949 au décor de la chapelle du Rosaire de Vence. En 1952 a lieu l'inauguration du musée Matisse du Cateau-Cambrésis, sa ville natale.

Il réalise la gouache découpée « La Tristesse du roi », tableau « plus proche même de la peinture classique que Matisse ne l'a jamais été..., son dernier autoportrait..., le portrait d'un vieillard. »
Tombe de Matisse et de sa femme au cimetière Cimiez de Nice

Henri Matisse est enterré au cimetière de Cimiez.

Son fils, Pierre Matisse fut un important et influent marchand d'art installé au Fuller Building de New York.

Quelques œuvres

    * Nature morte au pichet, vers 1896-1897, Musée Malraux, Le Havre
    * Le mur rose (de l'hôpital d'Ajaccio), 1897-1898, Centre Pompidou MNR, Paris. Ce tableau, disparu en 1914, a été retrouvé en 1948 dans une cache de l'ancien SS Kurt Gerstein, près de Tübingen[4].
    * Luxe, calme et volupté, 1904, Musée d'Orsay, Paris
    * La Femme au chapeau, 1905, Museum of Modern Art, San Francisco
    * Le Bonheur de vivre, 1905-1906, Barnes Fondation, Merion
    * Portrait de Madame Matisse, dit La Raie verte, 1905
    * La Desserte rouge, 1908 sa version originelle était en bleue mais fut livrée en rouge au collectionneur moscovite Sergueï Chtchoukine
    * La joie de vivre, 1908
    * La Danse et La Musique, pour le collectionneur moscovite Sergueï Chtchoukine, 1909-1910, Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
    * Nature morte au géranium, 1910 Pinakothek der Moderne, Munich
    * L'Intérieur aux aubergines, 1911, Musée de Grenoble
    * La porte de la casbah, 1912, musée Pouchkine, Moscou, 116*90cm
    * Porte-fenêtre à Collioure, 1914, Musée National d'Art Moderne, Paris
    * Le Fenêtre, 1916, Institute of Arts, Detroit
    * Les demoiselles à la rivière, 1916-1917, Art Institute collection Worcester, Chicago
    * Portrait d'Auguste Pellerin, 1917, Musée National d'Art Moderne, Paris
    * Paysage ou Rue dans le Midi, 1919, Musée des Beaux-Arts André Malraux, Le Havre
    * Femme assise, le dos tourné vers la fenêtre ouverte vers 1922, Huile sur toile, Musée des Beaux-Arts de Montréal, Montréal
    * Figure décorative sur fond ornemental, 1925, Musée National d'Art Moderne, Paris
    * Tahiti II, 1935-1936, Musée Matisse - Le Cateau-Cambrésis
    * Grand nu couché 1935 Huile sur toile, 66x93 cm. Baltimore Museum of art
    * Deux jeunes filles, robe jaune, robe écossaise, 1941, Musée Matisse - Le Cateau-Cambrésis
    * L'Asie, 1946, Kimbell Art Museum, Fort Worth
    * Nu Bleu I, 1952, Fondation Beyeler, Bâle
    * Vigne, 1953, Musée Matisse - Le Cateau-Cambrésis
    * Odalisque gris et jaune vendu 14,7M$ en 2007
    * Danseuse dans le fauteuil, sol en damier mise au enchère en juin 2007.
    * La chapelle du Rosaire de Vence, qui est une œuvre architecturale qu'il considérait comme son chef-d’œuvre, réalisé sur la fin de sa vie et synthétisant toute sa recherche artistique.

L'œuvre comprend également d'importantes séries de sculptures tirées en bronze (bustes de Jeannette, 1910-1913 ; quatre Nus de dos, bas reliefs, 1909-1930), près de 500 pièces gravées (eaux-fortes, bois, lithographies), des illustrations de livres : Poésies de Mallarmé (1932), Lettres de la religieuse portugaise (1946), Florilège des Amours de Ronsard (1948).

Bibliographie

    * " Henri Matisse : Écrits et propos sur l'art " Hermann. 1972 (Matisse dans le texte. Nombreuses rééditions)


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Maurice de Vlaminck, est né à Paris le 04 avril 1876. Aîné des cinq enfants d’une famille flamande, le jeune garçon, élevé dans un milieu de mélomanes un peu bohêmes, s’intéresse d’abord à la musique mais commence, dès l’âge de douze ans, à peindre des paysages de bords de Seine. Il quitte sa famille à l'âge de 16 ans et s'installe à Chatou à proximité de Versailles, pour faire le métier de mécanicien.
Il fait de la peinture à ses moments perdus, passion qu'il partage aussi avec le cyclisme. Il prend rapidement le métier de coureur cycliste qui lui permet de mieux gagner sa vie jusqu'à 18 ans où il rencontre Suzanne Berly qui deviendra sa femme.
A l'issue d'une maladie  vers l'âge de 20 ans, il quitte le sport et donne des leçons de violon. Il suit aussi les cours du peintre Robichon, mais il se lasse très vite de sa formation académique.
C'est en 1900 qu'il rencontre par hasard André Derain, avec qui il se lie d'amitié et reprend la peinture. Esprit contestataire, il se passionne alors pour les idées anarchistes et donne même quelques articles au Libertaire.
Il fait la découverte de Van Gogh qui l'impressionne considérablement. Vlaminck reconnaît d’emblée chez le peintre de "La Nuit étoilée" ou de "La Chambre à coucher" l’instinct de la couleur pure et une violence chromatique aux antipodes de toute démarche intellectuelle qui correspond parfaitement à sa propre formation d’autodidacte et à son tempérament de rebelle. Il rencontre Henri Matisse et décide alors de se consacrer d'une manière définitive à la peinture.

C'est en 1904, qu'il rencontre Apollinaire, qu'il découvre et se passionne pour l'art nègre et qu'il expose pour la première fois. Débarrassé des contraintes du dessin, il se contente désormais d’étaler violemment ses couleurs en utilisant des tons purs. Il décline ensuite le procédé, réalisant ainsi des paysages tels que ses "Bords de Seine " peints à Nanterre ou à Carrières. La primauté qu'il donne à la couleur et la vigueur de son pinceau le font naturellement ranger parmi les " Fauves" qui font scandale au Salon d‘Automne de 1905. Il expose huit tableaux aux côtés de  Matisse, Dufy, Rousseau, Vuillard, Rouault, qu'un critique de l'époque suggère d' enfermer dans une cage.
Il rencontre alors Vollard qui l'aide financièrement par l'achat de quelques toiles, puis Van Dongen, Braque, Picasso, Jacob et Derain avec lesquels il débat et discute de Cézanne qu'il admire. Il rencontre après un séjour en Angleterre, Modigliani, Marinetti entres autres, et les menaces de la guerre lui font exprimer son profond antimilitarisme .
Quand celle ci éclate, c'est une profonde crise morale qui l'envahit et le sépare de son ami Derain, tandis que ses idées et ses recherches sur la peinture évoluent.

Marqué par la première guerre mondiale à laquelle il participe de 1914 à 1918, engagé dans les campagnes les plus dures comme son ami André Derain, il se retire en Eure et Loir après sa démobilisation.
Tandis que Derain surmonte le traumatisme de la guerre en faisant une volte face vers la tradition picturale, Vlaminck renonce aux explosions colorées et s'engage alors dans une peinture de paysages tourmentés, aux tons sombres, qui définissent une nouvelle "manière " obscure, reflet de l'inguérissable cicatrice laisée par l'épreuve.
Il s'installe en 1919 à Valmondois et épouse sa seconde femme, Berthe Combes, tandis que son exposition à la Galerie Druet est un véritable succès.

La guerre et l'après guerre ont entrainés un bouleversement profond chez les peintres, les artistes, les écrivains, comme dans toute la société : une interrogation sur l'histoire, les hommes, la politique, les valeurs . Vlaminck a horreur de l'art pour l'art, il pense que toute avant-garde ne peut s'exprimer que dans le cynisme à l'égard de son époque et il ressent alors l'immense solitude de l'artiste qui s'engage dans la défense de ses valeurs profondes " la solitude est une des plus grandes vérités de ce monde " et il ajoute : " je suis heureux tout seul, dans le vent, dans la pluie, dans les éléments, avec ma pipe " .
Prémisses à un renfermement progressif sur lui-même, tout en conservant sa conscience et sa révolte secrétement, contre tous les opportunismes et tous les intellectualismes de son époque. Son crédo est alors " Si tu es peintre, ne regarde que dans toi-même" .
Ce qui lui importe, c'est la réalité, la réalité dans son moment historique, comme un stade de la dialectique de l'histoire et c'est la conscience de son époque. Dans sa cohérence morale la plus intime qui persistera dans la continuité de son oeuvre, la peinture est, et demeure pour lui un langage physique, un langage des émotions, une langage de la vie dans son élan vital contre la mort.

Mais il se sent encore trop proche de Paris : en 1925, il s'installe à "La Tourillière", où il demeurera jusqu'à la fin de sa vie. A côté de ses travaux de peinture, il écrit, et publie en 1929 " Tournant Dangereux",  où il s'exprime de toutes les insatisfactions et des révoltes qui sont les siennes, en s'enfermant dans un isolement tourné vers la peinture, sa passion pour l'art nègre, et son admiration de la nature.
Il expose à nouveau à Paris en 1933 au Palais des Beaux Arts, puis à New York en 1937.


Quelques années plus tard, à la veille de la seconde guerre, en mai 1939, au 16 de la Rue des Quatre Vents, à Paris, Vlaminck réunit des amis au restaurant des " Compagnons du Tour de France " . Ils brûlent alors dans une revendication commune contre les manaces allemandes, un portrait d'Adolf Hitler " critique d'art qui s'est permis, en qualité d'ex peintre en bâtiment, d'affirmer que tous les artistes de l'Ecole Française, les Braque, Derain, Gauguin, Laurencin, Valadon, Kisling, Matisse.... étaient des peintres dégénérés ".

En 1944, il participe au voyage organisé en Allemagne, par les autorités de la France occupée, qui lui vaudra des accusations et une arrestation après la guerre.
Aigri et plein d'amertume, il s'isole davantage encore, continue à peindre et à écrire : il publie en 1953 "Paysages et personnages", livre dans lequel il continue à dire sa révolte.
En 1956, la Galerie Charpentier lui organise une grande exposition qui provoque un débat sévère entre des critiques qui le considèrent comme le traître de la peinture moderne, tandis que d'autres le considère comme le maître du vrai modernisme dans la composition de ses paysages.
Il meurt deux ans plus tard dans son manoir de "La Tourillière" à Rueil la Gadelière en Eure-et-Loir.




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Amedeo Clemente Modigliani (Livourne, 12 juillet 1884 - Paris, le 24 janvier 1920) est un peintre et un sculpteur italien de l'École de Paris.

Né au sein d'une famille juive de Livourne, Amedeo est le quatrième enfant d'un homme d'affaire ruiné et d'Eugénie Garsin. Son enfance est pauvre et marquée par la maladie. À 14 ans, il subit une attaque de typhoïde et deux ans plus tard une tuberculose. En 1898, son frère de 26 ans, Emmanuel, est condamné à six mois de prison pour anarchisme.

En 1902, il s'inscrit à l'école libre du nu, la Scuola Libera di Nudo de l'Accademia di Belle Arti à Florence dirigée par le professeur Giovanni Fattori, le peintre chef de file des Macchiaioli, à Florence et l'année suivante à l'Institut des Arts de Venise où il fréquente les bas-fonds.

En 1906, il déménage à Paris alors le centre de l'avant-garde dans le Bateau-Lavoir, un phalanstère pour prolétaires de Montmartre. D'abord influencé par Toulouse-Lautrec, il s'inspire de Paul Cézanne, le cubisme et la période bleue de Picasso. Il est remarqué pour sa vitesse d'exécution. Il ne retouche jamais ses tableaux mais ceux qui ont posé pour lui ont dit que c'était comme avoir son âme mise à nu.

En 1909, il fait un court séjour à Livourne, malade et usé par son mode de vie. Il revient à Paris et loue un studio à Montparnasse. Il se considère au début plus comme un sculpteur que comme un peintre, se consacrant à cet art après que Paul Guillaume, un jeune et ambitieux négociant, lui a présenté Constantin Brancusi.

Il découvre l'art nègre et cambodgien au Musée de l'Homme. Ses statues sont reconnaissables à leurs yeux en amande, la bouche petite, les nez fins et longs et les cous allongés. Une série fut présentée au Salon d'automne de 1912, mais sa mauvaise santé lui fait abandonner cette voie brutalement ; les poussières et l'épuisement l'obligent à se consacrer seulement à la peinture.

Il fait le portrait des habitués de Montparnasse, comme Soutine qui avait un « gosier en pente », Diego Rivera, Juan Gris, Max Jacob, Blaise Cendrars, Foujita, Jean Cocteau et Raymond Radiguet...

Au déclenchement de la Première Guerre mondiale, il essaye de s'engager dans l'armée mais sa santé précaire le fait réformer.

Connu comme « Modì » par ses amis, Amedeo est magnétique pour la gente féminine. Il a beaucoup d'aventures jusqu'à ce que Béatrice Hastings entre dans sa vie. Elle reste avec lui pendant presque deux ans, étant le modèle pour plusieurs portraits comme « Madame Pompadour ». Sous l'effet de l'alcool, il est maussade et violent, comme le montre le dessin de Marie Vassilieff. À jeun, il est gracieusement timide et charmant, citant Dante Alighieri et récitant des poèmes du comte de Lautréamont Les Chants de Maldoror dont il garde un recueil en permanence auprès de lui.

En 1916, il se lie avec le poète et marchand d'art polonais Léopold Zborowski et sa femme Hanka. Modigliani le peint plusieurs fois ne faisant payer que dix francs par portrait.

L'été suivant, le sculpteur russe Chana Orloff lui présente Jeanne Hébuterne, une belle étudiante de 18 ans inscrite à l'académie Colarossi, et qui avait notamment posé pour Foujita. Lorsque la famille bourgeoise de Jeanne apprend sa liaison avec celui qu'elle considérait comme un débauché et une épave, elle lui coupe les vivres. Leurs relations très orageuses deviennent bientôt encore plus célèbres que le comportement de Modigliani ivre.

Le 3 décembre 1917 a lieu son premier vernissage, mais l'exposition est fermée quelques heures plus tard pour indécence par la préfecture, ses nues en vitrine de la galerie montraient pour la première fois des poils.

À cause de problèmes de santé, il doit déménager à Nice avec Jeanne Hébuterne, qui accouche fin 1918 d'une fille prénommée Giovanna

En mai 1919, il retourne à Paris, rue de la Grande Chaumière.

Sa santé se détériore rapidement. N'ayant pas entendu parler de lui depuis plusieurs jours, des voisins le trouvent délirant dans son lit tenant la main de Jeanne enceinte de près de neuf mois. Le docteur ne peut que constater son état desespéré. Il meurt d'une méningite tuberculeuse le 24 janvier 1920.

Les funérailles sont suivies par les communautés d'artistes de Montmartre et Montparnasse. Jeanne Hébuterne, qui avait été conduite chez ses parents, se donne la mort en se jetant d'une fenêtre au cinquième étage, deux jours après le décès de Modigliani.

Leur fille orpheline, Jeanne (1918-1984), sera adoptée par la sœur de Modigliani à Florence. Adulte, elle écrira une biographie importante de son père intitulée: Modigliani: Homme et mythe.



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Jackson Pollock, surnommé Jack the Dripper ("Jack L'égoutteur" pour sa méthode de travail, référence humoristique à Jack the Ripper - Jack l'éventreur), est né le 28 janvier 1912 à Codydans le Wyominget mort le 11 août 1956 à Springs (New York). Il est l'un des plus grandspeintresaméricainsdu XXe siècle.

Il a inauguré une nouvelle lignée d'artistes qui incarnent l'esprit d'une époque et dont la vie est, par conséquent, digne d'être célébrée. Son travail était une sorte de quête spirituelle exigeant une extraordinaire force psychique. Se confronter à la surface vide de la toile et chercher à y projeter de l'ordre et du sens était, selon lui, une démarche représentative de la crise existentielle de l'homme moderne. Son mouvement artistique est l'expressionnisme abstrait.

Biographie

Jackson Pollock est né le 28 janvier 1912 à Cody aux États-Unis. En raison d'une situation familiale particulièrement compliquée, il change régulièrement de domicile pendant son enfance : huit fois entre 1912 et 1928, en Californie et en Arizona notamment. Son père était souvent absent et sa mère très autoritaire.

En 1923, Jackson, âgé alors de onze ans, visite une réserve d'Indiens ; il y découvre les extraordinaires motifs abstraits de l'art dit "Art primitif" des Indiens d'Amérique.

Durant l'été 1927, il montre les premiers signes d'alcoolisme, l'art devient alors pour lui une décharge d'émotions, dessiner lui permet d'exprimer son univers intérieur, de libérer ses angoisses et sa rage sur le papier. Pendant cette année il suit les cours de la High School de Riverside avec difficultés, il quitte d'ailleurs le collège en 1928. En septembre 1928, il s'inscrit à l'école des arts appliqués mais il en est renvoyé pour avoir critiqué l'enseignement qui y est dispensé dans un journal étudiant. Il obtient tout de même l'autorisation l'année suivante d'y suivre les cours de modelage et de modèle vivant.

En juin 1930 il est emmené par un de ses frères ainés, Charles au Pomona College en Californie pour y voir des fresques peintes par Orozco. En septembre de la même année, il s'installe avec ses frères Franck et Charles à New York. Il s'inscrit à la Art Students League of New York pour suivre des cours du soir donnés par le peintre Thomas Hart Benton. Il rencontre José Clemente Orozco, le peintre dont il a découvert les fresques en Californie, qui travaille avec Benton à la réalisation de fresques. Durant les deux années qui suivent, il se réinscrit aux cours de Benton en classe de peinture murale puis en modèle vivant et composition murale.

Son père meurt en 1933 d'une crise cardiaque. Durant le printemps et l’été, il continue à se former à la sculpture et travaille avec le tailleur de pierre, Ahron Ben Shmuel.

En décembre 1937, il suit une cure de désintoxication et commence une thérapie, la première d'une longue série. Pollock se passionne pour l'art primitif.

Jackson Pollock a produit plus de 700 oeuvres. Sur certains de ses tableaux, Pollock a laissé couler la peinture sur les toiles, à plat, qu'il déplaçait en même temps (drippings). Il s'intéressa également à l'art amérindien.

Ayant sombré à nouveau dans l'alcool, et alors qu'il n'a plus rien produit durant les dernières années de sa vie, il décède dans un accident de voiture le 11 août 1956 dans la petite ville de Springs, située à Long Islanddans l'État de New York.

Il a vécu dans une extrême précarité durant la majeure partie de sa vie, l'ironie du sort veut que sa toile n°5, peinte en 1948, soit devenue l'œuvre la plus chère de tous les temps, vendue de gré à gré (en privé, sans enchères) en novembre 2006, pour la somme de 140 millions de dollars.

Analyse fractale de l'oeuvre

L'analyse fractale des oeuvres de Jackson Pollock proposée par Taylor, Micolich, et Jonas montre que le principe d'autosimilarité statistique y est respecté. Cette analyse consiste à vérifier par l'intermédiaire d'une grille de N carrés posée sur la toile que la proportion de motifs reste constante quel que soit le nombre de carrés étudiés et donc quelle que soit la taille des carrés. La peinture noire occupe 36 % de la surface d'un carré, de deux carrés... ou de n carrés. Il en est de même pour les autres couleurs qui occupent 13 % de la toile. La dimension fractale de densité d est égale à ~1,66. Dans Autumn Rhythm n°30, d vaut 1,67.

La dimension fractale est constitutive de la technique de Jackson Pollock et non consécutive. Elle définit de manière mathématique le all-over. L'analyse a ainsi démontré que les premières œuvres ont une dimension supérieure à 1,1 et à la fin de sa vie 1,7.

D'ailleurs Jackson Pollock détruit une œuvre de dimension 1,9 qu'il juge mauvaise, trop dense alors qu'il est filmé par Hans Namuth. Ainsi est confirmée l'affirmation de Pollock selon laquelle : « je ne... enfin... avec l'expérience... il me semble possible de contrôler la coulée de peinture, dans une large mesure, et je ne l'utilise pas... je n'utilise pas l'accident... parce que je nie l'accident. » in / extrait de l'interview de Jackson Pollock par William Wright en 1951 cité in Hans Namuth, L'Atelier de J.P, ed Macula, 1979.

Cette analyse permet donc par exemple de reconnaître si une toile est de Pollock ou pas (dans le cas d'un faux), la technique étant inimitable car même l'artiste ne fait pas "exprès", c'est une chose propre à lui même que sa manière de peindre.

Oeuvres majeures

  • Untitled [Naked Man with Knife], c. 1938-1940
  • The Mad Moon-Woman, 1941
  • Birth, c. 1941
  • Stenographic Figure, c. 1942
  • The Moon-Woman Cuts the Circle, c. 1943
  • Guardians of the Secret, 1943
  • The She-Wolf, 1943
  • Mural, 1943-1944
  • Gothic, 1944
  • Two, 1943-1945
  • Free Form, 1946
  • The Key (Accabonac Series), 1946
  • Eyes in the Heat (Sounds in the Grass Series), 1946
  • Full Fathom Five, 1947
  • Cathedral, 1947
  • Reflection of the Big Dipper, 1947
  • Number 20, 1948
  • Number 5, 1948
  • Number 1A, 1948
  • Number 26A, 1948: Black and White, 1948
  • Summertime: Number 9A, 1948, 1948
  • Out of the Web: Number 7, 1949, 1949
  • Number 27, 1950, 1950
  • Lavender Mist: Number 1, 1950, 1950
  • Number 32, 1950, 1950
  • One: Number 31, 1950, 1950
  • Autumn Rhythm: Number 30, 1950, 1950
  • Number 14, 1951, 1951
  • Echo: Number 25, 1951, 1951
  • Blue Poles: Number 11, 1952, 1952
  • Portrait and a Dream, 1953
  • Ocean Greyness, 1953
  • The Deep, 1953
  • Easter and the Totem, 1953
  • White Light, 1954
Documents et expositions

  • En 2000, l'acteur Ed Harris réalise et interprète Pollock. Depuis que son père lui avait offert un livre sur Pollock au motif d'une forte ressemblance physique, Ed Harris a nourri une fascination pour l'artiste qu'il finit par faire revivre.
  • Jackson Pollock: Love and Death on Long Island, documentaire (46 min) réalisé par Teresa Griffiths en 1999.
  • Jackson Pollock, documentaire (52 min) réalisé par Kim Evans en 1987.
  • En 2002, le romancier américain John Updike publie Seek my face (en français Tu chercheras mon visage, 2006) qui est une transposition de la vie de Jackson Pollock racontée par sa femme Lee Kasner.
  • La Pinacothèque de Paris propose une exposition d'une quarantaine de toiles et de dessin de Jackson Pollock entre octobre 2008 et février 2009

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Jacques Kerchache


Vie des objets de surface

Les objets rituels, masques, statues, mobilier, utilisés en surf ace, jouent dans la société africaine traditionnelle, m rôle bien plus important que les objets funéraires, destinés à'être enterrés. Il faut leur adjoindre une petite quantité de pièces au double emploi (parures, mobilier sacré) qui accompagnent le mort dans sa tombe, comme à Igbo-Ukwu au Nigeria, ou certains objets funéraires trouvés fortuitement et réutilisés en surface, comme chez les Kissi en Guinée, ceux de la culture nok ou de celle d'Owo au Nigeria.

En Afrique, les esprits sont partout présents. Un homme devient souvent plus important après sa mort que pendant sa vie. Les signes de surface fonctionnent par ensembles et sous-ensembles, dans un rapport étroit entre le rôle qu'ils jouent et celui de leurs manipulateurs ; il existe des objets collectifs (souvent les masques), semi-collectifs (de nouveau les masques et une petite partie de la statuaire) et ceux -particulièrement des statuettes- réservés aux sages, mémoire vivante de la communauté. Ceux-ci réactualisent continuellement les objets dans les relations qu'ils entretiennent avec le monde extérieur (événements historiques, contacts avec l'islam, le christianisme, migrations, guerres, alliances) et le monde intérieur (esprits, mort, rêves). Autour des fonctions et des usages, vont s'établir des systèmes de manipulation cyclique extrêmement complexes et de protection.

Vous pouvez passer votre vie en Afrique sans voir une statue en fonction ; elles ne sont pas seulement cachées à l'étranger, mais aussi à une grande partie de la communauté. Pendant près d'un demi-siècle de présence, l'École française d'ethnologie, avec Griaule, n'a eu que très peu accès à la statuaire dogon sacralisée. Les membres de l'équipe ont vu des masques (collectifs), des sculptures désacralisées, ils ont même provoqué la création de nouveaux supports, comme le masque Madame ou le masque ethnologue.

Du XVIIe siècle à nos jours, nous observons ainsi dans l'iconographie des récits de voyages, l'apparition d'armes, d'instruments de musique collectifs, de mobilier, de parures, et de quelques très rares documents plus intéressants : ils montrent un Africain, à qui on vient de botter le derrière, entouré de statues pour donner à l'image une dimension fétichiste. N'oublions pas le dernier venu... le masque fait pour le touriste...

En réalité la plupart de ces " trompe-l'œil " permettent de dissimuler la sculpture sacralisée et l'attitude des usagers face à cette statuaire. Ceux-ci se comportent envers chaque statuette comme envers m individu. En Afrique, il existe encore de nombreuses statues soigneusement cachées et elles n'apparaîtront que lorsqu'elles n'auront plus d'intérêt pour leurs manipulateurs. Car elles bénéficient d'un système de protection très élaboré.

La confection d'un signe de surface commence par le choix du matériau (qualité de l'essence de l'arbre), le moment où il sera abattu, les techniques de trempe (marécage, boue) et la cuisine des patines (huile, miel, cire d'abeille, fumée, peinture), puis les sacrifices rituels (sang, bière de mil). Enfin interviennent leur emplacement (temple, autel familial, grotte, grenier, coffre), leur emballage (souvent des paquets de tissu énormes par rapport à la taille de l'objet) et leur entretien ; certains hommes peuvent en être responsables sur leur vie. Il arrive que lors d'événements inquiétants, comme au Cameroun dans les années 60, au moment de la révolte des Bamiléké, les rois confient leurs objets sacrés à des notables habitant très loin de la chefferie.

La confection d'objets de remplacement entre aussi dans les systèmes de protection : c'est-à-dire la fabrication rapide d'une statue qui n'était pas sacralisée, à l'intention des missionnaires, administrateurs ou ethnologues de passage. Le sentiment de supériorité de ces personnages faisait qu'ils ne pouvaient imaginer un seul instant les Africains se moquant d'eux. Les missionnaires réclamaient les idoles, et pendant la nuit, les Africains, en s'amusant, fabriquaient un objet de remplacement. Le lendemain ils donnaient leur vierge de " Saint-Sulpice " tout en conservant leur vierge " romane.". Ils desserraient ainsi la pression. Cette pratique se maintient. A de multiples reprises, après des nuits de palabres, des Noirs m'ont présenté, avec tout un cérémonial, un énorme paquet contenant un masque ou une statue. Je leur disais : " Vous l'avez fabriqué cette nuit, vous me prenez pour un enfant. " Nous éclations tous de rire, établissant alors une relation de complicité magique. Combien de touristes, chez les Dogon, ont été réveillés, en pleine nuit, entraînés dans une case, l'un après l'autre, par un ancien, qui leur présentait avec mille précautions la porte du grenier à grains des ancêtres. Le lendemain dans le car, ils avaient tous la même porte, faux objet avec des réparations traditionnelles. Tous ces subterfuges pour dissimuler l'existence d'objets véridiques et assurer ainsi leur conservation.

Mais sur les signes de surface, pèsent aussi les décisions politiques ou religieuses. Plusieurs exemples peuvent illustrer ce genre de destruction. Vers 1400 après un conflit, un lignage quitte la ville sainte d'Ifè et s'établit entre cette ville et Bénin. Les terres cuites d'Owo, merveilleuses de délicatesse et uniques dans leur conception en Afrique, seront brisées deux générations plus tard par l'armée du Bénin. Lors de la conquête du territoire edo par les Tomba, des villages entiers ainsi que tous les objets furent anéantis. En 1897, le vice-consul anglais souhaite rendre visite au roi du Bénin pendant les cérémonies de l'igue. Celui-ci refuse car il est invisible pendant cette période. Cela donnera lieu à l'expédition punitive des Anglais contre la ville et au pillage d'environ quatre mille objets. Mis en vente l'année suivante à Londres, ils se trouvent de nos jours principalement au British Muséum et au musée d'Ethnologie de Berlin et dans de nombreuses collections publiques et privées.

Ajoutons les destructions des armées coloniales, la suppression de milliers de signes de surface pendant la guerre du Biafra par les Haoussa, par le chef Mukenga Khalemba chez les Bena Lulua, les bombardements de Kadhafi sur Djamena, entraînant le saccage du Musée national, l'incendie de la bibliothèque et l'anéantissement de sites archéologiques voisins.

On peut évoquer également les destructions provoquées par la propagation de l'islam, les autodafés des missionnaires, les pratiques des cultes syncrétiques : le " culte mademoiselle " entre 1940 et 1964 au Gabon et au Congo ; le culte de massa chez les Sénoufo en 1953 ; le Spirit Movement entre 1920 et 1930 au Nigeria. Et, pour finir, mentionnons les collectes systématiques des grands musées ethnographiques, la vente par les Africains eux-mêmes de certaines pièces pour répondre à la demande croissante. " Au Cameroun, au moment de l'Indépendance, on vit paraître sur le marché des " Arts primitifs " d'authentiques pièces anciennes, souvent très importantes, vendues à des prix très élevés, par les monarques eux-mêmes en plein accord avec leurs notables. " (P. Harter)

Nous ne pouvons évidemment pas corriger le passé mais il nous appartient d'éviter de nouveaux désastres. S'il n'y avait eu l'intérêt d'artistes et de poètes, comme Picasso, Matisse, Derain, Apollinaire, Fénéon, celui des marchands et des amateurs pour l'art africain, celui-ci n'aurait pas dans le patrimoine culturel de l'humanité la place qu'il occupe. Les Africains, pour l'instant, ne s'intéressent guère et de cette façon à leurs objets (je ne connais d'ailleurs pas un seul grand amateur d'art noir en Afrique). Pourtant l'avenir du patrimoine archéologique africain situé dans le sous-sol leur appartient. Laissons les Africains décider du développement qu'ils voudront donner à la muséographie dans leur pays ; soyons simplement disponibles pour collaborer avec eux, s'ils le demandent, à entreprendre par exemple des fouilles scientifiques, comme celles de T.Shaw à Igb0-Ukwu au Nigeria. Efforçons-nous surtout d'anoblir le regard que nous posons sur les arts noirs.

Mort des objets de surface

Je ne parlerai pas de la destruction par les cataclysmes naturels ou par les termites ou les rongeurs, ce qui arrive lorsque les objets sont désacralisés et laissés à l'abandon. Mais le plus souvent, ils sont détruits par les usagers eux-mêmes. En 1889, le père Noël Baudin s'étonnait : " Dans les premières années de mon séjour à la côte des Esclaves, notre voisin, le grand féticheur, étant mort, on avait mis hors de sa case tous ses fétiches [,..]je demandai aux Noirs pourquoi ils traitaient ainsi leurs dieux, ils m'affirmèrent que les dieux n'y étaient plus, alors toutes les statues et autres symboles des dieux, désormais inutiles, avaient été jetés hors de la case. " J'ai souvent vu des enfants jouer avec des sculptures très belles, chez les Fang du Sud-Cameroun ou se placer en riant un masque sur la tête. Ces objets, quels que soient leur authenticité, leur rôle passé, et leur qualité plastique, ne signifiaient plus rien pour la communauté.

Un masque peut aussi être fabriqué pour une cérémonie précise, comme les masques cikunza chez les Tshokwe, puis être détruit le lendemain de son utilisation. D'autres sont jetés car endommagés pendant une manipulation. Certains objets répondent de façon négative à leurs usagers et ils disparaissent. Sans compter les masques ou statuettes en herbe, boue, feuillages, matériaux éphémères et donc périssables.

Jacques KERCHACHE

Texte extrait de l'ouvrage : L'Art Africain par Jacques Kerchache, Jean-Louis Paudrat, Lucien Stephan,1988, aux éditions Citadelles.

Sans méthode préalable, la passion de l'Afrique m'a propulsé au cœur du Gabon, m'a porté du Congo en Guinée équatoriale, de la Côte-d'Ivoire au Libéria, m'a conduit du Burkina Faso au Mali, de l'Éthiopie au Bénin, du Nigeria au Cameroun et de la Tanzanie au Zaïre. De ces expériences parfois difficiles, physiques certes, mais surtout intellectuelles et spirituelles, de ma participation à certaines cérémonies et à diverses manipulations d'objets, de mon immersion temporaire mais effective dans les cultes de l'ancienne Côte des Esclaves, je ne puis restituer aujourd'hui que des sensations, des impressions et je me garderai de toute affirmation.

Cependant, devant la sculpture africaine, il faut cesser d'avoir peur d'être profane et se laisser envahir par elle ; il faut s'en approcher, la fréquenter, se l'approprier, l'aimer. Lui offrir son temps, lui ouvrir sa sexualité, ses rêves, lui livrer sa mort, ses inhibitions, redécouvrir autre chose en soi. Sans lâcheté, ne pas hésiter à désacraliser, sans les rejeter, ses sources culturelles. Ne plus avoir cette taie sur l'œil et se laisser aller à la jouissance, se laisser gagner par la magie.

Même si nous ne pouvons contempler cette sculpture que par fragments, ceux-ci sont encore assez riches pour exprimer cet alphabet de signes-mères, de matrices auquel l'homme d'aujourd'hui, dans sa quête nécessaire d'universalité, peut et doit puiser. Car, en cette fin du XXe siècle, il y aurait danger à négliger l'apport de tous les " arts premiers " et en même temps ultimes ; ce sont là les ancêtres du futur. Les arts africains n'ont pas pour but de nous enseigner une certaine idéologie, mais de nous apprendre à regarder autrement. Il faut se garder du racisme subtil, c'est-à-dire penser qu'il faut être africain pour comprendre cette sculpture, attitude exotique qui n'est plus de mise. De même, nous ne pouvons continuer à traîner le boulet des événements historiques qui marginalisent dans des ghettos - les laboratoires, (quel mot pour parler d'une culture ! ) des musées d'Histoire naturelle - des œuvres majeures, de qualité universelle, qui voisinent avec des crânes, des fœtus, des vêtements, des chaussures... (Accepteriez-vous de regarder les œuvres de Michel-Ange, de Léonard de Vinci, de Goya, de Matisse, exposées avec leurs pantoufles et leurs chapeaux?)

Autre recommandation : il ne faut pas aborder l'art africain par le biais de la date. D'abord, quelle que soit la culture observée, l'âge d'une œuvre n'a jamais été un garant de sa qualité ; les productions mineures, vulgaires et pauvres abondent aussi bien dans les cultures gréco-romaines; égyptiennes, asiatiques qu'au XVIIIe siècle français ou au XXe. Il faut ensuite dépasser les analyses (ethnomorphologiques, quantitatives et mathématiques) que pratiquent beaucoup de chercheurs. Concevez-vous de mesurer les sculptures du Bernin ou de Picasso pour en déterminer l'originalité, l'émotion ou la magie ? Et pourquoi se servir des objets -sans vraiment les regarder - comme prétexte à l'établissement d'une théorie de la société ? En fait, la beauté d'une sculpture n'est pas étrangère à sa fonction sociale, tout comme son rôle rituel ou magique n'interdit pas l'appréciation de sa beauté par ses utilisateurs. Plus l'objet a une fonction importante, plus ses qualités esthétiques sont évidentes ; un lien étroit unit fonction et beauté, l'une supportant l'autre en favorisant son éclosion et la seconde magnifiant la première en l'exaltant. Il faut éviter par-dessus tout de figer dans une unité tribale un ensemble d'objets, ou bien à l'inverse, de tout dissoudre. Il se passe actuellement une tentative de cet ordre avec les Dogon.

Contrairement à ce que certains "ethnologues" voudraient nous faire penser, l'Afrique ne vit pas dans un éternel présent. Il n'existe pas une seule conception de l'histoire. Ici comme ailleurs, les habitudes ont .changé, évolué et il en est de même pour la sculpture. D'autant que, selon l'origine clanique ou familiale de l'informateur sur le terrain, la statue aura des significations différentes et l'homogénéité du groupe observé sera tout aussi fluctuante que les attributions. Le mythe étant changeant, l'interprétation de ce mythe le sera aussi. Dans ce domaine, rien n'est jamais définitif. Un objet, en Afrique; est aussi mouvant que le verbe et les sculptures africaines sont le support de la parole.

Mais rien ne vous empêche, devant une sculpture, d'une qualité exceptionnelle, donnant une version originale du monde, de percevoir la volonté du sculpteur de traduire une idée.

Sculpture

Les œuvres à caractère naturaliste, comme les têtes d'Ifè, vous seront plus vite accessibles, car elles agiront sur votre registre culturel, visuel, sensuel, tactile. Ce sont des chefs-d'œuvre, certes, mais une variété seulement parmi l'énorme somme de solutions plastiques proposées par la sculpture africaine. Frobenius, en découvrant ces têtes en igio, les a immédiatement rattachées à la Grèce, en croyant avoir retrouvé l'Atlantide. Juan Gris, lui, déclare dans Action, en avril 1920, à propos de l'art africain : « II est le contraire de l'art grec qui se fondait sur l'individu pour essayer de suggérer un type idéal.» Et j'ajoute : ce serait tuer l'art grec que de le voir unique. Les œuvres d'Ifè sont totalement africaines ; si vous les regardez attentivement, vous constaterez rapidement que vous ne pouvez les confondre avec aucune autre sculpture au monde.

Mais devant l'art africain, plus vous serez agressé, dérouté, plus il vous faudra être attentif ; n'ayez pas peur de la commotion, du choc. Avant de vous exprimer, ne cherchez ni la signature ni la date. Attitude - que stigmatise J.-M. Drot - de la pensée systématique, étiqueteuse du monde occidental. Les sculptures africaines ne portent pas de signature et sont hors de notre chronologie. Retenez avec votre œil : «L'œil doit brouter la surface, l'absorber partie par partie, et remettre celle-ci au cerveau qui emmagasine les impressions et les constitue en un tout. L'ail suit les chemins qui lui sont aménagés dans l'œuvre.» (P. Klee.) Approchez-vous de ce que vous pouvez sentir, saisir, comme la sensualité contenue dans la sculpture africaine et ne pensez pas en termes d'expressionnisme, de cubisme ou de réalisme, ne croyez pas qu'un masque rit ou pleure. Me vous laissez pas séduire par les matières, l'or, le bronze, les patines laquées, sinon vous resteriez dans le Catalogue des opinions chic. Il y a aussi un temps de parcours autour d'une sculpture tridimensionnelle, indispensable à sa compréhension. Être actif devant une statue, c'est ce qui vous sera peut-être le plus difficile car nous vivons aujourd'hui dans le bidimensionnel, le règne des images. Cela modifie notre perception de la sculpture. Elle est de plus en plus absente de notre environnement, si ce n'est sous la forme de " monuments aux morts " ou de faire-valoir de l'architecture. Il convient donc d'exercer son œil afin de découvrir dans cette vaste production artistique, dans ce labyrinthe (dans ce livre, plus précisément la sculpture africaine) les temps forts, les signes-mères, autant d'expressions originales de la puissance de création et de la maîtrise technique.

Dimension

La sculpture africaine est, en général, de petite dimension, elle dépasse rarement un mètre, très rarement un mètre quatre-vingts. Cela ne l'empêche pas d'ailleurs d'exprimer une certaine monumentalité. Ces proportions tiennent de sa manipulation et de son usage à l'intérieur des structures où elle apparaît. Si la statuaire avait un rôle véritablement collectif, elle devrait et pourrait être vue de tous ; et c'est le cas lorsqu'elle s'incorpore à l'architecture. Cependant, même dans ces circonstances, on la rencontre très peu en Afrique : chefferies bamiléké, palais bamum, temples yoruba. Des sculptures de grandes dimensions existent dans certains sites funéraires, comme chez, les konso-gato d'Ethiopie, les bongo du Soudan, les giriama du Kenya, les sakalava et les bara de Madagascar, ou en tant que protection villageoise, clanique ou familiale, comme les bochio des fon du Bénin. Mais elles restent l'exception, alors qu'elles pullulent en Polynésie, en Mélanésie, en Micronésie, chez les Amérindiens, ou en Asie du Sud-Est. Car, a l'inverse des ethnies africaines, ces peuples vivent au niveau social (habitation) et au niveau mental (structures) dans un espace culturel plus collectif. De même, la statuaire monumentale en pierre, qui existe un peu partout dans le monde, des grandes stèles néolithiques de Filitosa en Corse aux mégalithes de l'île de Pâques, des statues colossales précolombiennes à celles, des civilisations païennes de l'Europe centrale n'est que peu présente en Afrique : chez les ekoi au Nigeria, les onso en Ethiopie ou avec les grandes pierres-lyres du néolithique au Sénégal. De plus, c'est dans la pierre que les artistes africains se sont le moins exprimés.

Contrairement aux sculptures, le masque, lui dont l'usage est souvent accessible à toute la collectivité, du moins masculine, peut se développer à loisir dans de grandes dimensions, comme chez, les Dogon, les Mossi, les Baga, etc. Il lui arrive même d'être "sur-dimensionné" par ses porteurs, montés sur des échasses, comme chez les dan de Côte-d'Ivoire ou les punu du Gabon.

Comme partout dans le monde, la sculpture tri-dimensionnelle africaine est apparue avec la sédentarisation, la maîtrise de la technique de l'agriculture permettant une fixation : cela se constate dans tout le Moyen-Orient, le Bassin méditerranéen (Cyclades, Malte, Chypre), la Chine, le bassin du Danube (Roumanie, Tchécoslovaquie) et en Afrique, au Niger, comme viennent de le confirmer les travaux de J.P. Roset. Cette technique va se découvrir ou se transmettre de façon plus ou moins lente et aboutir à. un ensemble de données comme l'écriture, la cité, l'État, l'armée et l'architecture. Ces sociétés d'agriculteurs-chasseurs-pêcheurs, plus ou moins guerriers selon les circonstances, vont produire une sculpture tri-dimensionnelle en général très petite et très proche conceptuellement, en tout cas sur le plan esthétique, de la sculpture africaine. Toutes ces statuettes font preuve dans l'agencement de leurs formes, dans leurs volumes, la précision de leurs lignes, leur réduction à l'essentiel, de leur refus de la copie naturaliste. Elles parviennent à un degré d'invention rarement atteint.

Parole

En revanche, partout où l'homme bouge, chez les chasseurs-cueilleurs ou les nomades-éleveurs (pygmées, bochiman, hottentots, peuls, masaï, comme les aborigènes australiens ou les indiens des plaines), la sculpture tri-dimensionnelle n'existe pas, ce qui m'empêche pas ces sociétés de s'exprimer de façon tout aussi passionnante, dans des domaines aussi divers que les arts du corps, la peinture rupestre, les dessins sur le sable, la gravure des calebasses, les ornements de cuir, les tissages, la chorégraphie, la musique, la danse et le chant, les mythes. Lorsque l'homme bouge, il emmène dans son sac l'essentiel...

C'est à ce point du parcours fait de compréhension et déplaisir qu'il convient de replacer l'œuvre dans son milieu socioculturel :

alors les ethnologues, les linguistes permettent de mieux comprendre le contexte des inventions stylistiques et de mieux les interpréter, D'autant que d'une région a l'autre, d'un ensemble culturel à un autre, la statue peut revêtir une signification totalement différente ou bien «la même fonction peut être exercée par plusieurs formes différentes et inversement une seule forme peut exercer plusieurs différentes» (J.-L. Paudrat). Chez les sénoufo, peu de signes permettent de distinguer tel masque qui inciterait les femmes à l'adultère et tel autre qui en réprimerait la pratique.

Les sociétés dites " primitives " n'utilisaient pas l'écriture, d'où le mépris avec lequel on les a abordées. Faut-il rappeler qu'en 1898 encore, on pouvait lire sous la plume d'André Michel, dans La Grande Encyclopédie : "Chez les nègres, qui comme toutes les races de l'Afrique centrale et méridionale, sont fort arriérés pour tout ce qui est affaire d'art, on trouve des représentations des hommes qui reproduisent avec une grotesque fidélité les caractères de la race nègre." Les traditions orales, on l'a compris maintenant, suppléaient à l'écriture et l'absence de celle-ci ne signifiait pas absence de culture mais bien plutôt un choix délibéré de la part des sages pour éviter de transformer les variations du mythe en un dogme immuable.

Par ailleurs, l'Afrique est en contact permanent avec l'islam depuis le VIIIe siècle, plus ou moins violemment. De ce fait, il y a évidemment de nombreuses affinités entre l'islam noir et l'Afrique traditionnelle, des événements vécus en réalité qui se retrouvent plus ou moins différés dans les mythes et apparaissent dans l'esthétique. Le cheval, par exemple, symbolise le temps de contact avec l'islam galopant ; incorporé dans la cosmogonie des peuples du delta intérieur et de la boucle du Niger, il représente la nécessité de trouver le temps de nouvelles paroles et de prendre de nouvelles décisions. Mais l'islamisation de Djenné, le long du fleuve Niger, vers 1040, ne va pas empêcher la production artistique de se développer dans tout le bassin du fleuve ; cela pas plus sur les dogon au Mali, où l'Empire songhaï arrive à son apogée au XVe siècle. On trouve des villages où vivent en communauté des peuls, des dogon, des bamana ou des peuples comme les edo et les tomba du Nigeria qui résistent aux pressions des fulani ou des haoussa islamisés. Cependant, l'esprit d'abstraction et de géométrisation de l'islam a certainement tenu un rôle subtil dans le domaine des masques comme dans l'habitat. Mais la pénétration fut sans aucun doute assez, souple et si le Coran interdit toute représentation humaine, l'islam en Afrique a pu vouloir détruire les idoles, il n'a jamais pensé à détruire la sculpture. Avec une foule "d'islams régionaux ", des contacts évolutifs entre le VIIIe et le XIXe siècle, on peut se demander si ce n'est pas l'Afrique qui a "négrifié" l'islam.

La tradition orale africaine ne se limite pas à des récits de fondations, d'émigrations, de luttes contre les envahisseurs, elle englobe tous les aspects de la vie, elle est une école concernant religion, connaissance et sciences de la nature, initiation à un métier, histoire, divertissements : elle engage l'homme dans sa totalité. Il faut apprendre à déchiffrer la sculpture, support de la parole, support du mythe en permanente évolution. Cette parole est parfois d'origine divine, elle présente un caractère sacré. Selon la mythologie dogon, «les premiers hommes étaient dépourvus de parole, inachevés, "secs", malheureux ; ils ne pouvaient réaliser aucun progrès puis Binon Serou reçut un enseignement de l'ancêtre Nommo au cours d'entretiens. Leur mode de vie s'en trouva transformé; de cueilleurs de fruits ils devinrent cultivateurs, la parole les rendit attentifs aux phénomènes atmosphériques et leur permit de régler leur calendrier agricole». (G. Calame-Griaule, Ethnologie et Langage, la parole chez les Dogon. ) Chez les bamana, le verbe est créateur et possède la double fonction d'invention et de destruction. L'importance des mots se retrouve partout en Afrique, d'où les chants rituels, les palabres, les discussions, les rencontres, et ce qui en découle, les marchés. A travers les paroles, passent le temps des fêtes, le temps sacré et, périodiquement, le temps de l'approche des esprits. Tous ces temps sont rendus rituellement présents à travers la parole visualisée, matérialisée sur certains objets. Par exemple, sur la glotte des statues dont les utilisateurs sont surtout des hommes (glotte, élément physiologiquement plus développé chez l'homme) ou sur des bobines de métiers à tisser. Le tisserand africain ne dit-il pas : «La navette tisse la parole.» On peut encore trouver cette parole signifiée par une bouche démesurée, une langue apparente entre les lèvres ou une lamelle de fer jaillissant de la bouche d'un bâton de commandement ou de prise de parole.

L'univers, chez les Africains, est conçu comme un équilibre fragile entre deux forces, la culture, ordre des institutions sociales et la nature, désordre incontrôlable, qui passe de la fertilité par la croissance jusqu'à la mort. Justement la sculpture africaine représente un élément de cette cohésion sociale, par sa présence dans des domaines aussi variés que socio-critique, magico-religieux ou guerrier. Le religieux et la politique, dans la plupart des sociétés, sont étroitement liés ; ce sont en effet les anciens, les "vieux-papas", les hommes de la classe d'âge supérieure, parvenus au plus haut degré d'initiation, qui prennent les décisions concernant la vie de la communauté. Cette longue initiation formatrice se termine tard, puisqu'un homme est considéré, selon le philosophe Hampaté Ba, pour les bamana et les peuls, adulte à quarante-deux ans et que tous n'atteignent pas ce niveau. Encore une fois, il est question de parole : pour parvenir à ce degré d'initiation, il faut savoir poser les bonnes questions. Et, de nouveau, la sculpture prend le relais de la parole : bien que «en général, les sculptures africaines ne représentent pas leur sujet avec un âge particulier» (W. Fagg), la barbe, indice de classe d'âge, de sagesse, de virilité, de capital-mémoire et de connaissances, va se retrouver sur un très grand nombre de statues et de masques. La visualisation de cette barbe est flagrante dans toute la sculpture africaine, alors qu'on ne la, trouve pas au paléolithique et pratiquement jamais au néolithique : une exception, la statue de Béer Safad (4000 av. J.-C.) trouvée en Israël et qui porte une série de trous d'attaches autour du visage, qui permettraient, comme dans la tête de bronze d'Ife d'Obalufon, l'adjonction d'une barbe postiche ; et cela reste une supposition.

La barbe, conceptualisation de la sagesse des anciens, eux-mêmes gardiens de la tradition orale, se matérialise dans la statuaire. La sculpture en Afrique, c'est la parole devenue forme.

Jacques Kerchache

Texte de présentation extrait de l'ouvrage : L'Art Africain par Jacques Kerchache, Jean-Louis Paudrat, Lucien Stephan,1988, aux éditions Citadelles.

FORMATION

En Afrique, dès l'enfance, il existe une éducation collective par "classes d'âge". Après les toutes premières années, au moment du passage de l'adolescence à l'âge adulte, (excision, circoncision), donc à la séparation des sexes, le jeune homme -car en Afrique, c'est uniquement l'homme qui peut devenir artiste- sera en principe dirigé par les sages, selon ses dons, vers différents secteurs de la vie sociale : la chasse, la parole, le chant ou la musique, la sculpture sur bois ou le travail de la forge. Alors il recevra un enseignement sur les techniques et les mythes correspondants. Le danger du système héréditaire de la charge d'artiste, qui se retrouve dans de nombreuses ethnies, est compensé par des soupapes de sécurité : malgré la loi des traditions, on constate des transgressions. Ainsi, chez les Sénoufo, si les jeunes héritiers de la charge se révèlent peu doués, l'artiste " instructeur " peut faire entrer en apprentissage des cousins éloignés ou des captifs de case, anciens prisonniers de guerre ou esclaves. Dans d'autres ethnies, tshokwe, dan, igbo, on devient sculpteur également par vocation et reconnaissance de son talent. Un Bashilele, orienté vers cette corporation par des rêves ou des transes, doit payer un droit d'admission à son initiateur. On trouve en Afrique des familles ou des villages entiers soumis à l'enseignement de maîtres sculpteurs. La sélection qualitative démontre l'existence sans doute possible d'un sentiment critique, même si le vocabulaire pour l'exprimer n'est pas l'équivalent du notre.

Le jeune artiste tout en continuant à recevoir un enseignement général, va entrer en apprentissage chez un maître; tout comme l'apprenti peintre, à la Renaissance, commençait dans l'atelier de son aîné, par nettoyer les pinceaux, broyer les couleurs, apprendre le langage propre à sa corporation. Michel-Ange ne fut-il pas placé par son père dans l'atelier de Domenico Ghirlandaïo ou Léonard de Vinci ne passa-t-il pas chez Verrochio ? Le jeune Africain va, lui aussi, débuter par balayer, passer les outils, actionner le soufflet de la forge ; mais il devra acquérir deux langages : le profane qui correspond aux objets d'usage domestique, qu'il pourra exécuter pendant ses années d'apprentissage et le sacré, réservé aux objets rituels.

Lorsqu'il aura atteint un niveau de connaissance des mythes suffisant, il pourra être sélectionné par ses pairs et on lui confiera des commandes que son degré d'initiation lui permettra de réaliser. Par exemple, il aura la possibilité défaire un masque de passage de grade d'après un modèle. Ces modèles, utilisés par le maître, supports techniques, plastiques et mythologiques, n'ont pas forcément la dimension des objets réels ni les caractéristiques (trous d'attache ou de portage pour les masques). Selon la personnalité de l'initiateur et la variabilité du mythe, le jeune sculpteur pourra s'exprimer plus ou moins librement, s'éloigner ou non du modèle proposé. Son esprit de compétition, son sens critique, ses capacités techniques et créatrices seront encouragés à cette occasion.

Les jeunes restent en apprentissage entre six et dix ans pour être préparés aux interdits, avantages, dangers, charges et droits inhérents à leur corporation. Ils atteignent alors une trentaine d'années. Il n'est cependant pas exclu qu'un jeune, extrêmement doué, saute des classes d'âge. Cependant, qu'il reste chez son maître ou qu'il prenne son indépendance, il est impensable de lui demander de réaliser une sculpture dont l'usage et le contenu liturgique sont destinés à des hommes de la classe d'âge supérieure.

 

MATURITÉ DE L'ARTISTE AFRICAIN

Léonard de Vinci recommande à l'artiste de " vivre en solitaire pour mieux se concentrer sur l'essence des choses ".'Rien ne peut résumer aussi exactement l'attitude de l'artiste africain face à sa création. Il est solitaire, marginal et sa fonction a un caractère sacré. Le sculpteur, en Afrique, exécute son oeuvre le plus souvent en secret, avec beaucoup de contraintes, car elle est destinée à un public restreint. Il lui arrive certes de travailler ou de montrer sa sculpture à des confrères, ou bien d'écouter des critiques en cours d'exécution. Mais c'est toujours une élite " d'intellectuels " comprenant les artistes eux-mêmes, qui va exprimer les remarques et comme les œuvres ne sont pas destinées à être exposées, la production dépend de la qualité 'de la critique initiale. Cette critique, les artistes vont la subir non seulement avant mais aussi pendant l'utilisation, les commanditaires jugeant selon l'efficacité de l'œuvre en question.

On peut se demander alors ce qui importe le plus dans la réputation d'un artiste, son pouvoir magique ou son talent créateur. Personnellement, je penche pour le talent : l'élite intellectuelle est capable de faire la relation entre niveau d'usage et qualité de création et d'exécution ; elle n'est pas assez, bornée pour rendre systématiquement les artistes responsables du fonctionnement par fois négatif de certains objets. Elle peut, bien sûr, profiter de ces événements pour essayer de les disqualifier ou de les évincer mais ce sont là intrigues et rivalités. Pour finir, il faut noter la rudesse de la compétition permanente entre les clients pour s'approprier les services d'un artiste réputé et se servir des ses œuvres pour accroître leur prestige. Chez les Bamiléké, " le nom 'des artistes était souvent tenu volontairement secret. L'artiste étant gardé au palais tant que la commande n'était pas achevée, ses œuvres ne pouvant être écoulées que par l'intermédiaire du roi, lequel en usurpait souvent la paternité [,..] après l'achèvement d'un chef-d'œuvre, ceux-ci (les sculpteurs) pouvaient être déportés, vendus comme esclaves ou même exécutés " (P. Harter). La rivalité entre les forgerons bamana peut aller jusqu'à l'utilisation du poison ou de la sorcellerie pour détruire la famille d'un rival ; ils n'hésitent pas à employer la calomnie pour réduire à néant les relations privilégiées entre forgeron et clients. " La renommée d'un forgeron est absolument vitale, étant donné que ses succès ou ses faillites dans le domaine de la sculpture sont considérés comme une question d'honneur tant individuel que familial et par conséquent comme m enjeu de vie ou de mort. " (Sarah Brett-Smith)

 

DIALOGUES D'ARTISTES ET DISSIDENCES

Imaginons un sculpteur mumuye qui présente une nouvelle statuette à ses amis. Leurs réactions immédiates peuvent sûrement être comparées à celles des peintres à qui Picasso montra Les Demoiselles d'Avignon. " II est fou " - " Un jour, il va se pendre derrière. " Et puis, le premier choc passé, ce sculpteur mumuye a dû vivre une intense compétition avec les autres artistes de son ethnie, un peu comme Braque, Picasso et Juan Gris entre 1911 et 1913 ; ce qui faisait dire à Braque " qu'ils avaient l'impression de peindre dans le dos l'un de l'autre comme sur la célèbre affiche de Ripolin ". Ces sculpteurs ont certainement tenu des conversations passionnantes pour l'évolution de leur art devant cette proposition. L'artiste créateur de cette forme justifiait l'importance de la prise de position des bras dans l'espace et l'utilisation du vide ; un interlocuteur, tout en lui rétorquant que les liaisons proposées entre les masses donnaient effectivement plus de présence à " l'individu " lui demandait des détails sur les risques de casse, à vouloir ainsi obtenir des volutes dotées d'une telle tension. Le premier racontait le mal qu'il avait eu à trouver le bois convenable ; la discussion se poursuivait jusqu'au milieu de la nuit, pour savoir s'il valait mieux laisser la marque de l'outil sur la surface ou passer des heures et des heures à polir le matériau avec des feuilles abrasives. Et à la fin, intervenait un vieux sculpteur, indigné par les jeunes qui aujourd'hui ne respectaient plus rien et feraient mieux d'agir comme à son époque ou à celle de son père, c'est-à-dire voyager chez les Chamba, les Jukun ou les Wurkum pour s'instruire. Tout cela n'est qu'imagination mais nous ramène à l'essentiel : la parole, la discussion en vue défaire bouger les traditions.

La sculpture africaine est un art sans esquisses, sans études, sans dessins préparatoires. Les artistes passent directement du concept à l'exécution. De plus, la rapidité de la transmission de l'œuvre du " réalisateur " au " consommateur " est foudroyante, elle ne permet pratiquement aucun temps de réflexion. La critique est immédiate et définitive, l'œuvre est avalée, digérée, acceptée ou broyée si elle ne satisfait pas. La puissance critique des usagers a peut-être annihilé, chez, les Baoulé, toute tentative d'originalité et d'évolution.

Heureusement, il existe des artistes dissidents qui passent à travers les mailles étroites du filet de la critique traditionaliste. A l'intérieur de sociétés très structurées comme Ifè, le royaume du Bénin, les Tomba, les Luba, les Baoulé, où toute tentative de solution nouvelle peut être considérée comme un exploit, ou dans des sociétés plus souples comme celle de l'est du Nigeria, les artistes dissidents tirent profit de tout : le renouvellement d'un culte, la variation d'un mythe, l'émigration, les alliances, les conflits sociaux, les commandes par d'autres communautés, leur réputation de magiciens. Ils s'expriment dans de nouvelles formes en espérant les imposer. Et si le pouvoir de l'État est trop contraignant, il leur reste une solution : 'la fuite, l'émigration, comme celles de Tsoede et d'Ojugbelu.

Les artistes africains savent profiter du Kuo, le juste et seul moment, selon les Chinois, où le tisserand peut envoyer et passer sa navette. Ils ont démontré qu'ils emploient avec bonheur tous les matériaux à leur disposition, ils incorporent et utilisent aussi toutes les nouvelles matières apportées sur leur continent. Ils se sont infiltrés dans le tréfonds des proportions, dans les enchaînements de rythmes faits de répétitions sans redites. Ils ont créé des variations déformes tout à fait singulières. Ils se sont servis admirablement de l'ombre et de la lumière. Comme l'a dit Jean Laude, ils sont capables de "penser directement avec des formes dans les formes et [de] faire des jeux déformes comme nous faisons des jeux de mots ".

 

La sculpture africaine est avant tout matérialisation de la parole. Cette caractéristique lui confère une grande importance dans les études de terrain. Mais, dans leurs rapports avec leurs informateurs, certains ethnologues ont tendance à trop employer l'affirmation. Ils ne tiennent peut-être pas assez compte de la personnalité, de l'âge et de la position sociale de leurs interlocuteurs. Alors que l'on s'éloigne de plus en plus des sources premières d'inspirations, des questions sont posées dont les réponses sont préméditées et les cicatrices historiques sont négligées.

Que valent par exemple les informations recueillies par un homme qui interroge sur des objets uniquement manipulés par des femmes ? Je me demande parfois si quelques-uns ne partent pas avec leur divan sur le terrain, de peur de retrouver leur innocence. On a déjà pillé l'Afrique dans tous les sens du terme (déportation, esclavage, colonisation, racisme institutionnalisé), il ne faudrait pas maintenant que des ethnologues veuillent la châtrer dans leurs laboratoires.

En outre, il faudrait séparer la notion d'objets de surface appartenant comme des biens mobiliers à leurs propriétaires de celle du patrimoine archéologique. Car, en fait, si nous avons une idée assez, juste de l'inventaire des objets de surface, l'avenir de l'art africain est dans son sous-sol.

Les grands artistes sont aussi rares en Afrique que dans toutes les autres sociétés, y compris la nôtre. A l'intérieur même des " œuvres complets ", il existe des temps forts correspondant à la qualité de la question plastique posée ; peu d'artistes ont été capables d'en poser plusieurs.

Enfin, à notre époque, où le métissage culturel paraît non seulement évident mais indispensable au monde futur, où le discours courant proclame : " Pas d'hommes hors de la culture ", il faut se souvenir du cri de Fénéon en 1920 dans le Bulletin de la vie artistique ; " Quand rentreront-ils au Louvre ? " Alors que, depuis plus de dix ans, les arts noirs sont présents dans les grands musées des Beaux-Arts aux États-Unis, la France, elle, continue à les marginaliser dans des musées d'Histoire naturelle. Le Grand Louvre réorganise ses collections. Si l'on ne profite pas de cette occasion, sans tomber dans le piège actuel du post-modernisme, pour " resacraliser " l'art africain, l'art islamique et tous les " arts premiers " en leur accordant une place légitime, le Grand Louvre sera un leurre. Et l'État français en supportera la responsabilité historique.

Jacques KERCHACHE

Texte extrait de l'ouvrage : L'Art Africain par Jacques Kerchache, Jean-Louis Paudrat, Lucien Stephan,1988, aux éditions Citadelles



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" Pour le sculpteur noir, le meilleur masque, dit-on, est le plus efficace, d'où vient son efficacité, sinon de la plénitude de son style ? "
A. MALRAUX



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FORCE ET MESURE

Elaborer une esthétique de l'Afrique noire apparaît comme une entreprise hasardeuse à bien des égards. Est-il légitime d'isoler ces objets, qu'aujourd'hui nous qualifions d'œuvres d'art, du cadre général de leurs relations et de leurs contraintes culturelles ? Peut-on les soumettre à un critère qui n'a jamais existé dans la pensée de leurs créateurs ? Et peut-on, enfin, voir dans cet art - si l'on s' en tient à ce terme - un phénomène uniforme, malgré la grande variété de styles tant régionaux que locaux que nous offre cet énorme continent, à la suite de longues évolutions historiques souvent mal connues ? Enfin, n'oublions pas que cette approche exclut de vastes régions, notamment l' Afrique blanche, c' est à dire la zone méditerranéenne avec son histoire millénaire ; l'Afrique orientale et méridionale dont les peuples de pasteurs ont donné naissance à des cultures pratiquement sans images ; et enfin ces sociétés de chasseurs, qui, encore à notre époque, n'ont pas dépassé le stade d'évolution de la préhistoire et dont les peintures rupestres constituent le principal témoignage d'une production artistique qui apparaît en divers points du continent. De même, il nous faut exclure de notre contribution à une esthétique de l'art d'Afrique noire les anciennes sociétés féodales, notamment le Bénin. Notre réflexion se borne donc aux vastes régions paysannes, véritable berceau de la sculpture sur bois.

Il y a là un art traditionnel dont nous ne connaissons que des exemples relativement récents: ils ne datent que de la fin du XIXe et de la première moitié du XXe siècle. En effet, les voyageurs qui, avant cette période, ont parcouru l' Afrique n'ont généralement guère témoigné d'intérêt à ces objets, surtout du point de vue esthétique. Les quelques pièces ramenées en Europe n'ont été collectées qu'à titre de curiosités exotiques.

D'autre part, les conditions climatiques, les termites et autres insectes, sans oublier le rôle joué par les missionnaires chrétiens et certains cultes africains apparus çà et là, ont limité la durée d' existence de ces sculptures en bois. Enfin, si nous négligeons tout ce qui a été exécuté dans d'autres matériaux comme le métal, l'ivoire, les fibres végétales, l'argile et la poterie, c'est autant pour ne pas surcharger notre propos que pour rendre compte du fait que la principale forme d'art traditionnel des cultivateurs africains reste la sculpture sur bois.

Pour être contestable, la démarche qui consiste à dissocier un art du contexte socioculturel qui le détermine n' en est pas moins fondée. Le fait que les objets d'art africain représentent le plus souvent des outils rituels tant aux yeux de leurs créateurs qu'aux yeux de leurs utilisateurs a encouragé les ethnologues à les collecter et à les étudier depuis toujours comme des objets fonctionnels parmi d'autres. Les musées ethnographiques n'ont donc pas accordé à l'art une place particulière. Ce n'est que graduellement qu'un changement s'est fait sentir, longtemps après que la reconnaissance de la spécificité de cet art lui eut valu un traitement privilégié par rapport au reste du matériel ethnographique (selon un procédé souvent contesté, d'ailleurs à juste titre, par l'ethnologie). Cependant, notre besoin " vital ", que justifie l'histoire, de concevoir et d'exposer l'art " primitif " comme un fait esthétique de première grandeur a fini par l'emporter sur toutes les réticences de la science, légitimes mais néanmoins dépassées de nos jours.

N'avons-nous d'ailleurs pas agi de même à l'égard de l'art de toutes les autres civilisations ? Qui contesterait à une sculpture égyptienne, indienne, grecque antique ou médiévale, le droit d'être présentée en dehors de son contexte culturel propre, dans un environnement entièrement consacré à l'a- art ? Chacune des ces époques historiques a favorisé une création artistique qui correspondait, elle aussi, à des conditions culturelles spécifiques, voire à des finalités concrètes liées à la religion et au pouvoir.

L'objet qualifié d' œuvre d'art se trouve privé de sa raison d'être. C'est cette même attitude que nous avons adoptée vis-à-vis de l'art des époques ultérieures. Son installation dans les musées équivaut toujours à un acte d'aliénation et de falsification, dans la mesure où le but poursuivi par l'artiste à travers sa création, qu'il s'agisse d'une expérience intime ou d'une ouverture sur l'extérieur, ne peut jamais se réaliser dans les salles d'exposition des musées: là, ne règne que la " seule " valeur artistique, telle qu'elle est attribuée à l' œuvre en dehors de toute considération. S'il n' en allait pas ainsi, il nous faudrait exposer tout ce qui relève du domaine de l'histoire de l'art dans son contexte historique approprié, et ce souci d'exactitude aurait pour conséquence de transformer les musées d'art en musées d'histoire. Cela ne signifierait rien moins qu'un retour à la pensée du XIXe siècle - une tendance que se fait effectivement quelque peu sentir de nos jours.

Il y a longtemps que nous avons isolé l'art selon un processus dont on peut se demander s'il est irréversible. Cela s'est fait de façon délibérée et sans le moindre scrupule pour autant qu'il s'agisse des périodes durant lesquelles la notion d'art a d'abord pris forme pour s'affirmer ensuite, c'est-à-dire à partir de la Renaissance. On a fait preuve de plus de timidité en ce qui concerne les époques où il n'était pas encore question d'art et où tout ce que nous désignions sous ce terme était encore considéré comme une production artisanale destinée à satisfaire des buts précis. Cela s'applique tout particulièrement aux cultures dites " primitives ". Pouvons-nous nous permettre de considérer comme de l'art une partie de la production artisanale d'Afrique noire en nous référant à une notion que ces sociétés ignorent au point de ne pas avoir de nom pour la désigner ? Il est vrai que l'on a toujours signalé, dans les langues africaines, l'existence de termes pour désigner la beauté, souvent synonymes de " bien " ou de " bon " ; de même, les Africains font preuve d'un sens esthétique indiscutable. Voilà qui va de soi, bien sûr, car comment expliquer autrement l'existence d'une production indéniablement esthétique ? Les parures corporelles ou encore les coiffures, souvent fort élaborées, en sont un bon exemple, qui ne saurait cependant constituer une base de reconnaissance pour l'existence d'une production d' " art ". Il arrive assez fréquemment qu'un sculpteur jouisse d'un prestige considérable et se constitue un cercle de clientèle fort étendu, mais même dans ce cas, il ne voit lui-même dans sa production que des objets d'usage courant, peut-être parfois d'une " qualité exceptionnelle ", mais avant tout dotés de propriétés particulières, donc " particulièrement " efficaces.

Ce n'est que dans notre conception moderne - et plus tardivement d'ailleurs que cela ne s'est fait pour les grandes civilisations anciennes - que l'art de l'Afrique noire a été considéré comme tel. En lui conférant cette qualité, nous l'avons usurpé jusqu'à un certain point, sans le dénaturer cependant, dans la mesure où nous ne lui avons rien ajouté qui ne lui ait été inhérent. Tout au plus lui ôtons-nous un peu de son contenu : les croyances qui s'y attachent, et au moins sa fonction opératoire. Il est certain que nos critères d'appréciation diffèrent de ceux des créateurs. Pour les membres d'une ethnie africaine, la " qualité " d'une statue de culte est d'un ordre autre, même si leur sélection des meilleurs objets recouvre notre propre choix, comme l'ont démontré plusieurs expériences. Pour les Africains, un objet a une signification différente de celle qu'il revêt à nos yeux. Le sentiment esthétique qui se dégage d'une œuvre leur importe moins que son efficacité rituelle.

C'est ce qui ressort avec évidence du fait que l'on puisse abandonner une statue, aussi belle soit-elle, quand elle a rempli sa fonction; en la considérant désormais comme " morte ", l'utilisateur africain indique que la vie qui l'animait auparavant diffère en tout de celle qui rend cette même sculpture précieuse à nos yeux.

Nous avons donc tout naturellement pris l'habitude de dissocier l'art des peuples " primitifs " - tout comme celui d'autres cultures - du contexte qui le détermine, pour le transformer en un " art " susceptible d'être collecté et exposé, que ce soit dans les musées, les expositions ou les publications. Nous apprécions de moins en moins les collections où cette sélection n'a pas été opérée et dans lesquelles la production artistique continue à être confondue avec le reste du matériel ethnographique. Qu'il ne soit pas possible d'opérer une séparation précise entre l'un et l'autre n'a pas beaucoup d'importance. On classera plus volontiers dans le domaine de l'art des objets dans lesquels transparaît une forme anthropomorphe (ou zoomorphe), contrairement à d'autres dont la conception est aussi décorative ( esthétique ?) tout en étant pleinement conscient du fait qu'une telle différenciation, peut-être justifiée dans la pratique, n'a rien à voir avec la pensée africaine. Il s'agit moins de catégories distinctes que de champs d'expérimentation différents.
 

 La découverte de l' "art primitif" : un art de la force 

Alors qu'en ce qui concerne les civilisations anciennes la dissociation de l'art de son environnement culturel est une pratique depuis longtemps admise, sans être légitime pour autant, il a fallu une circonstance historique particulière pour qu'il en fût ainsi de l'art dit " primitif ". Cet art devait d'abord être " découvert ". Comme on le sait, cela se produisit au début de notre siècle, après bien des hésitations, et c'est principalement à une jeune génération d'artistes en France et en Allemagne qu'on le doit. Avant eux, jamais personne ne s'était réclamé de la forme et de l'expression d'une façon aussi radicale et aussi exclusive. Et c'était cela, précisément, qu'ils découvraient dans l'art des peuples
" primitifs ", une puissance formelle exceptionnelle, alliée à une force d'expression tout aussi exceptionnelle. Au moment où se manifestait dans l'art européen un nouvel élan vital qui transformait l'aspect extérieur des choses, on devait nécessairement s'intéresser à un art dont la notion de " force " constituait l'axe central.

Cependant, ce serait faire preuve de trop de légèreté que de voir dans cette " force " une caractéristique commune à tous les arts " primitifs " et il faut s'interroger sur la validité de ce point de vue. Y a-t-il quelque chose qui distingue cet art - ou plutôt l'art de l'Afrique noire, pour en rester à notre sujet - de celui de toutes les cultures " supérieures " ? Existe-t-il un critère qui s'applique à l'art de chaque région, de chaque ethnie, de chaque société en Afrique ? Cette question s'impose ici avec autant d'insistance que dans d'autres cas concernant l'histoire de l'art. Si l'on tient compte d'une part de la sédimentation historique des cultures africaines, dont l'image d'ensemble présente des différences considérables sur le plan vertical, et d'autre part de l'incroyable diversité des formes d'expression artistique que l'on rencontre dans les vastes espaces de la " sculpture nègre ", on est vite découragé d'y répondre. Il en est d'autant plus ainsi que l'ethnologie, devant les résultats de ses recherches de plus en plus poussées au cours des dernières décennies, a adopté une attitude de scepticisme à l'égard des généralisations, pour ne laisser subsister qu'une science spécialisée, vérifiée par l' enquête sur le terrain. Faut-il dès lors, devant la multiplicité des phénomènes, renoncer à formuler des généralités et des principes, au risque de ne jamais dépasser le stade de la
spéculation ? N' est-il pas légitime, et même nécessaire, dans ce cas, de dégager les principes caractéristiques d'un art, comme on l'a fait pour celui de la Renaissance européenne, pourtant individualisé à l'extrême, de Giotto au Titien, de Jan van Eyck à Dürer ? Dans ce domaine, les spécialistes n'ont jamais hésité à formuler des généralités. La question d'une identité commune de l'art africain - qui suppose aussi une esthétique commune - se pose d'une manière inéluctable et incontournable, et concerne particulièrement celui dont l'intérêt ne se limite pas à ce seul art mais embrasse celui de toutes les civilisations, depuis Altamira jusqu'à nos jours. L'identité africaine, aussi difficile soit-elle à définir, s'impose à lui avec évidence. S'il en est ainsi, s'il est vrai qu'il y a quelque chose de spécifiquement africain dans l'art de ce continent- ou encore, plus précisément, dans les statues en bois de l'Afrique noire - il doit être possible de la cerner malgré toutes les différences et les différenciations.

La diversité de cet art est grande, c'est certain. Son pluralisme stylistique ne se manifeste pas seulement d'une région ou d'une ethnie à l'autre, mais encore à l'intérieur d'un même groupe social. La large gamme de ses possibilités d'expression comprend aussi bien une stylisation presque géométrique qu'un style que l'on pourrait presque qualifier de naturaliste. Si, dans certaines régions, ces deux tendances stylistiques extrêmes peuvent parfois se chevaucher - comme par exemple dans le Soudan occidental d'un côté, et la Côte d'Ivoire et le Nigeria, relativement proches, de l'autre - elles peuvent aussi coexister de manière stupéfiante, comme on peut le voir en considérant des masques de types tout à fait opposés, comme ceux des Baoulé de Côte d'Ivoire. Il est pratiquement impossible - et on peut le regretter - d'établir une relation entre le contexte géographique et l'une ou l'autre forme artistique (il n'existe pas, par exemple, une tendance plus poussée à l'abstraction en savane, ou plus de naturalisme en forêt tropicale). Trop de faits contredisent cette classification d'une simplicité séduisante. Il suffit de considérer l'art du Soudan occidental et du Zaïre pour constater la coexistence en savane de formes d'art tout à fait opposées - ici le type " géométrique ", là une
" plasticité curviligne ".

La diversité des styles locaux ne reflète pas non plus de façon évidente et immédiate la diversité des formes d'organisation sociale. Par contre, on remarque que chaque fois que l'on considère une région qui a eu un passé féodal, celui-ci se retrouve dans l'activité artistique récente, et cela sous deux formes: soit par une tendance au naturalisme, soit par une tendance à l'abstraction géométrique. On rencontre l'une et l'autre, par exemple, chez les Yoruba du Nigeria, chez qui la résonance de l'ancien art du Bénin est évidente, ou encore chez les Kuba du centre du Zaïre, où l'existence d'un royaume puissant a également favorisé le développement d'un " art de cour ". Enfin, n'oublions pas que l'Afrique a subi de nombreuses influences extérieures, dont celle de l'islam, particulièrement orienté vers l'abstraction. Par contre les différences sociales existant au sein des tribus ou des groupes ethniques se décèlent moins dans le style que dans une certaine " qualité " sculpturale, les pièces " les meilleures " et les plus " significatives " étant détenues par les dignitaires, alors que les villageois devaient se contenter de sculptures moins élaborées. Il arrive que certains types de statues ou de masques soient associés aux différents grades de la hiérarchie de la société. Mais ces pôles stylistiques ne coïncident pas pour autant avec les positions sociales.

Formes et fonctions des formes

Une esthétique de l'art d'Afrique noire doit embrasser ces pôles extrêmes - les tendances au naturalisme et à l'abstraction géométrique - tout en montrant que cet art ne franchit ni le seuil du naturalisme, ni celui de la géométrie. Une telle esthétique doit être conçue à l'intérieur même de ces limites dont le caractère infranchissable ne peut s'expliquer qu'en vertu de la fonction assumée par l'art en Afrique. A quoi sert-il?

Répond-il à des fonctions diverses, ou plutôt à une fonction de base, seule pertinente du point de vue de l'esthétique, qui s'appliquerait à tout l'art africain ou du moins à celui qui fait figure de modèle en Afrique noire, c' est à dire la sculpture des statues et des masques en bois ? De nos jours, on taxe volontiers de romantique l'idée que cet art puisse répondre à des mobiles religieux. Bien sûr, en Afrique, un grand nombre d'outils profanes comportent une composante artistique. Mais il est vraisemblable que, parmi les nombreux objets sculptés figuratifs, il en est où l'aspect religieux a joué un rôle prédominant, du moins à l'origine. Les poupées, par exemple, sont bien plus que des jouets, puisqu' elles sont souvent un gage de fécondité et de fertilité. Beaucoup d'objets sont destinés à exprimer le prestige social et symbolisent donc le pouvoir.

Mais il est difficile d'isoler dans ce cas la notion du sacré, si l'on se rappelle notamment que toute la vie sociale est imprégnée et confortée par les cultes. Par exemple, peut-on se contenter de parler de représentation du pouvoir au sujet de ces statues féminines qui soutiennent les sièges Luba du Sud-Est du Zaïre, où l'on trouve l'empreinte des anciennes traditions aristocratiques ? Le caractère hautement sacralisé du cérémonial qui entoure l'exercice de la souveraineté révèle que ces " caryatides " représentent bien davantage que la " mise en scène " du pouvoir. Il est probable que l'idée de protection joue ici un rôle important. Mais la fonction religieuse n'a pas toujours valeur de règle systématique, surtout dans les cas où l'expression formelle de l'art est marquée par l'influence des grandes civilisations, comme pour l'ancien royaume du Bénin. Il n'en reste pas moins vrai que l'art plastique africain est essentiellement associé à des fonctions religieuses, cultuelles, rituelles et magiques qui se répercutent sur le style.

Les quelques domaines fonctionnels comme le culte des ancêtres, la croyance aux esprits, la sorcellerie et la magie n'épuisent pas l'inventaire de toutes les fonctions existantes. Si chaque objet répond à une tâche définie, celle-ci comporte cependant une zone d'imprécision, car nombre d'objets cultuels sont " multi-fonctionnels ". Parfois une effigie d'ancêtre fait figure de " fétiche ", c' est à dire d'objet d'envoûtement.

De nombreux masques assument des tâches diverses, parfois même d'ordre profane.

Les sculptures d'envoûtement peuvent aussi être protectrices ou maléfiques, apaisantes ou menaçantes, ou les deux à la fois. Mais elles répondent dans chaque cas à une nécessité bien définie. Dans le large système de protection d'ordre socio-religieux que les êtres humains opposent aux dangers qui menacent leur vie, l'art de l'Afrique noire occupe une position importante. Son rôle est de garantir la sécurité vitale par quelque action ou sous quelque forme que ce soit. Comme toute menace, y compris celles de la maladie et de la mort, ne s'explique que par l'intervention de forces surnaturelles, l'art sert en Afrique à conjurer ces dernières ou d'autres forces contraires. Si, devant la variété inépuisable des tâches qu'il assume, on négligeait cette fonction essentielle et qu'on n'en déduise pas certaines indications propres à l'expliquer, on commettrait certainement une erreur. En d'autres termes: un objet d'art, au-delà de ce qu'il représente, a toujours une fonction de conjuration.

Les communautés africaines, au sein desquelles l'activité artistique remplit son office, sont généralement peu étendues. Certes, de grands empires ont existé autrefois, mais même à leur époque, il est probable que le mode de vie de ces communautés locales n'en était guère modifié. Quand, dans la capitale du souverain, la vie de la cour donnait naissance à un art de représentation, celui-ci n'affectait pas les coutumes cultuelles locales et, par conséquent, artistiques, en raison de l'absence d'une politique de centralisation poussée comparable à celle des empires du Proche-Orient. A la base de la vie et de la production artistique, on trouvait des groupes sociaux aux dimensions restreintes, qui se côtoyaient dans l'encadrement léger d'un pouvoir central peu soucieux d'hégémonie. C'est pour cette raison, et aussi parce que l'Afrique est le continent du bois plutôt que de la pierre, qu'on n'y rencontre pas d'art monumental, à part quelques exceptions qui s'expliquent par des facteurs historiques. Parallèlement à l'art " officiel ", aux fonctions hautement représentatives, il y a eu dans les villages une production artistique, mais celle-ci échappe à notre jugement, puisqu'elle ne s'est pas conservée jusqu'à nos jours. Ainsi, à l'immobilisme monumental de l'art du Proche-Orient et de l'Egypte, s'oppose en Afrique une sculpture sur bois mobile, aux dimensions réduites, rarement plus grandes que nature, qui reflète les limites des groupes sociaux et des champs d'activité religieuse.

 Divinités et ancêtres

A la mobilité de l'art correspond la mobilité des instances religieuses. Il n'est pas question, en Afrique, de " grandes " religions déistes, à la seule exception des Yoruba du Nigeria où les conceptions religieuses " primitives " ont cependant survécu à l' ombre du système polythéiste. On trouve de nombreuses divinités, mais pas de véritables dieux appartenant à un lointain royaume céleste. Les puissances surnaturelles, toujours proches, se préoccupent sans cesse des êtres humains qu'elles entourent de leur présence tantôt menaçante, tantôt protectrice. Elles existent dans le voisinage immédiat des hommes, dans un arbre, le rocher tout proche, les eaux, dans les mânes des ancêtres et souvent aussi dans les effigies de bois que l'on sculpte pour eux. Chaque membre de l'ethnie, chaque villageois se trouve directement à la portée de ces forces, auxquelles ni les prêtres, ni les sorciers ne peuvent opposer un pouvoir sacerdotal capable d'assurer la protection de l'individu, au cas où ces forces se manifestent. Le caractère immédiat et direct des relations que l'on entretient avec celles-ci, leur quotidienneté et la constance de leur présence apparaissent d'une manière décisive dans l'art qui permet de communiquer avec elles.

En Afrique, le sens de l'art, sa finalité n'est donc pas de représenter l'univers des dieux ni de faire allusion au pouvoir des prêtres - pas plus qu'à celui des chefs temporels. Son rôle est d'assurer la sécurité de la vie de façon immédiate. Une telle exigence suppose que l'art soit efficace dans son essence même: il faut qu'il recèle une parcelle de cette force dont l'univers est imprégné. C'est pourquoi il ne suffit pas de dire qu'une statue donnée représente tel ou tel être surnaturel, comme une sculpture médiévale représente tel ou tel saint. L'efficacité ne saurait dépendre des traits distinctifs qui identifient l'être représenté, ni d'ailleurs des caractérisations générales indiquant l'autorité, la dignité ou la noblesse qu'on voit dans de nombreuses statues. Elle résulte plutôt de la présence, plus ou moins concrètement perçue, de ces forces que l'on attribue aux sculptures. Il en va de même pour les masques et pour ceux qui les portent: eux non plus ne sont pas la simple représentation de tel ou tel être; ils " sont " cet être. Au moment de la danse, ils le personnifient réellement ou, du moins, ils recueillent un peu de son essence: la vitalité qui les anime alors est différente de celle de l'homme caché sous le masque. Peu importe la fonction concrète des masques et des statues: il semble bien que le trait essentiel de la sculpture de l'Afrique noire, celui par lequel elle se distingue fondamentalement ou, si l'on veut, par définition, de l'art des cultures " supérieures ", réside dans la présence et l'efficacité réelle des êtres et des forces surnaturels. En conséquence, cet art se situe toujours dans un champ de tension compris entre représentation et " incarnation ". S'il est difficile de tracer nettement la frontière entre l'une et l'autre, il est tout aussi impossible de la franchir en privilégiant l'une au détriment de l'autre.

 Le bois vivant

Une esthétique de l'art de l'Afrique noire doit tenir compte de la " substance " non seulement en tant que facteur qui intervient dans la forme donnée aux objets (nous aurons à revenir sur ce point), mais aussi en tant que caractéristique essentielle d'un art qui touche notre sensibilité, sans que nous partagions les croyances qui s'y rattachent. Dans l'effet " purement " artistique se reflète un peu de la force magique spécifique qui incite l'Africain à sculpter les objets rituels; la " charge " magique qui leur est inhérente participe de notre perception esthétique. Outre la puissance créatrice, les sculptures africaines contiennent une force naturelle, une force vitale qui les anime en sécrétant une qualité particulière de suggestivité artistique. C'est en tout cas ce qui semble se produire quand nous nous interrogeons sur notre façon de percevoir cet art. Etant donné que nous sommes immunisés contre ces " forces " dont la réalité ne fait pas de doute aux yeux des Africains, il faut bien que cette espèce de suggestivité, qui n'existe pas dans les autres arts, puisse être appréhendée en termes rationnels. On peut alors imaginer que, sous la couche d'immunisation qui nous protège, subsiste encore une certaine réceptivité à ces forces agissantes. ainsi s'expliquerait la frayeur qu'inspirent à bon nombre d'entre nous les statues et les masques africains, comme s'il ne s'agissait pas simplement de représentations d'êtres étranges, mais au contraire de constructions
" démoniaques " animées d'une vie susceptible de se manifester à l'extérieur.

Cette suggestivité particulière peut s'expliquer, au moins en partie, par la qualité de la vitalité propre au bois en tant que matière naturelle: même si l'intervention du sculpteur ne contribue pas à la mettre en valeur, au moins n'en est-elle pas diminuée.

Le bois, avec " sa force et sa sève ", doit être considéré comme une parcelle de la nature, que l'intervention artistique n'a pas totalement réduite, et qui, en tant que telle, est pour beaucoup dans la capacité d'expression de la sculpture africaine, soit que l'on considère cette force comme un phénomène naturel, comme nous le faisons, soit qu'on y voie un phénomène d'ordre surnaturel. C'est ce qui apparaît avec évidence quand on contemple une statue de bois égyptienne de l'Ancien Empire: il peut, par exemple, s'agir de la représentation d'un être humain, exécuté dans un matériau qui est le bois. La nature du bois, à travers cette représentation, est pratiquement réduite au silence: elle ne s'exprime qu'à la surface, d'ailleurs probablement recouverte de peinture à l'origine. Il en va de même pour une œuvre en bois d'un sculpteur du Moyen Age, elle aussi d'inspiration religieuse: mais là encore, la participation du bois est réduite au minimum, dans la mesure où l'intervention artistique l'a transformée en quelque chose " d'autre ", par le drapé d'un vêtement, par exemple, ou la peinture qui la recouvrait aussi le plus souvent. Or, dans une sculpture africaine, il ne faut jamais voir dans l'effigie en bois un être humain: même sous une forme humaine, ce qu'elle représente est, en réalité, quelque chose d'un autre ordre. Ce sont des corps en bois, dont l'exécution présente une analogie avec le corps humain. En tant qu'élément végétal vivant et organique, le bois, dans la mesure où il reste inaltéré, se dresse comme un obstacle irréductible pour interdire la restitution organique du corps et devient ainsi l'un des principaux garants d'une certaine distance, qui est prise vis-à-vis de toute forme de naturalisme. Le sculpteur africain s'intéresse, lui aussi, au travail de la surface de ses œuvres, parfois au détriment du bois, qu'il polit, noircit, rougit, enduit d'huile ou de peinture. Il lui ajoute aussi des vestiges de sacrifices et tout ce qui compose cette " patine " appréciée des collectionneurs de sculptures africaines, sans oublier les nombreuses traces d'usure occasionnelle. Souvent, les célèbres masques des Dan du Liberia ou des Baoulé de Côte d'Ivoire ne sont pas seulement noircis, mais encore polis jusqu'à ce que leur surface présente l'aspect lisse et parfait du métal. Les traces du travail du sculpteur ne se décèlent que sur la face interne de l'objet, ce qui signifie qu'on ne leur attribue aucune valeur esthétique. Quel que soit le traitement de la surface, le bois joue un rôle plus important en tant que substance qu'en tant que matériau: dans la pensée africaine, la force vitale qui lui est inhérente, comme à tout élément naturel, n'existe pas seulement à l'état latent, elle est au contraire pleinement agissante. Nous ressentons, nous aussi, cette force agissante dont le concept est au centre de l'art africain: elle se manifeste ici bien plus intensément que dans un art où l'intervention artistique a dépouille le bois de sa force vitale.

Qu'on puisse souvent détecter dans de nombreuses statues la forme de l'arbre ou de la branche dont on les a tirées n'a rien d'essentiel. Ce qui l'est, c'est que la force de croissance du bois, c'est-à-dire son dynamisme que l'esthétique n'a pu soumettre, traverse les statues dans un élan vertical imposé à la fois par la structure de l' œuvre et la stature de l'homme. Il est symptomatique que notre perception esthétique aille jusqu'à inclure l'effet que produisent ces fentes verticales dans lesquelles la vitalité du bois continue parfois à se manifester, au risque de compromettre la forme de l'objet.

Nous y voyons en effet un facteur esthétique. Chaque statue peut donc avoir une signification iconographique qui occulte - même pour la conscience africaine - la notion de la vitalité propre à cet élément naturel qu'est le bois; il n'en reste pas moins vrai qu'on retrouve toujours cette combinaison de forces vives et agissantes associées au bois, résistant dans ce matériau vivant à l'intervention du sculpteur. Même pour nous, qui ne les reconnaissons pas, ces forces ne sont pas perdues: elles constituent au contraire un élément essentiel de notre émotion esthétique.

Peut-on voir un trait distinctif de l'art primitif - et surtout de l'art de l'Afrique noire- dans le fait que, dans les masques et les statues en bois, une sorte de force indéfinissable se trouve " incarnée " au sens propre du terme, et non pas dans un sens imagé, comme lorsqu'on parle d'une idée, d'un idéal, etc., incorporés à une œuvre d'art ?

Il s'agit dans ce cas de cette force qui se manifeste dans le bois de manière " conforme à sa nature ", jusqu'à le fendre, comme ces forces de croissance dont la présence explosive se traduit dans les objets par une tension qu'on ne trouve pas dans la sculpture en pierre. Pour les Africains, ces phénomènes sont d'ordre surnaturel : toutes sortes de pratiques rituelles sont donc associées à l'abattage d'un arbre et au travail du bois. A cela, on pourrait opposer que l'officiant doit souvent célébrer de longues cérémonies pour infuser vie et force à une statue, ce qui semble indiquer qu'elle n'était auparavant que matière inanimée. Pour un Occidental, cela peut apparaître contradictoire. Mais il est indiscutable que dans ces sociétés africaines, l'existence d'une force omniprésente dans la nature, notamment dans les arbres et le bois, est une notion largement admise, malgré l'imprécision de concepts comme animisme, animatisme, vitalisme et dynamisme auxquels nous devons recourir pour décrire un contenu aux contours peu définis. Les instruments de culte que nous qualifions d'objets d'art contiennent des forces efficaces et agissantes même quand ce n'est pas là leur finalité explicite. Quelques arguments s'opposent à ce que l'on considère l'incarnation d'une force ou de forces multiples (l'antithèse même de la représentation anthropomorphe) comme le principe de base de l'art africain, et cela d'autant plus que les créateurs et utilisateurs d'objets n'ont pas fini de nous fournir des informations au sujet de ces derniers. Devant la multitude des fonctions, toute généralisation trop simpliste est suspecte. Mais il est cependant évident que l'aspect de ces sculptures n'en épuise pas le contenu, même si leur capacité d'expression respective est utilisée dans des buts différents. Il y a toujours plus, et c'est ce " plus " avant tout qui garantit leur efficacité. Dans la sculpture africaine, nous ne sommes pas seulement confrontés à certains contenus iconographiques ou à leur solution formelle, mais encore à une vitalité tout à fait spécifique dont l'origine se trouve en partie dans le bois, et par conséquent dans la relation qui lie les hommes aux forces de la nature.

Si, malgré leur complicité fondamentale avec la nature, les Africains, au lieu de se contenter de simples morceaux de bois brut, choisissent de lui donner une forme, inspirée de la nature, selon les représentations anthropomorphes ou zoomorphes qu'ils se font des divers êtres surnaturels, cela signifie évidemment qu'ils se sont engagés sur la voie de la " représentation ". Néanmoins, ils attendent de leurs sculptures une efficacité spécifique dont l'origine pourrait bien se trouver dans la présence latente d'une force impossible à " représenter " . Ainsi, tout art africain comporte une dialectique où s'opposent force et représentation, incarnation et image. Il n'est jamais que l'une ou que l'autre. L'efficacité spécifique de cet art, et même la façon dont il exerce son emprise sur nous échappe à celui qui n'y voit que la représentation de quelque chose. A l'inverse, celui qui n'y voit
qu' " incarnation " sous-estime la signification de ses divers contenus religieux et mythologiques, qui donne sans doute un sens à chaque statue et à chaque type de masque individuel, mais qui, en revanche, n'est justement pas un élément constitutif de l'esthétique de l'art africain. Le principe de la "représentation" n'est constitutif que dans la mesure où tout se rapporte au corps humain ou animal.

Les limites imposées à la préoccupation créative dans cet art s'expliquent par le fait qu' il doit exprimer " autre chose ". C'est ce qui rend impossible le portrait individuel.

On connaît quelques cas de villageois qui ont pu identifier un individu, par exemple un défunt, sur la base de certaines particularités. On a aussi parfois établi une comparaison entre les masques et les visages d'individus de l'entourage du sculpteur. Ce genre de tentatives - et leurs résultats prétendument positifs - méconnaissent la nature même de l'art africain, puisqu'elles sont au fond inspirées par une tentation " naturaliste " soucieuse de retrouver une ressemblance physique, conformément à une conception artistique qui date d'une époque précédant la " découverte " de l'art qui nous intéresse. Il y a longtemps que les chercheurs spécialisés dans l'art des périodes préclassiques, c'est-à-dire l'Antiquité gréco-romaine et aussi la Renaissance, n'ont plus ce genre de préoccupations. Personne n'imagine que la célèbre image du pharaon Khephren le représente " en réalité ", ou encore que l'empereur Henri II ressemblait au " portrait " qu'on peut voir de lui dans les reliefs et les enluminures du Moyen Age. L'heure de l'individualisme - et par conséquent du portrait - n'a sonné que beaucoup plus tard, mais dans le cours de l'évolution, l'art africain " précède " celui de l'Antiquité ou de la Renaissance. Même au Bénin, plus ancien mais culturellement plus " avancé ", le portrait est inconcevable. Ces réflexions concernent également la question souvent débattue de l'individualité de l'artiste africain. De nos jours, la thèse de l'" anonymat " et de la nature collective de la production artistique africaine est généralement qualifiée de " romantique ". La recherche s'attache plutôt à découvrir l'individualité de l'artiste, selon une démarche favorisée par le fait que l'on connaisse plusieurs sculpteurs " célèbres " encore en vie ou d'autres dont le souvenir survit dans les mémoires. Bien sûr, il est de l'intérêt de la science de recueilli tous les faits, y compris les noms des artistes pour autant qu'on les retrouve. Reste à savoir la valeur de telles données. En leur conférant trop de poids, on infléchit l'art africain dans le sens d'une attente " occidentale ", ce qui est d'autant plus incompréhensible qu'en ce qui concerne les civilisations anciennes, on a abandonné tout espoir d'une possible identification de la personnalité des artistes, non seulement parce qu'on ne saurait trop comment la découvrir, mais encore parce que c'est là un problème qui n'a jamais rien eu de pertinent. Il est évident qu'en Afrique aussi, il n'y a qu'un seul auteur pour chaque œuvre d'art. Souvent, le sculpteur acquiert une réputation grâce à la qualité exceptionnelle de son travail, ou encore à cause de l'enseignement qu'il dispense à des apprentis sculpteurs. Mais il n'y a pas ici de comparaison possible avec le poids qui s'attache chez nous à la personnalité de l'artiste individuel, depuis l'Antiquité, mais surtout depuis la Renaissance. Que Jakob Burckhardt ait fait figurer le terme d' " individualisme " dans le titre du premier chapitre de son ouvrage sur la culture de la Renaissance n'est évidemment pas un effet du hasard. L'individu en tant que créateur d'objets n'engendre pas forcément l'individualisme créateur. Conserver des noms transmis par la tradition ne constitue pas un souci plus pertinent en ce qui concerne l'Afrique qu'en ce qui concerne les enluminures médiévales ou les icônes russes.

Certes, les moines qui ont créé ces œuvres existaient en tant qu'individus et leurs réalisations artistiques présentaient sûrement des différences. Mais cela n'a jamais débouché sur une controverse artistique impliquant fatalement toute la personnalité.

La projection subite de noms d'individus détachés de la masse anonyme des artistes par la pression historique, comme par exemple les signatures personnelles qu'on découvre sur les vases grecs peints de la fin de l'époque archaïque, constitue l'une des aventures les plus fascinantes de l'histoire de l'art. En attachant trop d'importance à des noms de sculpteurs africains, légués par le hasard, on ne tient pas compte de cette dynamique de l'histoire. A ce propos, on ne s'étonnera pas que le terrain où la quête d'artistes individuels s'est révélée la plus fructueuse soit le Nigeria, c'est-à-dire une région dont le passé de haute civilisation est tout à fait remarquable. Il suffit de considérer le rapport dialectique existant dans tout l'art africain entre force incarnée et représentation corporelle pour comprendre ce qui a, en pratique, empêché les régions productrices de masques et de statues de créer un art unidimensionnel sans négliger un certain nombre d'autres raisons évidentes. Quelques exceptions, comme le Nigeria, le Ghana et la Côte d'Ivoire principalement, s'expliquent par leur passé féodal. Le principe de l'incarnation trouve sa concrétisation dans le corps plastique. La surface plane, par contre, se prête avant tout à la représentation d'un contenu anecdotique. Elle s'impose en particulier à chaque fois que l'art a pour fonction principale de représenter le pouvoir. C'est l'exemple que nous offrent non seulement des cultures comme celles de l'Egypte et de l'Assyrie, mais encore celle du Bénin: dans cette dernière région, le bas-relief a joué un rôle très important en tant qu'instrument de représentation. Certes, dans le reste de l'Afrique, l'art remplit le même genre de fonctions, mais elles ne sont pas essentielles. Ce qui l'est, c'est la présence " en substance ", qu'il s'agisse des êtres représentés ou des forces agissantes: dans un cas comme dans l'autre, le corps plastique est indispensable.

On pourrait croire qu'il existe une contradiction entre l'attitude généralement statique de la sculpture africaine et son dynamisme, mais en fait, elle en est la condition.

La représentation de l'activité physique, c'est-à-dire celle d'un être en pleine action, pris soit isolément, soit en tant que participant d'une scène de la vie quotidienne, se présente si rarement qu'elle n'a qu'un caractère d'exception. Les masques aussi sont immobiles, encore qu'ils représentent souvent l'expression d'une conception plus vivante et plus fantastique que les statues: la frénésie de la danse les fait apparaître d'autant plus figés. La frontalité et la symétrie sont les composantes, généralement constantes, du caractère statique des statues africaines. Quand l'ethnologie a commencé à s'intéresser à l'art " primitif ", et qu'on a vu en elles ses caractéristiques essentielles, on a oublié le rôle déterminant que toutes deux avaient joué dans l'art des civilisations anciennes. Elles signifient presque toujours le pouvoir et l'autorité en histoire de l'art, comme dans les ethnies africaines, où elles symbolisent également l'autorité, la dignité et la noblesse. Cependant, on se réfère davantage ici aux données corporelles de l'être humain au repos qu'à une règle autoritaire comme celle qui s'imposait à l'art des anciennes cultures féodales et, bien entendu, du Bénin. En Afrique, l'attitude statique de la majorité des statues assises ou debout a pour but principal de traduire une qualité particulière de leur activité, d'un ordre tout différent de celle de corps humain. Cette force spéciale qui les anime ne saurait recourir aux forces physiques, sous peine de compromettre son efficacité. Si les statues illustraient une activité corporelle, si elles participaient à une mise en scène, leur efficacité mystérieuse diminuerait, jusqu'à s'évanouir complètement. Cependant, les décrire comme de simples réceptacles de la force spirituelle ou de principes actifs ne suffirait pas, car cela ne rendrait pas compte de leur caractère dynamique. D'une part, toute présence d'une force de quelque sorte que ce soit est fonction de la passivité physique; d'autre part, il est absolument nécessaire de l'exprimer avec efficacité. Le caractère essentiel de cet art n'est donc pas le statisme, mais plutôt l'ambivalence de deux principes opposés, le calme et l'agitation. La présence d'un être qui inquiète les hommes, ou simplement d'une force agissante, requiert l'immobilité du corps, mais celle-ci, aussi profonde soit-elle, ne doit pas avoir pour conséquence la paralysie des forces contenues dans l'objet - comme la vitalité du bois lui-même: ces forces doivent rester disponibles à l'état de réserve potentielle.

Ce qui précède aura encore d'autres conséquences que le statisme sur le mode de la représentation. Comme on recherche une forme d'expression d'une autre sorte, on ne peut utiliser les moyens d'expression naturels du corps, comme les gestes et les jeux de physionomie. De cet art pourtant expressif, toute gestuelle se trouve exclues.

Quand on trouve en Afrique la représentation d'un geste, celui-ci se fige dans une attitude qui prend valeur de symbole. C'est ce qu'illustre l'exemple de statues fétiches de la région du Bas Congo, brandissant leurs lances dans une attitude menaçante. Dans l'effort physique, on ne peut jamais remarquer le jeu des muscles dans une statue, même s'ils sont fortement accentués. Celui qui ne voit dans une sculpture que la représentation d'un être humain trouvera souvent qu'il se dégage de cette dernière une curieuse impression de faiblesse, d'abandon et d'humilité. Bien entendu, il reste toujours la ressource d'utiliser le visage humain comme champ d'expression spirituelle. Mais dans ce cas aussi, le sculpteur se réfugie dans les stéréotypes, c'est à dire qu'il se conforme à un type convenu de façon répétitive. Un jeu de physionomie animé est tout aussi inconcevable que le jeu des muscles -en mouvement. Bien des statues et surtout des masques ont une expression propre à inspirer la frayeur, mais jamais on n'attentera à l'équilibre de l' œuvre pour obtenir un tel effet. Souvent, le traitement de la physionomie contribue à renforcer l'impression de tranquillité corporelle qui se dégage de ces statues. Ainsi les yeux fermés d'un visage lui confèrent une expression d'intense introversion, fortement spiritualisée et certaines statues semblent posséder une sérénité quasi bouddhique.

Mais alors que l'agitation est transcendée dans une statue de Bouddha, elle subsiste ici à l'état de virtualité, comme un principe d'action qui n'a pas été dompté. Il importe donc de ne pas se laisser abuser par les traits asiatiques ou européens des visages de certaines statues et de certains masques, comme ceux des Pounou du Gabon et des Ibo du Nigeria oriental, ou encore des masques et des statues des Baoulé, car on n'a pas recherché cet effet. Ce qu'on a voulu, c'est rendre un certain aspect de la beauté ou encore une spiritualité particulière. Les masques, bien plus que les statues, offrent un éventail d'expression très large, allant de l'introversion à l'extraversion. Mais une telle caractérisation pourrait bien refléter avant tout notre vision " occidentale ". On peut en effet souvent rencontrer en Afrique ces deux formes d'expression opposées à l'intérieur d'une seule et même région, comme le démontre, avec un éclat particulier, l'exemple des ethnies Dan et Guéré au Liberia et en Côte d'Ivoire.

Existe-t-il une différence fondamentale entre l'esthétique des masques et celle des statues en
Afrique ? C'est ce que semblent soutenir la plupart des auteurs, qui soulignent volontiers qu'on ne saurait dissocier les masques de leurs costumes, ni de la danse et de la musique. pour leur rendre justice, il faut les considérer comme une œuvre d'art totale ( " Gesamtkunstwerk " ). En est-il véritablement ainsi ? Il est indiscutable que les masques font partie d'un ensemble, au moins pendant le déroulement de la cérémonie - en dehors de laquelle ils ne paraissent d'ailleurs pas. Mais ce sont aussi des objets en soi, qui ont été exécutés en tant que tels, et qui ont à ce titre, indépendamment de tout le reste, leur propre " esthétique ". Quand un sculpteur s'attaque à son ouvrage, que ce soit un masque ou une statue, il lui donne forme en respectant des règles préétablies. Il en sera de même, qu'il s'agisse d'un seul ou de deux sculpteurs, exécutant une seule ou les deux sortes de sculptures. Notre vision légitime des choses se greffant sur cet état de fait nous amène à dissocier de leur environnement non seulement les masques, mais encore tout ce que nous considérons comme une œuvre d'art. Dans une telle perspective, le masque est lui aussi un objet, même s'il n'est pas porté ou utilisé, et c'est sa forme, son expression, sa beauté, sa force qui lui confèrent sa valeur esthétique. Ces qualités nous apparaissent d'ailleurs avec plus d'évidence quand nous le voyons dépouillé de son costume et de tous ses accessoires. A nos yeux, les masques ne différent pas des statues, ce sont aussi des objets d'art. Cette définition, qui est en contradiction avec leur fonction, tient compte en revanche du procédé de fabrication qui leur a donné naissance. Si falsification il y a, celle-ci s'exerce au niveau de leur utilisation et non pas de leur forme plastique. En les détournant de leur utilisation normale, nous ne privons ces masques, en soi parfaitement statiques, que de l'effet de contraste qu'ils peuvent offrir quand ils sont plongés dans l'environnement dynamique d'une cérémonie. Mais nous rendons justice aussi bien à leur forme plastique qu'à leur capacité expressive dans laquelle se combine le statisme à ce qui peut lui être opposé, c'est-à-dire une agitation " investie ", comparable à celle des statues.

Que les sculptures, par le fait même qu'elles sont en bois, contiennent vie et force ne suffit pas toujours à l'Africain, encore qu'il ne réfléchisse guère à la chose: il est en effet plus qu'improbable qu'il soit même simplement conscient de cet aspect de puissance et d'efficacité dont l'importance apparaît ici prépondérante, puisqu'il ignore le concept général d'un art purement représentatif. Mais c'est consciemment qu' il s'attache à augmenter l'efficacité de ses statues par toutes sortes d'artifices. Pour cela, il utilisera les ressources offertes par l'anatomie humaine dont il accentue tel ou tel élément selon les fonctions spécifiques que lui attribuent certaines conceptions religieuses ou mythologiques: les seins, le nombril, les organes génitaux, mais naturellement aussi la tête seront surdimensionnés. Souvent on ajoute aux sculptures des
" corps étrangers " présumés efficaces, comme des dents, des cheveux, des cauris, de la verroterie, des morceaux de métal, des clous et ainsi de suite. Dans le fait d'offrir des sacrifices à une statue et de l'enduire d'huile, de suie, de la recouvrir de peinture, de l'arroser de sang et d'autres substances, il n'y a pas qu'un simple hommage rituel, et encore moins une volonté d'ornementation: il s'agit là
d'en augmenter la force.

L'exemple le plus significatif de cette accumulation de force nous est offert par les statues d'envoûtement ou " fétiches " , que l'on charge de force magique en utilisant toutes sortes de procédés. Dans ce cas, il apparaît tout à fait clairement que le potentiel naturel que contiennent les statues n'est pas entièrement absorbé par la création formelle, et qu'il participe de la puissance esthétique qui s'en dégage. Certains, estimant que les fétiches relèvent davantage de la magie que de l'art, émettent un doute quant au bien-fondé d'une démarche qui les prive de leur contexte magique. Il n'empêche qu'il est indiscutable que l'effet produit par ces statues est aussi un effet d'ordre artistique, qui doit autant à la forme qu'à l'expression.

Il se peut que cette réticence à considérer les " fétiches " comme des objets d'art s'explique souvent par le fait qu'on les trouve d'une laideur repoussante, ce qui suppose une conception restrictive de la notion de la beauté6. Il est certain que, de l'objet d'art à l'objet cultuel, la transition est insensible. On attribuera plus volontiers au domaine de la magie certains objets dans lesquels aucune volonté formelle ne se laisse déceler. Mais même si, parmi les fétiches à clous et à miroirs de la région du Bas Zaïre, grands ou petits, il s'en trouve beaucoup dont la facture paraît négligée, et même si dans ces œuvres la part de l'intervention du " medicine-man " est égale à celle du sculpteur, on ne peut contester leur grande force d'expression, qui est indissociable de la réalisation formelle : cette dernière, au contraire, y contribue largement.

S'il est vrai que la sculpture de l'Afrique noire ne recherche pas seulement un simple effet visuel mais encore une certaine efficacité réelle, reposant sur une " puissance " définie - celle-là même que possède l'élément naturel du bois travaillé - l'ensemble de l'apparence formelle doit nécessairement s'en trouver affecté. Que la représentation de l'anatomie humaine ne puisse suffire à l'épuiser constitue un élément essentiel. Cela concerne d'abord les proportions, qui en règle générale sont modifiées. c'est à ce stade que se manifeste la première intervention " artistique " dont l'importance tient au fait qu'elle révèle immédiatement que l'intervention créatrice n'a pas seulement pour objet le simple corps humain. Cette altération des proportions naturelles peut aller très loin, jusqu'à une fantastique déformation du corps humain. Il en est ainsi au Grassland du Cameroun , chez les Mumuye du Nigeria oriental et encore ailleurs, mais cela se remarque tout particulièrement en ce qui concerne les masques de nombreux groupes ethniques. D'autre part, il est de règle qu'on respecte une certaine mesure dans l'exécution des corps. On rencontre si rarement, dans la sculpture africaine, un corps aux proportions naturelles que quand cela se produit, c'est ressenti comme un phénomène " non naturel ". Il n'existe pas en fait en Afrique une nouvelle échelle de proportions " valable " ; il n'y a pas plus de canon africain qu'il n'y a dans ce cas de lois formelles orthodoxes différentes. L'échelle de proportion adoptée peut être très variable, parfois même à l'intérieur d'un seul type de statue. Mais beaucoup d'éléments se répètent avec une certaine régularité. Ainsi on constatera que les statues ont souvent, pour diverses raisons, une tête trop grande, un cou exagérément long, un torse rigide comme une colonne, un postérieur proéminent, les pieds particulièrement grands en même temps que des jambes très courtes. Mais le sculpteur fait preuve d'une telle sensibilité artistique, en ordonnant l'articulation du corps, qu'on est sans cesse subjugué par l'impression de rythme qui se dégage de son œuvre.

Ce qui " scande " et rythme une statue est toujours le fait d'une décision esthétique, dont il faut cependant chercher l'origine bien au-delà. Elle se fonde aussi sur le savoir-faire et la technique. Avec son herminette, le sculpteur pratique d'abord de fortes entailles pour déterminer les sections principales du corps humain dont il modifie cependant les proportions. Cette structure de base joue un rôle déterminant, dans une plus ou moins large mesure, jusqu'au produit fini. Un tel principe sculptural ne se rencontre pas seulement dans les régions où l'art s'exprime par une abstraction quasi géométrique ou, comme on dit parfois, " cubiste ", c'est-à-dire au Soudan occidental ou encore chez les Songyé du Zaïre. On le retrouve aussi dans des régions où le style privilégie les volumes arrondis et se rapproche beaucoup de la nature par la douceur du modelé du corps. En matière d'art, l'essentiel n'est jamais le degré de naturalisme atteint par un artiste: ce qui importe, c'est le moment choisi par lui pour s'en déclarer satisfait. Pour le sculpteur africain, il suffit que l'articulation originelle soit préservée dans ses statues, sans être masquée par une restitution fidèle de l'anatomie. Que le dégrossissage initial joue un rôle entièrement ou partiellement déterminant n'explique nullement pourquoi l'artiste l'accepte comme tel; de même, la modification des proportions ne se laisse pas expliquer par les procédures techniques de travail, même si ce sont elles qui la mettent en évidence. Si le naturalisme était ici la préoccupation majeure du sculpteur, il disposerait aussi des moyens techniques nécessaires.

La sculpture africaine permet de représenter chaque détail anatomique, mais toujours avec cette restriction insurmontable: le corps ne doit en aucun cas être abandonné à sa fonctionnalité organique. Pour qu'une force extra-corporelle puisse se manifester, il faut briser la continuité organique du corps, même sans le secours de substances spécifiques. C'est pour cette raison que chaque partie du corps est toujours plus ou moins nettement délimitée par rapport à une autre. Ce n'est pas le règne de la continuité, mais de la discontinuité. La séparation des volumes constitue une caractéristique essentielle de la sculpture africaine qui ne se différencie pas fondamentalement, en cela, de l'art des hautes cultures anciennes. Ce qui l'en distingue, c'est la persistance de la continuité organique du bois, malgré la discontinuité des parties de l'œuvre. Le dynamisme organique du bois se combine donc à cette articulation du corps qui rejette l'organique. On pourrait ajouter que la vitalité et la force de croissance du bois, dont le courant irrésistible traverse l'objet de bas en haut, ne tient pas compte de la séparation des volumes et s'oppose par là à l'action de la discontinuité. Inversement, la dynamique de la forme créée fait contrepoids à la dynamique du bois. Les formes qu'on en extrait l'une après l'autre ne compromettent pas sa vitalité.

La séparation des volumes peut être plus ou moins marquée, mais elle est toujours indiquée, ce qui en fait l'un des principes plastiques de base de l'art africain. Chaque cas permet de constater que les diverses parties du corps sont traitées comme des formes plus ou moins autonomes: la tête au menton accentué, le cou, les épaules, les bras et les avant-bras, les mains, les seins, le torse, le postérieur, les cuisses et les mollets, les pieds. Cette structure distinctive, parfois proprement " architectonique ", est encore accentuée par le surdimensionnement des parties. Certains détails, comme ceux du visage, sont aussi conçus et isolés comme des éléments autonomes, même là où le traitement de la surface est extrêmement poussé, comme cela se voit dans les ethnies de Côte d'Ivoire ou encore chez les Luba du cours supérieur du Zaïre. Ainsi les yeux se présentent comme des formes indépendantes, souvent redivisées dans une articulation très précise. Le nez revêt fréquemment une forme stéréométrique fortement proéminente, tout en se décomposant lui aussi en parties distinctes comme l'arête et les ailes. Il faut encore mentionner les coiffures souvent fort élaborées, ainsi que des marques de scarification. Tout cela se résout dans l'évidence plastique d'une construction résolument formelle, une " mise en rythme " qui a pour corollaire la stricte négation de l'unité organique du corps. Cet art, que n'anime aucune pulsion de vie, ne montre ni la relaxation ni la détente physique, ce qui nous ramène toujours à la même constatation: ici, la force est accumulée plutôt que canalisée selon le jeu des forces corporelles physiques. Devant ces statues, le spectateur n'a que rarement l'impression de contempler la représentation d'un corps humain en station verticale, avec répartition du poids entre les deux jambes dont l'une sert d'appui, conformément à l'attitude du " contraposto " de l'Antiquité classique grecque. En Afrique, le corps représenté s'efface derrière la statue en bois qui s'impose à nos yeux en tant que telle, se dressant avec d'autant plus de force qu'elle a souvent les genoux fléchis. Ce fléchissement, s'il était naturel compromettrait la stabilité de la posture. Mais il contribue le plus souvent à en renforcer l'assise, ce qui signifie que le regard l'interprète " correctement " en n'y voyant pas une représentation naturaliste. Selon la même " logique ", on a souvent observé que les bras ne pendent pas vraiment le long du tronc: en fait, ils sont plutôt " tendus vers le bas ". La même constatation s'applique dans le cas de l'ancienne Egypte, il est vrai, mais contrairement à ce qui se passe en Afrique noire, la force physique qui va du muscle du bras jusqu'au poing serré est nettement perceptible: c'est déjà une force organique, bien que non encore libérée. C'est sous ce même jour que nous apparaissent les statues des éphèbes de l'époque grecque préclassique , qui sont à l'origine de l'attitude de détente qu'on rencontre au Ve siècle, et qui a été initialement soumise aux impératifs du canon formel. Par contre, on ne voit jamais apparaître dans l'art africain le système fondamental qui a régi ce long processus, c'est-à-dire le rapport entre le fardeau et le porteur, le poids et le support, même lorsqu'il s'agit de ces caryatides qui supportent un siège. En fait, elles ne le soutiennent pas: souvent elles ne font que l'effleurer du bout des doigts, comme s'il ne pesait rien. Dans la sculpture africaine, seul existe le poids de l'objet qui se soutient lui-même.

Le principe formel de la séparation des volumes nécessite une restriction importante: le principe de l'addition des éléments essentiellement statiques se trouve relativisé d'abord par le dynamisme du bois et aussi par le traitement formel que subit ce dernier. Les différentes parties ne sont pas seulement juxtaposées dans un rapport rythmique susceptible d'être plus ou moins évalué. Dans la mesure où elles appartiennent au " morceau de bois ", elles sont soumises à une force opposée qui affecte leur articulation précise. Et c'est en tant que force opposée que se manifeste l'action spontanée de l'herminette et des autres outils, autrement dit la main de l'artiste. Le rapport de tension qui existe entre le principe métrique et le principe dynamique explique que le langage formel puisse privilégier tantôt l'un, tantôt l'autre, non seulement selon les régions mais encore de cas en cas. C'est pourquoi il est pratiquement impossible de formuler une règle stricte concernant l'art africain, bien qu'on n'ait cessé de rechercher une telle règle au milieu de la multitude et la diversité des styles. En établissant une distinction entre des concepts de base, on s'est efforcé d'établir des catégories, celle du style
" poteau " et la plasticité curvilinéaire, pour y répartir des phénomènes locaux individuels. Et c'est une référence contestable à des notions modernes qui a servi de prétexte pour utiliser des conceptions stylistiques radicalement opposées, comme le réalisme et le cubisme. De même en s'inspirant des formes caractéristiques du visage, on a opposé un style convexe à un style concave que l'on rencontre dans des régions séparées par une grande distance géographie et on s'est efforcé pour chacun d'eux de découvrir des constantes culturelles susceptibles d'avoir force de loi. Le plus souvent, on a simplement constaté l'antithèse existant entre un type stylistique dont l'un trouve son inspiration dans un modelé curvilinéaire du corps et l'autre dans l'abstraction géométrique. Cependant, l'un comme l'autre ne peut fournir qu'un cadre très approximatif à tout ce que l'Afrique produit dans le domaine artistique: le seul concept de l'abstraction géométrique concernera des formes d'art aussi contrastées que l'art des Dogon, par exemple celui des Bambara, des Mossi, des Sénoufo et d'autres peuples du Soudan occidental d'une part, et les reliquaires kota recouverts de métal du Gabon d'autre part. Notons que ces derniers sont géographiquement proches des Fang dont la statuaire est caractérisée, par contre, par des volumes arrondis. Il n'y a pas que ce " pluralisme " pour limiter l'utilité d'un concept de style en Afrique noire. En effet, en histoire de l'art, il ne s'applique pas au seul produit artistique, mais concerne en fait l'ensemble de la culture, pour laquelle il a en quelque sorte valeur de loi. Mais en Afrique les règles stylistiques n'ont pas autant d'autorité que dans les autres cultures. Les types de statues ou de masques qui se transmettent de génération en génération proposent plutôt un phénomène typologique que stylistique. Certaines caractéristiques formelles qui s'appliquent impérativement à un type déterminé ne concernent pas forcément d'autres produits. Ce n'est pas en vertu d'une volonté stylistique supérieure qu'un masque ou une statue " doit " être exécuté de telle ou telle manière, mais parce que les cérémonies rituelles ont entraîné le développement de certains types strictement définis, qui n'offrent qu'une marge limitée à l'interprétation individuelle. Ce sont eux, bien plus que les normes stylistiques, qui brident l'imagination des " artistes ".

Peut-on vraiment parler d'imagination artistique en Afrique alors qu'aucun sculpteur n'a beaucoup de liberté, sauf dans des cas extrêmement rares? Même dans le travail d'artistes africains " célèbres ", dont l'invention est reconnue, on décèle moins une manifestation d'indépendance individuelle que la dépendance à l'égard de formes et de types donnés. C'est ce qui est démontré de façon exemplaire par les cimiers de danse en forme d'antilope des Bambara du Mali, qui, tout en se conformant à des modèles de base, connaissent cependant d'innombrables variantes. Cela s'applique aussi à cet artiste Luba qui a acquis une célébrité particulière sous le nom de " maître de Buli " (il s'agit probablement de plusieurs individus), que l'on cite volontiers en exemple d'un individualisme africain qui n'existe pas, malgré ce cas exceptionnel. Le secret du très long et lent cheminement dans le temps qui a abouti au type de statues et de masques actuels risque bien de ne jamais être découvert. En tous cas, il serait faux de parler en Afrique d'innovation artistique, même si tout doit avoir eu un début et c'est une question à laquelle on ne peut pas aujourd'hui donner de réponse. L'extraordinaire capacité d'invention qui s'exprime à travers les concepts formels est d'autant plus impressionnante. On sait que dans l'art africain, Picasso admirait la conception formelle plutôt que la qualité de certains objets individuels. Il est indiscutable que, même quand le niveau de l'exécution artistique est médiocre ou sans intérêt, cette conception s'affirme avec un éclat souverain. Ce sont surtout les masques qui se distinguent par une incroyable audace conceptuelle par laquelle ils se distancient bien plus radicalement de la nature que les statues. Mais une attitude de liberté vis-à-vis de la nature ne coïncide pas avec la liberté et l'audace de l'artiste . elle ne concerne que le concept auquel il se réfère. C'est avant tout la liberté du choix de la forme, et certainement pas une liberté individuelle, puisque le concept formel est inébranlable. Celui-ci ne fournit que le cadre à l'intérieur duquel peuvent se développer des variantes individuelles, parfois d'une " qualité " exceptionnelle, ainsi que des exemples d'audace isolés.

Nous en arrivons ainsi à l'individu et par conséquent aussi au talent individuel exceptionnel. Il ne s'agit donc pas dans ce cas de simples déviations par rapport au modèle de base, mais de cette force, de cette sensibilité unique propre à une œuvre, aussi peu explicable dans le cas présent que dans d'autres formes d'art. L'étroite marge de manœuvre allouée à la décision artistique rend l'expressivité, la beauté, la noblesse, la magie de certaines sculptures d'autant plus stupéfiantes: tout ceci échappe à toute volonté de rationalisation. Cet art nous confronte à une question qui ne se pose pas seulement à propos de l'Afrique, mais aussi au sujet de l'artisanat européen des siècles passés. Par quel mystère un outil en bois, un tissu, un fer forgé, un récipient en terre cuite a-t-il pu être doté d'une telle perfection formelle, pour ainsi dire " ingénue ", qui se perd irrémédiablement plus tard ? Dans l'histoire de l'art européen, cette " ingénuité " subsiste jusqu'au moment de la " chute " provoquée par le " péché ", celui-ci étant la découverte de l'art en tant que tel c'est-à-dire aussi longtemps que subsiste un contexte culturel dans lequel l'art ne se distingue pas du travail d'artisanat. Ainsi se trouve exclue l'éventualité d'un art appliqué. Au-delà de cette césure historique, cette " innocence " persiste pour aboutir à ce que nous nommons l'art populaire. Il doit en aller de même en ce qui concerne le secret de la beauté des statues, des masques et autres objets africains. Tout se passe comme si le sculpteur disposait d'un sens de la forme hérité de la nature, qu'il aurait perfectionné à force de travail et d'expérience et qui se manifesterait aussi bien dans la conception d'ensemble de l'objet, que dans l'exécution des détails. En règle générale, le sens de la forme se manifeste en Afrique noire avec une extrême mesure, l'art africain n'est presque jamais excessif. Comme il se caractérise essentiellement par un équilibre réussi entre le calme et l'agitation, l'activité et l'inactivité, le principe métrique et le principe dynamique, il est normal qu'il débouche sur l'austérité, la sévérité, une grande retenue. A son propos, on évoquera plus souvent la noblesse intérieure qu'une quelconque sauvagerie ou impétuosité " barbare ". Même ce qui doit paraître effroyable (ce qui est souvent une fonction des masques) n'est rendu qu'en respectant strictement la mesure formelle, dans laquelle la symétrie (d'ailleurs rarement négligée dans les masques), joue un rôle essentiel. La mesure est toujours présente, la démesure rarement. C'est par ce caractère métrique nettement marqué que la plastique africaine se distingue considérablement de la plastique océanienne, en tous cas de la mélanésienne, elle aussi fondée sur la prédominance de la " puissance " sur la représentation. L'art africain associe le principe " vitaliste " ou dynamisant à la métrique formelle. Et ce dualisme, où s'équilibrent force et mesure, pourrait bien être la raison essentielle de la forte impression éprouvée par les artistes européens confrontés à la sculpture africaine, vers 1905.

Werner Schmalenbach


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Georges Braque

Georges Braque, né à Argenteuil (Seine-et-Oise, actuellement Val-d'Oise) le 13 mai 1882 et mort à Paris le 31 août 1963, était un peintre et sculpteur français. Il fut, avec Pablo Picasso, l'un des initiateurs du cubisme.
 
 Biographie
Georges Braque : « Je fuis mon semblable, dans tout semblable il y a un sosie. »

Georges Braque grandit au sein d’une famille d’artisans. Il passe sa jeunesse au Havre et étudie à l'École des Beaux-Arts de 1897 à 1899 dirigé par Charles Lhuillier. Il y fait la connaissance d'Othon Friesz. Sa première formation comme peintre décorateur, il la doit à son père, Charles Braque, entrepreneur-peintre en bâtiment.

À Paris, il suit les cours d'un maître décorateur et obtient son certificat d'artisanat en 1901. L'année suivante, il entre à l'académie Humbert qu'il fréquente jusqu'en 1904. C'est là qu'il rencontre Marie Laurencin et Francis Picabia.


 Du fauvisme au cubisme
Il peint ses premières œuvres sous l'influence de l'impressionnisme jusqu'à ce qu'il découvre au Salon d’Automne de 1905 les toiles d'Henri Matisse et d'André Derain. Puis débute une collaboration artistique avec Othon Friesz avec qui il fait un séjour à Anvers, puis l'année suivante à L'Estaque (Bouches-du-Rhône) d'où il rapporte des tableaux fauves aux couleurs pures et aux compositions géométriques. ( « Souvenirs d'Anvers » ). Ses tableaux sont exposés en mars 1906 au Salon des indépendants.

En 1907, il est marqué par l'exposition de tableaux de Paul Cézanne au Salon d’Automne. Il commence à élaborer un nouveau système de représentation en se basant sur la simplification et la géométrisation des formes et la mise à plat de la perspective. Puis il rencontre Pablo Picasso qui peint alors « Les Demoiselles d'Avignon ». C’est pour lui une révélation. En accord avec ces deux influences et son intérêt pour l’art primitif, son orientation picturale est complètement bouleversée. Alors il peint, de décembre 1907 à juin 1908, « Le Grand nu » dans lequel il représente les volumes par de larges hachures cernées de noir.


 La période cubiste
Lors de l’exposition de ses toiles à la galerie Kahnweiler, le critique Louis Vauxcelles compare sa peinture à un amoncellement de petits cubes. Le mot est dit, de 1909 à 1912, Braque et Picasso élaborent les théories du cubisme. L'artiste ne va plus chercher à copier la nature mais à la décomposer en masses pour la recomposer.Il représentera le modèle selon plusieurs points de vue, mais en une seule image fixe (comme si le peintre tournait autour du modèle pour en peindre l’intégralité). Ainsi aura lieu une multiplication des facettes. Les formes seront alors géométrisées et simplifiées ainsi que les couleurs qui seront majoritairement des camaïeu de gris et de bruns. Il s’agit d’une peinture toujours figurative mais complexe. Parallèlement, Georges Braque poursuit sa peinture de paysages influencée par Cézanne, paysages qu'il finit par abandonner pour les natures mortes pour lesquelles il est très connu (Guitare et Compotier en 1909).Il a aussi peint quelques figures comme Torse de femme en 1911.

En 1911, il s’aperçoit que sa peinture s’éloigne trop du modèle . Sa peinture tend vers l’abstraction et cela lui déplaît. Pour renouer avec le réel, il innove avec l’introduction directe dans sa peinture d'objets du réel. Dans Le Portugais, il ajoute des lettres et des chiffres peints au pochoir. Se souvenant de sa formation d'artiste décorateur il fera des imitations de matière notamment dans Femme à la guitare en 1913. Georges Braque introduit également dans sa peinture des collages, que ce soit de papiers peints, de journaux, d’affiches. Cette technique est appelée papiers collés. Il est maintenant plutôt question d’aplats de papier dans un plan frontal que d’amoncellement de volumes, c'est la phase synthétique du Cubisme.

 


Egalement, il realisera une serie de trois toiles "les oiseaux" suite a la commande du louvre.Elles sont visibles sur le plafond de la salle Henri 2.


 Retour vers la réalité
La Première Guerre mondiale interrompt l'étroite collaboration avec Picasso.

Braque est mobilisé et doit participer au grand carnage. Envoyé au front il est gravement blessé à la tête en 1915 et doit être trépané. Il ne pourra recommencer à peindre qu'en 1917. Son style et ses recherches évolueront dès lors plus individuellement mais il restera toujours préoccupé par la représentation du sujet comme le prouvent ses très nombreuses études d'ateliers, de guéridons ou de natures mortes. Il attachera une très grande importance à la matière de ses couleurs, aux libertés des formes et au rythme de ses figures. Il poursuit son œuvre dans la même perspective du cubisme,en le faisant évoluer vers des formes moins anguleuses et des tons plus colorées,un peu plus proches de la réalité.Il peindra, de manière plus traditionnelle, dès 1918, des séries de guéridons et de cheminées de 1922 à 1927. Il fait une sorte de "retour à l'ordre" en peignant des Canéphores évoquant les porteuses d'offrandes de l'Antiquité grecque. Braque travaille avec des verts, des bruns et des noirs jusqu'en 1928 où les couleurs réapparaissent et la matière devient plus fluide. Vers 1930, il exécute plusieurs séries : baigneuses, plages, falaises. Puis jusqu’en 1938, il peint des natures mortes décoratives comme la Nappe rose (1933) et la Nappe Jaune (1935).


 Approfondissement
La guerre est pour Georges Braque synonyme d'austérité et d'accablement. Il se tourne encore plus vers les objets de la quotidienneté de cette période d'occupation, le verre de vin ou le morceau de pain, les poissons. En 1942 sa production devient encore plus féconde, il achève le poële, plusieurs guéridons et des compositions réintroduisant la figure humaine la patienceou décorative [Intérieur à la palette]. En 1945, atteint d’une grave maladie, il doit s’arrêter de peindre pendant plusieurs mois. De 1949 à 1956, il compose « les Ateliers », huit toiles aux tons légèrement funèbres (aux couleurs éteintes). Ce sont les fruits des recherches, souvenirs et évolutions du peintre. Ces œuvres sont le couronnement de nombreuses années de travail inconditionnel. Déjà apparaît dans ces travaux, le thème de l'oiseau à la forme très schématisée. L'essor de son vol, de sa liberté, de ses jeux avec la pesanteur et l'espace, de ses migrations semblant sans limites, en ont fait un symbole de rêve, de paix et d'évasion. Pour lui, il s'agit aussi d'un message adressé à son ami Laurens, décédé. La peinture reste pour Braque cet espace d'absolu et il continuera ses recherches loin des modes et des salons parisiens.
Il réalise également de nombreux travaux de décoration comme la sculpture de la porte du tabernacle de l'église d'Assy en 1948 ou, de 1952 à 1953, la décoration du plafond de la salle étrusque du musée du Louvre, sur le thème de l'oiseau. Il devient ainsi le premier peintre exposé au Louvre de son vivant. On lui doit aussi la création des cinq vitraux de la chapelle de Varengeville-sur-Mer en 1956.

Par ses qualités humaines, la sagesse de son caractère et sa personnalité très attachante, il sera un des peintres les plus marquants pour les nouvelles générations (en particulier pour Nicolas de Stael). Reconnu internationalement comme l'un des peintres majeurs du XXe siècle, il meurt le 31 aout 1963 à Paris. Il est enterré au cimetière marin de Varengeville-sur-Mer.


 Quelques œuvres
« Le Port de La Ciotat », 1907, huile sur toile, 64,8 x 81 cm, National Gallery of Art, Washington
« Le Grand nu », 1907.
« L'Estaque », 1908, huile sur toile, 60,3 x 50,2 cm, MoMA, New York.
«  Le Portugais », 1911, huile sur toile, 116,5 x 81,5 cm, Kunstmuseum, Bâle.
« Coupe à fruits et verre », 1912, fusain et papiers collés, 62 x 44,5 cm, collection particulière.
« La Guitare : Statue d’épouvante », novembre 1913.
« Le Guéridon »
«L'oiseau sans nid»

 Bibliographie
Marcel Brion, Braque, Somogy, 1963
Philippe Colignon, Le Trésor des bijoux de Braque créés par Heger de Löwenfeld, Art International Publishers/Circe, 1995, 113 p.
Métamorphoses de Braque, de Raphaël de Cuttoli et Baron Heger de Loewenfeld - Editions France Art Center - Paris 1989
Georges Braque et le paysage de L'Estaque à Varengeville 1906-1963, catalogue de l'exposition au Musée Cantini à Marseille, Hazan, 2006, avec des textes de Claude Esteban, Claude Frontisi, Théodore Reff et Véronique Serrano.

 Principales expositions
« Les Métamorphoses de Braque », Mairie de Saint-Nom-La-Bretèche, du 13 janvier au 4 février 2007.
« Georges Braque et le paysage de L'Estaque à Varengeville 1906-1963 », musée Cantini de Marseille, 2006.
« Braque, la poétique de l'objet », Centre des Rencontres Économiques et Culturelles de Dinan, 2006.
« Braque Friesz », musée de Lodève, 2005



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Paul Klee, (prononcer "Klé"), est né le 18 décembre 1879 à Münchenbuchsee, près de Berne en Suisse et mort le 29 juin 1940. C'est un peintre suisse.

 

 Biographie

 Années de formation
Il grandit dans une famille de musiciens : sa mère, Ida, est chanteuse professionnelle, et son père, citoyen allemand, est professeur de musique dans la capitale helvétique. C'est de lui que Klee hérite son amour pour la musique. Lui-même excelle très tôt dans l'apprentissage du violon. À l'automne 1898, ayant terminé ses "examens de maturité" (baccalauréat) pour devenir avocat, il commence ses études de peinture à Munich, d'abord dans l'atelier particulier de Knirr, puis à l'Académie, sous la direction de Franz von Stuck. En 1899, il rencontre sa future femme, Lily Stumpf (*1876-†1946), une pianiste. En 1900, il s'inscrit à l'académie des beaux-arts de Munich où il cotoie Vassily Kandinsky. Il passe l'hiver 1901-1902 en Italie et visite Rome, Naples, Florence. Il se laisse prendre par le charme de l'architecture de la Renaissance, de Michel-Ange et des premiers maîtres du Quattrocento. Quelques voyages occasionnels le conduisent à Munich, où il découvre en 1904, Aubrey Beardsley, William Blake, Francisco Goya, James Ensor, puis à Paris en 1905. Il retourne à Munich à la fin de 1906 pour y épouser Lily Stumpf avec qui il aura un seul fils, Félix, né en 1907 et mort en 1990.


 Premières œuvres
À l'exposition de Munich, il fait la connaissance des oeuvres de Vincent van Gogh et de Paul Cézanne. Il y expose ses premières eaux-fortes. Pendant l'hiver 1911, il se rapproche du groupe des peintres du Der Blaue Reiter (Le Cavalier bleu), il y retrouve Kandinsky et se lie d'amitié avec Franz Marc, August Macke et Alexej von Jawlensky. Il participe à plusieurs expositions de ce groupe. En avril 1912, il rencontre Robert Delaunay, dans son atelier parisien et découvre les œuvres de Henri Rousseau, Picasso et Georges Braque. Il achève des illustrations pour le « Candide » de Voltaire.
Il continue à s'investir dans la pensée et la pratique musicales (chant, violon). Ses écrits couvrent de multiples domaines : introspection et poésie jusqu'à la Première Guerre mondiale ; théorie et didactique durant les années du Bauhaus.

Après un bref voyage en 1914 en Tunisie, Klee choisit de devenir peintre.

Il se définit comme un « peintre-poète ».

Son catalogue compte plus de neuf mille titres. Sa réflexion sur l'art évoque, par son ampleur, celle de Léonard de Vinci. Ainsi, Klee reste l'une des personnalités déterminantes du XXe siècle; référence irrécusable de la pensée esthétique actuelle. Les titres de ses tableaux témoignent de cette amplitude poétique: Carillon de la lune d'argent, Doux paysages des tropiques, Paillasse en tranches, Exercice en bleu et orange, Croissance des plantes nocturnes. Toujours la réalité visible est dépassée. Sa peinture rejoint aussi la musique. Des signes et écritures marquant ainsi son goût pour l'Orient.

L'écriture intervient constamment dans ses tableaux. En 1914, Klee séjourne en Tunisie avec August Macke et Louis Moilliet. Ce voyage témoigne de recherches identiques à celles de Delaunay. La démarche décorative, longtemps limitée aux expressions mineures dans la culture occidentale, se confond dans le monde islamique avec l'art tout entier. C'est bien cette harmonie que recherche la peinture de Klee, de Macke et de Delaunay. Le « motif » disparaît au profit d'une perception synthétique, ici plus abstraite encore. Préparant la structure en carrés de son œuvre future, Klee « s'attaque », selon ses propres termes, « à la synthèse architecture urbaine-architecture du tableau ». À Kairouan, il note dans son Journal : « La couleur me possède […] Je suis peintre. » (Journal 9 260) Voilà que s'élabore ce que pressentait Macke dans l'Almanach du Blaue Reiter (1911) : la fusion de l'Europe et de l'Orient, dans ce « troisième style » qui caractérise en effet bien des œuvres de la modernité. Natif de Constantine, cette ville qu'il dit « vieille comme Jugurtha, construite avec des rochers, des ravins, des nids d'aigle et des cactus ».

L'orientalisme semble ainsi, plus qu'une fantaisie, une véritable « obsession », selon le mot de l'historien d'art J. Sweetman. Elle est entretenue par le voyage au Moyen-Orient ou en Afrique du Nord, vite devenu parcours initiatique, à l'image du séjour romain pour les générations précédentes. Klee a en effet effectué en 1929 un séjour en Égypte qui marque certaines de ses toiles comme Route principale et routes secondaires.

Durant la Première Guerre mondiale, il est engagé en 1916 le jour même du décès de son ami Franz Marc. Sous l'influence de son père, il restera loin du front, ce qui lui permit de poursuivre son œuvre. Démobilisé en 1919, il retourne à Munich. Mais entre-temps, il a acquis la célébrité. Trois petites monographies paraissent sur lui.


 Le Bauhaus
En octobre1920, l'architecte allemand Walter Gropius l'appelle au Staatliches Bauhaus, sorte d'institut des arts et des métiers fondé par ce dernier en avril 1919 à Weimar.

De 1921 à 1924, Klee y enseigne dans la branche de la peinture sur verre, puis du tissage. Plus tard, il se verra confier personnellement un cours de peinture. En collaboration avec Kandinsky, il donne des leçons régulières sur la forme et expose la première théorie systématique des moyens picturaux purs, qui conduit à une clarification exceptionnelle des possibilités suggestives contenues dans les procédés abstraits. Les notes de ses cours sont consignées et seront publiées sous le titre Contributions à la théorie de la forme picturale. En 1924, il donne une conférence à la Société des beaux-arts d'Iéna dont le texte est transcrit dans sa Théorie de l'art moderne, publié à titre posthume en 1945. Cependant le Bauhaus est soumis à d'intenses critiques, concernant en particulier sa non-rentabilité et il est dissous officiellement le 26 décembre 1924 avec fin de contrats des enseignants en avril 1925. L'école est alors reprise à Dessau-Roßlau où Klee s'installe dans le même pavillon que Kandinsky. Sa carrière d'enseignant commence à souffrir cependant d'un certain absentéisme, sa production artistique intense captant toute son énergie. Après le départ de Gropius de l'école, cette dernière prend une orientation vers l'architecture et l'urbanisme, les peintres étant relégués au second plan, ce que ne manque pas de critiquer Klee, qui démissionne de son poste au 1er avril 1931.

Cependant, sur le plan lexical, la terminologie commune (composition, ton, gamme, harmonie, rythme, accord, fugue, etc.) fournit à Klee nombre de titres dont fugues en rouge. Dans ce contexte, Klee imagine une peinture polyphonique qui « surpasse la musique dans la mesure où le temporel y est davantage spatial » (Journal 1081). Des œuvres « divisionnistes » - l'une s'intitule singularité des plantes - transposent le mode sonore au visuel : des aplats colorés recouverts par la modulation de touches séparées constituent des études de contrepoint mélodique et rythmique.


 Dernières années
En 1931, Klee est appelé à l'Académie de Düsseldorf, où il peut se consacrer avec plus d'indépendance à son propre travail. Mais avec l'avènement du nazisme, en 1933, l'artiste, qui se place pourtant en dehors de toute politique, est accusé de « bolchevisme culturel », et destitué. Il retourne alors, en qualité d'émigrant, dans sa ville natale de Berne. Et c'est là que commence la dernière phase de son art. Le format de ses œuvres s'amplifie, une extrême simplicité le pousse à éliminer tout ce qui est superflu, la légère texture linéaire se renforce de grands signes.

Il peut être instructif d'étudier les œuvres des peintres en se souvenant des indications de Klee, et d'y chercher la multiplicité des chemins ménagés dans l'œuvre. Les théories de Klee ont eu un intérêt considérable, non seulement pour les artistes, mais aussi pour le spectateur et l'historien lui-même. En posant de façon nouvelle le rapport des moyens techniques et du sens, elles montrent que le point, la ligne, la touche, les tons, la composition sont les véritables signes du peintre.

Vers la fin de sa vie, il revient aux images inspirées par le langage des malades mentaux, aux monstres, aux anges, à l'obsession de la mort (Voyage sombre en hiver, 1940) et du passage, thématique essentielle de ce poète-peintre visionnaire. En 1935, Klee commence à ressentir les premiers effets d'une affection maligne de la peau, la sclérodermie. Il en meurt le 29 juin 1940 à l'hôpital de Locarno, Suisse, sans jamais avoir eu la nationalité suisse qu'il avait tant désirée. Ironie du sort, ce n'est que le lendemain que la ville de Berne la lui décernera; soixante-cinq ans plus tard, sera érigé en cette même ville le superbe musée consacré à l'œuvre de l'artiste, réunissant la plus grande collection au monde de ses productions, le Zentrum Paul Klee.

Paul Klee laisse un immense héritage. Il a su exprimer que le tableau doit être une chose organique en lui-même, comme sont organiques les plantes et les animaux, tout ce qui vit au monde et dans le monde. C'est là l'affirmation la plus importante de l'œuvre de Paul Klee qui annonce par là les peintres de la peinture inobjective . Il devance les surréalistes par ses visions, son goût du rêve, son abandon à l'irrationnel, et les abstraits par ses fonds musicaux qui ne sont que taches de couleur et suggestion de mélodie.


 Œuvres écrites
Théorie de l'art moderne
Cours du Bauhaus : contributions à la théorie de la forme picturale
Correspondances, traduction française en 5 volumes.
Journal : il jalonne sa vie jusqu'en 1917, on y retrouve des souvenirs d'enfance, les premiers amours mais aussi une réflexion sur la peinture et la musique
Confession créatrice et Poèmes, traduits en français par Armel Guerne, dans Aquarelles et dessins, Delpire, 1959.



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Claude Lévi-Strauss, né le 28 novembre 1908 à Bruxelles, est un anthropologue, ethnologue et philosophe français. Professeur honoraire au Collège de France, dont il a occupé la chaire d'anthropologie sociale de 1959 à 1982, et membre de l'Académie française, dont il est devenu le premier centenaire, il compte parmi les premiers théoriciens de la pensée structuraliste.

Depuis ses premiers travaux sur les Indiens du Brésil, qu'il a étudiés sur le terrain entre 1935 et 1939, et la publication de sa thèse Les Structures élémentaires de la parenté en 1949, il a produit une œuvre scientifique dont les apports ont été reconnus au plan international. Il a ainsi consacré une tétralogie, les Mythologiques, à l'étude des mythes. Mais il a également publié des ouvrages qui sortent du strict cadre des études académiques, dont le plus célèbre, Tristes Tropiques, publié en 1955, l'a fait connaître et apprécier d'un vaste cercle de lecteurs.

 Biographie

 Enfance et formation
Claude Lévi-Strauss, issu d'une famille juive d'origine alsacienne, est né à Bruxelles de parents français. Son père était un peintre portraitiste, qui fut ruiné par l'arrivée de la photographie et son grand-père maternel était le rabbin de la synagogue de Versailles. Il fait ses études secondaires à Paris aux lycées Janson-de-Sailly et Condorcet ; puis des études supérieures à la faculté de droit de Paris (licence) et à la Sorbonne (troisième à l'agrégation de philosophie en 1931, doctorat ès lettres en 1948). Il est pendant cette période engagé à gauche.


 Missions ethnographiques et premières fonctions académiques
Après deux ans d'enseignement de la philosophie au lycée Victor-Duruy de Mont-de-Marsan et au lycée de Laon, le directeur de l'École normale supérieure, Célestin Bouglé, lui téléphone pour lui proposer de devenir membre de la mission universitaire au Brésil, en tant que professeur de sociologie à l'université de São Paulo, où il enseigne de 1935 à 1938. C'est ce coup de téléphone qui a décidé de la vocation ethnographique de Lévi-Strauss, expliquera ce dernier dans Tristes Tropiques. De 1935 à 1939, il organise et dirige plusieurs missions ethnographiques dans le Mato Grosso et en Amazonie. « L'ethnologie jette un pont entre psychanalyse et marxisme d'un côté, géologie de l'autre. Lévi-Strauss a trouvé la science dans laquelle se marient toutes ses passions antérieures » écrit son biographe Denis Bertholet.

En 1938, il traverse l'État du Mato Grosso. Il part de Cuiabá, une ancienne ville pionnière de chercheurs d'or, à bord de sa Ford 34. À partir de Diamantino, il suit avec des chars à boeufs une ligne télégraphique qui traverse le cerrado, une brousse à la végétation très dense. Il rencontre les Nambikwara dont il rapporte une documentation fournie et 200 photos, puis les indiens Mundé et Tupi Kawahib dans l'État du Rondônia. Toutes ces missions auprès de populations indiennes lui permettent de réunir les premiers matériaux qui seront à la base de sa thèse sur Les Structures élémentaires de la parenté, soutenue en 1949.

De retour en France à la veille de la guerre, il est mobilisé en 1939-1940 sur la ligne Maginot comme agent de liaison, puis affecté au lycée de Montpellier, après sa révocation en raison des lois raciales. Il quitte la France en 1941 pour se réfugier à New York, alors haut lieu de bouillonnement culturel, où il enseigne à la New School for Social Research[8]. La rencontre avec Roman Jakobson, dont il suit les cours, est décisive sur un plan intellectuel. La linguistique structurale lui apporte les éléments théoriques qui lui faisaient jusqu'à présent défaut pour mener à bien son travail d'ethnologue sur les systèmes de parenté. Il est engagé volontaire dans les Forces françaises libres et affecté à la mission scientifique française aux États-Unis. Il fonde avec Henri Focillon, Jacques Maritain, Jean Perrin et d'autres l'École Libre des Hautes Etudes de New York en février 1942.


 L'apogée scientifique
 
Fronton du Collège de FranceRappelé en France, en 1944, par le ministère des Affaires étrangères, il retourne aux États-Unis en 1945 pour y occuper les fonctions de conseiller culturel auprès de l'ambassade de France. Il démissionne en 1948 pour se consacrer à son travail scientifique. En 1949, il publie sa thèse Les Structures élémentaires de la parenté. Cette même année, il devient sous-directeur du musée de l'Homme, puis directeur d'études à l'École pratique des hautes études, chaire des religions comparées des peuples sans écriture.

Il publie en 1955 ce qui reste son livre le plus célèbre, Tristes Tropiques, livre qui, à mi-chemin de l'autobiographie, de la méditation philosophique et du témoignage ethnographique, connait un énorme succès public et critique : de Raymond Aron à Maurice Blanchot, de Georges Bataille à Michel Leiris, de nombreux intellectuels applaudissent à la publication de cet ouvrage qui sort des sentiers battus de l'ethnologie.

En 1959, après deux échecs, il est élu professeur au Collège de France, chaire d'anthropologie sociale, qu'il quitte à sa mise à la retraite en 1982 (il pèse de tout son poids pour que Françoise Héritier, sa collaboratrice de longue date, lui succède). Parmi les mandarins de l'Université, seul Georges Gurvitch ne voit pas d'un bon œil cette élection de Lévi-Strauss mais, explique Denis Bertholet, « Lévi-Strauss n'a plus aucune raison de s'expliquer avec son concurrent ». À l'été 1960 est mise en place la structure d'un laboratoire d'anthropologie sociale qui relève à la fois du Collège de France et de l'École pratique des hautes études. Il obtient de Fernand Braudel que le seul exemplaire européen des Human Relations Area Files produit par l'Université Yale soit confié au nouveau laboratoire ce qui fait de cette nouvelle structure « avant même d'avoir lancé recherches et missions [...] un centre de référence en matière ethnographique ».

Il fonde en 1961 avec Émile Benveniste et Pierre Gourou la revue L'Homme qui s'ouvre aux multiples courants de l'ethnologie et de l'anthropologie, et cherche à favoriser l'approche interdisciplinaire.

Du début des années 1960 au début des années 1970, il se consacre à l'étude des mythes. Ces études – les Mythologiques – donnent lieu à la publication de plusieurs volumes dont le premier, Le Cru et le Cuit, paraît en 1964. C'est à cette époque que le milieu intellectuel, dont Les Temps Modernes, commence à faire entendre des critiques sur la pensée de Lévi-Strauss. Mais c'est également, à partir de 1970, l'époque où son œuvre commence à être étudiée pour elle-même avec la publication de Claude Lévi-Strauss. The Anthropologist as a Hero par les presses du MIT et du livre que lui a consacré l'anthropologue britannique Edmund Leach. Il donne de nombreux entretiens à la presse grâce auxquels, selon Denis Bertholet, il peut présenter « sous une forme vulgarisée les idées qui lui tiennent à cœur » et à ce titre, « dans les années 1960, avant que l'écologie ne devienne une idéologie et un parti [...] Lévi-Strauss, par ses vues distantes et sévères, lui a sans doute donné, hors de tout effet de pathos, sa formulation la plus radicale ».

Il est élu en mai 1973 à l'Académie française. Comme le veut la tradition, il fait l'éloge de son prédécesseur, Henry de Montherlant, et Roger Caillois prononçant – à la demande de Lévi-Strauss – le discours de « réponse » en profite pour lancer « une série de flèches empoisonnées » sur sa méthode et ses présupposés scientifiques. Son entrée à l'Académie française suscite autant d'interrogations au sein de la Coupole que parmi ses amis et collaborateurs.


 Fin de vie
À partir de 1994, Claude Lévi-Strauss publie moins. Il continue toutefois à donner régulièrement des comptes rendus de lecture pour L'Homme. En 1998, à l'occasion de son quatre-vingt-dixième anniversaire, la revue Critique lui dédie un numéro spécial dirigé par Marc Augé, et une réception a lieu au Collège de France. Lévi-Strauss évoque sans détour la vieillesse et déclare notamment : « [il y a] aujourd'hui pour moi un moi réel, qui n'est plus que le quart ou la moitié d'un homme, et un moi virtuel qui conserve encore une vive idée du tout. Le moi virtuel dresse un projet de livre, commence à en organiser les chapitres, et dit au moi réel : "C'est à toi de continuer." Et le moi réel, qui ne peut plus, dit au moi virtuel : "C'est ton affaire. C'est toi seul qui vois la totalité." Ma vie se déroule à présent dans ce dialogue très étrange. »

Il donne pour un numéro de L'Homme d'avril-septembre 2002 consacré à « La question de parenté » une postface dans laquelle il se félicite de constater que les lois et règles de fonctionnement qu'il a mises au jour « restent au cœur des travaux contemporains » selon l'expression de Denis Bertholet.

Au début de l'année 2005, lors d'une de ses dernières apparitions à la télévision française il déclare, reprenant en des termes très proches un sentiment qu'il avait déjà exprimé en 1972 (entretien avec Jean José Marchand) et en 1984 (entretien avec Bernard Pivot) : « Ce que je constate : ce sont les ravages actuels ; c'est la disparition effrayante des espèces vivantes, qu'elles soient végétales ou animales ; et le fait que du fait même de sa densité actuelle, l'espèce humaine vit sous une sorte de régime d'empoisonnement interne —-si je puis dire—- et je pense au présent et au monde dans lequel je suis en train de finir mon existence. Ce n'est pas un monde que j'aime ».

En mai 2008, une partie de son œuvre est publiée dans la Bibliothèque de la Pléiade.

Le 28 novembre 2008, à l'occasion de son centenaire, de nombreuses manifestations sont organisées. Le Musée du quai Branly lui dédie une journée au cours de laquelle, devant une affluence record, des écrivains, des scientifiques et des artistes lisent un choix de ses textes. L'Académie française l'honore également, le 27 novembre, en fêtant le premier académicien centenaire de son histoire. La BNF organise une journée au cours de laquelle les visiteurs découvrent les manuscrits, les carnets de voyages, les croquis, les notes, et même la machine à écrire, de l'anthropologue.

Le Président de la République, Nicolas Sarkozy, se rend au domicile parisien de Lévi-Strauss en compagnie d'Hélène Carrère d'Encausse pour s'entretenir avec lui de « l'avenir de nos sociétés ».

La ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Valérie Pécresse, annonce pour son centenaire la création d’un Prix Claude Lévi-Strauss, d’un montant de 100 000 euros, qui viendra récompenser à partir de juin 2009, et chaque année, le « meilleur chercheur » dans les disciplines telles que l’histoire, l’anthropologie, les sciences sociales ou l'archéologie.


 Travaux

 Introduction
Claude Lévi-Strauss a appliqué à l'anthropologie l'analyse structurale exploitée dans le domaine linguistique par Ferdinand de Saussure puis Roman Jakobson. L'anthropologie prenait traditionnellement comme objet fondamental de son étude la famille, considérée comme une unité autonome composée d'un mari, d'une femme et de leurs enfants, et tenait pour secondaires les neveux, cousins, oncles, tantes et grands-parents. Lévi-Strauss estime que, de manière analogue à la « valeur linguistique » chez Saussure, les familles n'acquièrent des identités déterminées que par les relations qu'elles entretiennent les unes avec les autres. Il renverse ainsi le point de vue traditionnel de l'anthropologie en mettant en premier les membres secondaires de la famille et en centrant son analyse sur les relations entre les unités plutôt que sur les unités elles-mêmes.

En analysant comment se forment les identités au cours des mariages intertribaux, Lévi-Strauss remarque que la relation entre un oncle et son neveu (A) est à la relation entre un frère et sa sœur (B) ce que la relation entre un père et son fils (C) est à celle qui relie un mari à sa femme (D) : A est à B ce que C est à D. De la sorte, si nous connaissons A, B et C, nous pouvons prédire D. L'objectif de l'anthropologie structurale de Lévi-Strauss est donc d'extraire de masses de données empiriques des relations générales entre des unités, ce qui permet d'isoler des lois à valeur prédictive, telles que : « A est à B ce que C est à D ».

Dans les Structures élémentaires de la parenté, avec l'aide ponctuelle du mathématicien André Weil, il dégage le concept de structure élémentaire de parenté en utilisant la notion de groupe de permutations.

De manière similaire, Lévi-Strauss voit dans le mythe un acte de parole dans lequel on peut découvrir un langage. Comment donc, sans cela, des contes si fantastiques et si arbitraires pourraient-ils se ressembler autant d'une culture à l'autre ? Il part donc à la recherche des unités fondamentales du mythe : les « mythèmes ». Partant de l'idée qu'il n'y a pas une version unique « authentique » du mythe mais que toutes les versions sont des manifestations d'un même langage, il analyse chaque version en une série de propositions, chacune consistant en la relation entre une fonction et un sujet. Les propositions pourvues de la même fonction sont regroupées sous le même numéro : il s'agit des mythèmes.

En examinant les relations entre les mythèmes, Lévi-Strauss déclare qu'un mythe consiste uniquement en oppositions binaires. Le mythe d'Œdipe, par exemple, c'est à la fois l'exagération et la sous-évaluation des relations de sang, l'affirmation d'une origine autochtone de l'humanité et le déni de cette origine. Sous l'influence de Hegel, Lévi-Strauss pense que l'esprit humain organise fondamentalement sa pensée autour de telles oppositions binaires et de leur unification (thèse, antithèse, synthèse), ce mécanisme permettant de rendre la signification possible. De plus, il considère que le mythe est un stratagème habile qui transforme une opposition binaire inconciliable en une opposition binaire conciliable, créant ainsi l'illusion ou la croyance qu'elle a été résolue.


 L'étude des relations de parenté
À l'aide de la méthode structuraliste, Lévi-Strauss a donné un nouveau souffle aux études de la parenté. Il est le premier à insister sur l'importance de l'alliance au sein des structures de parenté, et a mis en évidence la nécessité de l'échange et de la réciprocité découlant du principe de prohibition de l'inceste. Dans cette optique, il a été jusqu'à avancer l'idée que toute société humaine est fondée sur une unité minimale de parenté : l'atome de parenté. Cette théorie globale est connue plus communément sous le nom de « théorie de l'alliance ».


 Distinctions
Élu en 1973 au fauteuil 29 de l'Académie française. Doyen d'âge de l'Académie depuis la mort du professeur Jean Bernard en 2006, vice-doyen d'élection depuis la mort de Henri Troyat en 2007.
Membre étranger de la National Academy of Sciences des États-Unis.
Membre de l'Académie britannique
Membre de l'Académie royale des arts et des sciences néerlandaise
Membre de l'Académie norvégienne des sciences et des lettres
Conservateur d'honneur du Musée du quai Branly, nommé en 2007

 Décorations françaises et étrangères
Grand-croix de la Légion d'honneur
Commandeur de l'ordre national du Mérite
Commandeur des Palmes académiques
Commandeur des Arts et des Lettres
Commandeur de l'ordre de la Couronne de Belgique
Commandeur de l'ordre de la Croix du Sud du Brésil
Ordre du Soleil levant, Étoile d'or et d'argent
Grand-croix de l'ordre du Mérite scientifique du Brésil

 Prix et Médailles
Médaille d'or et Prix du Viking Fund, 1966
Médaille d'or du CNRS, 1967
Prix Erasme, 1973
Prix de la Fondation Nonino, 1986
Prix Aby M. Warburg, 1996
Prix Meister Eckhart, 2002

 Docteur honoris causa
Il est docteur honoris causa des universités suivantes  :

Université libre de Bruxelles
Université de Chicago
Université de Columbia
Université Harvard
Université Johns-Hopkins,
Université Laval (Québec)
Université nationale autonome du Mexique
Université de Montréal
Université d'Oxford
Université de São Paulo (Brésil)
Université de Stirling
Université d'Uppsala
Université Visva Bharati (Inde)
Université Yale
Université nationale du Zaïre

 Œuvres (premières éditions)
Liste non exhaustive ; la plupart des titres sont aujourd'hui disponibles en collection poche.

La Vie familiale et sociale des Indiens Nambikwara, Paris, Société des américanistes, 1948.
Les Structures élémentaires de la parenté, Paris, PUF, 1949 ; nouv. éd. revue, La Haye-Paris, Mouton, 1968.
Race et Histoire, Paris, UNESCO, 1952.
« Introduction à l'œuvre de Marcel Mauss », dans Marcel Mauss, Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 1950.
Tristes Tropiques, Plon, Paris, 1955.
Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1958 ; nombreuses rééd. Pocket, 1997. (ISBN 2-266-07754-6)
Le Totémisme aujourd'hui, Paris, PUF, 1962.
La Pensée sauvage, Paris, Plon, 1962.
Mythologiques, t. I : Le Cru et le cuit, Paris, Plon, 1964.
Mythologiques, t. II : Du miel aux cendres, Paris, Plon, 1967.
Mythologiques, t. III : L'Origine des manières de table, Paris, Plon, 1968.
Mythologiques, t. IV : L'Homme nu, Paris, Plon, 1971.
Anthropologie structurale deux, Paris, Plon, 1973.
La Voie des masques, 2 vol., Genève, Skira, 1975 ; nouv. éd. augmentée et rallongée de « Trois Excursions », Plon, 1979.
(en) Myth and Meaning, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1978.
Le Regard éloigné, Paris, Plon, 1983.
Paroles données, Paris, Plon, 1984.
Histoire de Lynx, Paris, Pocket, 1991. (ISBN 2-266-00694-0)
Regarder écouter lire, Paris, Plon, 1993. (ISBN 2-259-02715-6)
Saudades do Brasil, Paris, Plon, 1994. (ISBN 2-259-18088-4)
Le Père Noël supplicié, Pin-Balma, Sables, 1994 (ISBN 2-907530-22-4)
Œuvres, préface par Vincent Debaene ; édition établie par Vincent Debaene, Frédéric Keck, Marie Mauzé, et al., Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2008. (ISBN 978-2-07-0118021) (Ce volume réunit Tristes tropiques ; Le totémisme aujourd'hui ; La pensée sauvage ; La voie des masques ; La potière jalouse ; Histoire de lynx ; Regarder écouter lire avec une bibliographie des oeuvres de et sur Claude Lévi-Strauss).



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Vassily Kandinsky (Vassili Vassilievitch Kandinski, en russe : Василий Васильевич Кандинский) est un peintre russe et un théoricien de l’art né à Moscou le 4 décembre 1866 et mort à Neuilly-sur-Seine le 13 décembre 1944.

Considéré comme l’un des artistes les plus importants du XXe siècle aux côtés notamment de Picasso et de Matisse, il est le fondateur de l'art abstrait : il est généralement considéré comme étant l’auteur de la première œuvre non figurative de l’histoire de l’art moderne, une aquarelle de 1910 qui sera dite "abstraite". Certains historiens ou critiques d'art ont soupçonné Kandinsky d'avoir antidaté cette aquarelle pour s'assurer la paternité de l'abstraction sous prétexte qu'elle ressemble à une esquisse de sa Composition VII de 1913[réf. souhaitée].

Kandinsky est né à Moscou mais il passe son enfance à Odessa. Il s'inscrit à l’Université de Moscou et choisit le droit et l’économie. Il décide de commencer des études de peinture (dessin d’après modèle, croquis et anatomie) à l’âge de 30 ans.

En 1896 il s’installe à Munich où il étudie à l’Académie des Beaux-Arts. Il retourne à Moscou en 1918 après la révolution russe. En conflit avec les théories officielles de l’art, il retourne en Allemagne en 1921. Il y enseigne au Bauhaus à partir de 1922 jusqu’à sa fermeture par les nazis en 1933. Il émigre alors en France et y vit le reste de sa vie, acquérant la nationalité française en 1939. Il s'éteint à Neuilly-sur-Seine en 1944, laissant derrière lui une œuvre abondante.


 Périodes artistiques

La création par Kandinsky d’une œuvre purement abstraite n’est pas intervenue comme un changement abrupt, elle est le fruit d’un long développement, d’une longue maturation et d’une intense réflexion théorique fondée sur son expérience personnelle de peintre et sur l'élan de son esprit vers la beauté intérieure et ce profond désir spirituel qu’il appelait la nécessité intérieure et qu’il tenait comme un principe essentiel de l’art.


 Jeunesse et inspirations (1866-1896)
La jeunesse et la vie de Kandinsky à Moscou lui apportent une multitude de sources d’inspiration. Il se souvient plus tard qu’étant enfant il était fasciné et exceptionnellement stimulé par la couleur.[2] C’est probablement lié à sa synesthésie, qui lui permettait littéralement d’entendre les couleurs qu’il voyait comme des sons musicaux., Sa fascination pour les couleurs continue à augmenter pendant son enfance à Moscou, bien qu’il n’ait semble-t-il jamais tenté de faire des études artistiques.

En 1889 il participe à un groupe ethnographique qui voyagea jusqu’à la région de Vologda au nord-est de Moscou pour étudier les coutumes relatives au droit paysan. Il raconte dans Regards sur le passé qu’il a l’impression de se mouvoir dans un tableau lorsqu’il rentre dans les maisons ou dans les églises de cette région décorées des couleurs les plus chatoyantes. Son étude du folklore de cette région, en particulier l’usage de couleurs vives sur un fond sombre a rejailli sur son œuvre primitive. Kandinsky écrit quelques années plus tard que « la couleur est le clavier, les yeux sont les marteaux et l’âme est le piano avec les cordes. » C'est cette même année, avant de quitter Moscou, qu’il voit une exposition de Monet et qu’il est impressionné par la représentation d’une meule de foin qui lui montre la puissance de la couleur utilisée presque indépendamment de l’objet lui-même.


 Épanouissement artistique (1896-1911)
Le temps que Kandinsky a passé à l’école des Beaux-Arts est facilité par le fait qu’il est plus âgé et plus expérimenté que les autres étudiants. Il commence une carrière de peintre tout en devenant un véritable théoricien de l’art du fait de l’intensité de ses réflexions sur son propre travail. Malheureusement, très peu de ses œuvres de cette période ont subsisté au temps, bien que sa production ait probablement été importante. Cette situation change à partir du début du XXe siècle.Un grand nombre de tableaux de paysages et de villes, utilisant de larges touches de couleur mais des formes bien identifiables, ont été conservés.

Pour l’essentiel, les peintures de Kandinsky de cette époque ne comportent pas de visages humains. Une exception est Dimanche, Russie traditionnelle (1904) où Kandinsky nous propose une peinture très colorée et sans doute imaginaire de paysans et de nobles devant les murs d’une ville. Sa peinture intitulée Couple à cheval (1906-1907) dépeint un homme sur un cheval, portant avec tendresse une femme, et qui chevauche devant une ville russe aux murs lumineux au-delà d’une rivière. Le cheval qui est couvert d’une étoffe somptueuse se tient dans l’ombre, tandis que les feuilles des arbres, la ville et les reflets dans la rivière luisent comme des taches de couleur et de lumière.

Une peinture fondamentale de Kandinsky de ces années 1900 est probablement Le cavalier bleu (Der blaue reiter, 1903) qui montre un personnage portant une cape chevauchant rapidement à travers une prairie rocailleuse. Kandinsky montre le cavalier davantage comme une série de touches colorées que par des détails précis. En elle-même, cette peinture n’est pas exceptionnelle, lorsqu’on la compare aux tableaux d’autres peintres contemporains, mais elle montre la direction que Kandinsky va suivre dans les années suivantes, et son titre annonce l’association qu’il va fonder quelques années plus tard.

De 1906 à 1908 Kandinsky passe une grande partie de son temps à voyager à travers l’Europe, jusqu’à ce qu’il s’installe dans la petite ville bavaroise de Murnau. La montagne bleue (1908-1909) peinte à cette époque montre davantage sa tendance vers l’abstraction pure. Une montagne de bleu est flanquée de deux grands arbres, l’un jaune et l’autre rouge. Un groupe de trois cavaliers et de quelques autres personnages traverse le bas de la toile. Le visage, les habits et la selle des cavaliers sont chacune d’une couleur unie, et aucun des personnages ne montre de détail réaliste. Le large emploi de la couleur dans La montagne bleue illustre l’évolution de Kandinsky vers un art dans lequel la couleur elle-même est appliquée indépendamment de la forme.

À partir de 1909, ce que Kandinsky appelle le « chœur des couleurs » devient de plus en plus éclatant, il se charge d’un pouvoir émotif et d’une signification cosmique intense. Cette évolution a été attribuée à un ouvrage de Goethe, le Traité des couleurs (Farbenlehre), qui a influencé ses livres Du Spirituel dans l’Art et Regards sur le passé. L'année suivante, il peint la première œuvre abstraite réalisée à partir d’une conviction profonde et dans un but clairement défini : substituer à la figuration et à l’imitation de la « réalité » extérieure du monde matériel une création pure de nature spirituelle qui ne procède que de la seule nécessité intérieure de l’artiste. Ou pour reprendre la terminologie du philosophe Michel Henry, substituer à l’apparence visible du monde extérieur la réalité intérieure pathétique et invisible de la vie.


 Le Cavalier bleu (1911-1914)
Les peintures de cette période comportent de grandes masses colorées très expressives évoluent indépendamment des formes et des lignes qui ne servent plus à les délimiter ou à les mettre en valeur mais qui se combinent avec elles, se superposent et se chevauchent de façon très libre pour former des toiles d’une force extraordinaire.

La musique a eu une grande influence sur la naissance de l’art abstrait, étant abstraite par nature et ne cherchant pas à représenter vainement le monde extérieur mais simplement à exprimer de façon immédiate des sentiments intérieurs à l’âme humaine. Kandinsky utilise parfois des termes musicaux pour désigner ses œuvres : il appelle beaucoup de ses peintures les plus spontanées des "improvisations", tandis qu’il nomme "compositions" quelques unes parmi les plus élaborées et les plus longuement travaillées, un terme qui résonne en lui comme une prière.

En plus de la peinture elle-même, Kandinsky se consacre à la constitution d’une théorie de l’art. Il a contribué à fonder l’association des Nouveaux Artistes de Munich dont il devint le président en 1909. Le groupe fut incapable d’intégrer les approches les plus radicales comme celle de Kandinsky du fait d’une conception plus conventionnelle de l’art, et le groupe se dissout fin 1911. Kandinsky fonde alors une nouvelle association, Le Cavalier bleu (Der Blaue Reiter) avec des artistes plus proches de sa vision de l’art tels que Franz Marc. Cette association réalise un almanach, appelé L’Almanach du Cavalier Bleu qui connu deux parutions. Davantage de numéros étaient prévus, mais la déclaration de la première guerre mondiale en 1914 mit fin à ces projets, et Kandinsky retourna chez lui en Russie via la Suisse et la Suède.

Son premier grand ouvrage théorique sur l’art, intitulé Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier, paraît fin 1911. Il expose dans ce court traité sa vision personnelle de l’art dont la véritable mission est d’ordre spirituel, ainsi que sa théorie de l’effet psychologique des couleurs sur l’âme humaine et leur sonorité intérieure. L’Almanach du Cavalier Bleu est publié peu de temps après. Ces écrits de Kandinsky servent à la fois de défense et de promotion de l’art abstrait, ainsi que de démonstration que toute forme d’art authentique était également capable d’atteindre une certaine profondeur spirituelle. Il pense que la couleur peut être utilisée dans la peinture comme une réalité autonome et indépendante de la description visuelle d’un objet ou d’une autre forme.


 Retour en Russie (1914-1921)
Durant les années 1918 à 1921, Kandinsky s’occupe du développement de la politique culturelle de la Russie, il apporte sa collaboration dans les domaines de la pédagogie de l’art et de la réforme des musées. Il se consacre également à l’enseignement artistique avec un programme reposant sur l’analyse des formes et des couleurs, ainsi qu’à l’organisation de l’Institut de culture artistique à Moscou. Il peint très peu durant cette période. Il fait la connaissance en 1916 de Nina Andreievskaïa qui deviendra son épouse l’année suivante. Kandinsky reçu en 1921 pour mission de se rendre en Allemagne au Bauhaus de Weimar, sur l’invitation de son fondateur, l’architecte Walter Gropius. L’année suivante, les soviétiques interdirent officiellement toute forme d’art abstrait car jugé nocif pour les idéaux socialistes.


 Le Bauhaus (1922-1933)
Le Bauhaus est alors une école d'architecture et d’art novateur qui a pour objectif de fusionner les arts plastiques et les arts appliqués, et dont l’enseignement repose sur la mise en application théorique et pratique de la synthèse des arts plastiques. Kandinsky y donne des cours dans le cadre de l’atelier de peinture murale, qui reprennent sa théorie des couleurs en y intégrant de nouveaux éléments sur la psychologie de la forme. Le développement de ces travaux sur l’étude des formes, en particulier le point et les différentes formes de lignes, conduit à la publication de son second grand ouvrage théorique Point et ligne sur plan en 1926.

Les éléments géométriques prennent dans son enseignement comme dans sa peinture une importance grandissante, en particulier le cercle, le demi-cercle, l’angle et les lignes droites ou courbes. Cette période est pour lui une période d’intense production. Par la liberté dont témoigne chacune de ses œuvres, par le traitement des surfaces riches en couleurs et en dégradés magnifiques comme dans sa toile Jaune – rouge – bleu (1925), Kandinsky se démarque nettement du constructivisme ou du suprématisme dont l’influence était grandissante à cette époque.

Les formes principales qui constituent cette grande toile de deux mètres de large intitulée Jaune – rouge – bleu sont un rectangle vertical jaune, une croix rouge légèrement inclinée et un grand cercle bleu foncé, tandis qu’une multitude de lignes noires droites ou sinueuse et d’arcs de cercles, ainsi que quelques cercles monochromes et quelques damiers colorés contribuent à sa délicate complexité. Cette simple identification visuelle des formes et des principales masses colorées présentes sur la toile ne correspond qu’à une première approche de la réalité intérieure de l’œuvre dont la juste appréciation nécessite une observation bien plus approfondie non seulement des formes et des couleurs utilisées dans la peinture, mais également de leur relation, de leur position absolue et de leur disposition relative sur la toile, de leur harmonie d’ensemble et de leur accord réciproque.

Confronté à l’hostilité des partis de droite, le Bauhaus quitta Weimar pour s’installer à Dessau-Roßlau dès 1925. Suite à une campagne de diffamation acharnée de la part des nazis, le Bauhaus est fermé à Dessau en 1932. L’école poursuit ses activités à Berlin jusqu’à sa dissolution en juillet 1933. Kandinsky quitte alors l’Allemagne pour venir s’installer à Paris.


 La grande synthèse (1934-1944)
A Paris, il se trouve relativement isolé, d’autant que l’art abstrait, en particulier géométrique, n’est guère reconnu : les tendances artistiques à la mode étaient plutôt l’impressionnisme et le cubisme. Il vit et travaille dans un petit appartement dont il a aménagé la salle de séjour en atelier. Des formes biomorphiques aux contours souples et non géométriques font leur apparition dans son œuvre, des formes qui évoquent extérieurement des organismes microscopiques mais qui expriment toujours la vie intérieure de l’artiste. Il recourt à des compositions de couleurs inédites qui évoquent l’art populaire slave et qui ressemblent à des ouvrages en filigrane précieux. Il utilise également du sable qu’il mélange aux couleurs pour donner à la peinture une texture granuleuse.

Cette période correspond en fait à une vaste synthèse de son œuvre antérieure, dont il reprend l’ensemble des éléments tout en les enrichissant. Il peint en 1936 et 1939 ses deux dernières grandes compositions, ces toiles particulièrement élaborées et longuement mûries qu’il avait cessé de produire depuis de nombreuses années. Composition IX est une toile aux diagonales puissantes fortement contrastées et dont la forme centrale évoque un embryon humain dans le ventre de sa mère. Les petits carrés de couleurs et les bandes colorées semblent se détacher du fond noir de Composition X comme des fragments ou des filaments d’étoiles, tandis que d’énigmatiques hiéroglyphes aux tons pastels recouvrent la grande masse marron qui semble flotter dans le coin supérieur gauche de la toile.

Dans les œuvres de Kandinsky, un certain nombre de caractéristiques sautent immédiatement aux yeux tandis que certaines sonorités sont plus discrètes et comme voilées, c’est-à-dire qu’elles ne se révèlent que progressivement à ceux qui font l’effort d’approfondir leur rapport avec l’œuvre et d’affiner leur regard. Il ne faut donc pas se contenter d’une première impression ou d’une identification grossière des formes que l’artiste a utilisées et qu’il a subtilement harmonisées et mises en accord pour qu’elles rentrent efficacement en résonance avec l’âme du spectateur.


 Gloire posthume
A partir de la mort de Vassily Kandinsky et durant une trentaine d’années, Nina Kandinsky n’a cessé de diffuser le message et de divulguer l’œuvre de son mari. L’ensemble des œuvres en sa possession ont été léguées au Centre Georges Pompidou, à Paris, où l’on peut voir la plus grande collection de ses peintures.


 Ecrits théoriques sur l’art Les analyses de Kandinsky sur les formes et sur les couleurs ne résultent pas de simples associations d’idées arbitraires, mais de l’expérience intérieure du peintre qui a passé des années à créer des peintures abstraites d’une incroyable richesse sensorielle, à travailler sur les formes et avec les couleurs, observant longuement et inlassablement ses propres toiles et celles d’autres artistes, constatant simplement leur effet subjectif et pathétique sur son âme d’artiste et de poète d’une très grande sensibilité aux couleurs.

Il s’agit donc d’une forme d'expérience purement subjective que chacun peut faire et répéter en prenant le temps de regarder ses peintures et de laisser agir les formes et les couleurs sur sa propre sensibilité vivante. Il ne s’agit pas d’observations scientifiques et objectives, mais d’observations intérieures radicalement subjectives et purement phénoménologiques qui relèvent de ce que le philosophe Michel Henry appelle la subjectivité absolue ou la vie phénoménologique absolue.


 Du spirituel dans l’art
Kandinsky compare la vie spirituelle de l’humanité à un grand Triangle semblable à une pyramide et que l’artiste a pour tâche et pour mission d’entraîner vers le haut par l’exercice de son talent. La pointe du Triangle est constituée seulement de quelques individus qui apportent aux hommes le pain sublime. Un Triangle spirituel qui avance et monte lentement, même s’il reste parfois immobile. Durant les périodes de décadence les âmes tombent vers le bas du Triangle et les hommes ne recherchent que le succès extérieur et ignorent les forces purement spirituelles.

Lorsque l’on regarde les couleurs sur la palette d’un peintre, un double effet se produit : un effet purement physique de l’œil charmé par la beauté des couleurs tout d’abord, qui provoque une impression de joie comme lorsque l’on mange une friandise. Mais cet effet peut être beaucoup plus profond et entraîner une émotion et une vibration de l’âme, ou une résonance intérieure qui est un effet purement spirituel par lequel la couleur atteint l’âme.

La nécessité intérieure est pour Kandinsky le principe de l’art et le fondement de l’harmonie des formes et des couleurs. Il la définit comme le principe de l’entrée en contact efficace de la forme et des couleurs avec l’âme humaine. Toute forme est la délimitation d’une surface par une autre, elle possède un contenu intérieur qui est l’effet qu’elle produit sur celui qui la regarde avec attention. Cette nécessité intérieure est le droit de l’artiste à la liberté illimitée, mais cette liberté devient un crime si elle n’est pas fondée sur une telle nécessité. L’œuvre d’art naît de la nécessité intérieure de l’artiste de façon mystérieuse, énigmatique et mystique, puis elle acquiert une vie autonome, elle devient un sujet indépendant animé d’un souffle spirituel.

Les premières propriétés qui sautent aux yeux lorsque l’on regarde la couleur isolée, en la laissant agir seule, c’est d’une part la chaleur ou la froideur du ton coloré, et d’autre part la clarté ou l’obscurité de ce ton.

La chaleur est une tendance au jaune, la froideur une tendance au bleu. Le jaune et le bleu forment le premier grand contraste, qui est dynamique. Le jaune possède un mouvement excentrique et le bleu un mouvement concentrique, une surface jaune semble se rapprocher de nous, tandis qu’une surface bleue semble s’éloigner. Le jaune est la couleur typiquement terrestre dont la violence peut être pénible et agressive. Le bleu est la couleur typiquement céleste qui évoque un calme profond. Le mélange du bleu et du jaune produit l’immobilité totale et le calme, le vert.

La clarté est une tendance vers le blanc et l’obscurité une tendance vers le noir. Le blanc et le noir forment le second grand contraste, qui est statique. Le blanc agit comme un silence profond et absolu plein de possibilités. Le noir est un néant sans possibilité, il est un silence éternel et sans espoir, il correspond à la mort. C’est pourquoi toute autre couleur résonne si fortement à son voisinage. Le mélange du blanc et du noir conduit au gris, qui ne possède aucune force active et dont la tonalité affective est voisine de celle du vert. Le gris correspond à l’immobilité sans espoir, il tend vers le désespoir lorsqu’il devient foncé et retrouve un peu d’espoir en s’éclaircissant.

Le rouge est une couleur chaude très vivante, vive et agitée, il possède une force immense, il est un mouvement en soi. Mélangé au noir, il conduit au brun qui est une couleur dure. Mélangé au jaune, il gagne en chaleur et donne l’orangé qui possède un mouvement d’irradiation sur l’entourage. Mélangé au bleu, il s’éloigne de l’homme pour donner le violet, qui est un rouge refroidi. Le rouge et le vert forment le troisième grand contraste, l'orangé et le violet le quatrième.


 Point et ligne sur plan
Kandinsky analyse dans cet écrit les éléments géométriques qui composent toute peinture, à savoir le point et la ligne, ainsi que le support physique et la surface matérielle sur laquelle l’artiste dessine ou peint et qu’il appelle le plan originel ou P.O.[48] Il ne les analyse pas d’un point de vue objectif et extérieur, mais du point de vue de leur effet intérieur sur la subjectivité vivante du spectateur qui les regarde et les laisse agir sur sa sensibilité.[49]

Le point est dans la pratique une petite tache de couleur déposée par l’artiste sur la toile. Le point qu’utilise le peintre donc n’est pas un point géométrique, il n’est pas une abstraction mathématique, il possède une certaine extension, une forme et une couleur. Cette forme peut être carrée, triangulaire, ronde, en forme d’étoile ou plus complexe encore. Le point est la forme la plus concise, mais selon son emplacement sur le plan originel il va prendre une tonalité différente. Il peut être seul et isolé ou bien être mis en résonance avec d’autres points ou avec des lignes.

La ligne est le produit d’une force, elle est un point sur lequel une force vivante s’est exercée dans une certaine direction, la force exercée sur le crayon ou sur le pinceau par la main de l’artiste. Les formes linéaires produites peuvent être de plusieurs types : une ligne droite qui résulte d’une force unique exercée dans une seule direction, une ligne brisée qui résulte de l’alternance de deux forces possédant des directions différentes, ou bien une ligne courbe ou ondulée produite par l’effet de deux forces qui agissent simultanément. Une surface peut être obtenue par densification, à partir d’une ligne que l’on fait pivoter autour d’une de ses extrémités.

L’effet subjectif produit par une ligne dépend de son orientation : la ligne horizontale correspond au sol sur lequel l’homme se repose et se meut, au plat, elle possède une tonalité affective sombre et froide semblable au noir ou au bleu, tandis que la ligne verticale correspond à la hauteur et n’offre aucun point d’appui, elle possède au contraire une tonalité lumineuse et chaude proche du blanc ou du jaune. Une diagonale possède par conséquent une tonalité plus ou moins chaude ou froide selon son inclinaison par rapport à la verticale ou à l’horizontale.

Une force qui se déploie sans obstacle comme celle qui produit une ligne droite correspond au lyrisme, tandis que plusieurs forces qui s’opposent et se contrarient forment un drame. L’angle que forme une ligne brisée possède également une sonorité intérieure qui est chaude et proche du jaune pour un angle aigu (triangle), froide et similaire au bleu pour un angle obtus (cercle) et semblable au rouge pour un angle droit (carré).

Le plan originel est en général rectangulaire ou carré, il est donc composé de lignes horizontales et verticales qui le délimitent et qui le définissent comme un être autonome qui va servir de support à la peinture en lui communiquant sa tonalité affective. Cette tonalité est déterminée par l’importance relative de ces lignes horizontales et verticales, les horizontales donnant une tonalité calme et froide au plan originel, tandis que les verticales lui communique une tonalité calme et chaude.[55] L’artiste possède l’intuition de cet effet intérieur du format de la toile et de ses dimensions, qu’il va choisir en fonction de la tonalité qu’il souhaite donner à son œuvre. Kandinsky considère même le plan originel comme un être vivant que l’artiste « féconde » et dont il sent la « respiration ».

Chaque partie du plan originel possède une coloration affective qui lui est propre et qui va influer sur la tonalité des éléments picturaux qui seront dessinés dessus, ce qui contribue à la richesse de la composition qui résulte de leur juxtaposition sur la toile. Le haut du plan originel correspond à la souplesse et à la légèreté, tandis que le bas évoque plutôt la densité et la pesanteur. Il appartient au peintre d’apprendre à connaître ces effets afin de produire des peintures qui ne soit pas l’effet du hasard, mais le fruit d’un travail authentique et le résultat d’un effort vers la beauté intérieure.

Ce livre comporte une multitude d’exemples photographiques et de dessins issus d’œuvres de Kandinsky qui offrent la démonstration de ses observations théoriques, et qui permettent au lecteur d’en reproduire en lui l’évidence intérieure pour peu qu’il prenne le temps de regarder avec attention chacune de ces images, qu’il les laisse agir sur sa propre sensibilité et qu’il laisse vibrer les cordes sensibles de son âme et de son esprit. Kandinsky met néanmoins son lecteur en garde contre une contemplation trop longue, qui conduirait l'imagination à prendre le dessus sur l'expérience intérieure immédiate :

« Pour ce genre d'expérience, il vaut mieux se fier à la première impression, car la sensibilité se lasse vite et cède le champ à l'imagination. »


 Livres de Vassily Kandinsky
Voir aussi sur Wikiquote les citations «  Vassily Kandinsky ».
 Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur Vassily Kandinsky.
 
Vassily Kandinsky, Du spirituel dans l'art et dans la peinture en particulier, éd. Denoël, collection "Folio Essais", 1989
Vassily Kandinsky et Franz Marc (éd.), L’almanach du "Blaue Reiter" : Le Cavalier bleu, éd. Klincksieck, 1987
Vassily Kandinsky, Regards sur le passé et autres textes 1912-1922, éd. Hermann, 1974
Vassily Kandinsky, Point Ligne Plan, éd. Gallimard, collection "Folio Essais", 1991
Vassily Kandinsky, Point Ligne Surface. Contribution à l'analyse des éléments picturaux, traduit de l'allemand par Christine Boumeester, Paris, Éditions de Beaune, Les nouveaux manifestes n°4, in-8 broché, 126 pp + 26 planches d'illustrations hors-texte, 1963.
Vassily Kandinsky, Écrits complets (tome I) : La synthèse des arts, éd. Denoël-Gonthier, 1975
Vassily Kandinsky, Écrits complets (tome II) : Point ligne plan - La grammaire de la création - L'avenir de la peinture., éd. Denoël-Gonthier, 1970
Vassily Kandinsky, Interférences, traduit en français par Armel Guerne, Delpire, 1959

 Ouvrages sur Kandinsky

 Ouvrages philosophiques
Michel Henry, Voir l’invisible. Sur Kandinsky, Bourin-Julliard, 1988, PUF, collection "Quadridge", 2005
Philippe Sers, Kandinsky. Philosophie de l'art abstrait: peinture, poésie, scénographie., éd. Skira, 2003
Alexandre Kojève, Les peintures concrètes de Kandinsky, La lettre volée, 2002.

 Témoignages et correspondances
Nina Kandinsky, Kandinsky et moi, éd. Flammarion, 1978
Schoenberg - Busoni, Schoenberg - Kandinsky, correspondances, textes, Éditions Contrechamps, Genève, 1995

 Reproductions de ses oeuvres
Jéléna Hahl-Fontaine, Kandinsky, Marc Vokar éditeur, 1993
François le Targat, Kandinsky, éd. Albin Michel, collection "Les grands maîtres de l’art contemporain", 1986
Hajo Duechting, Kandinsky, éd. Taschen, 1990
Pierre Volboudt, Kandinsky, éd. F. Hazan, 1984
V. E. Barnett et A. Zweit, Kandinsky. Dessins et aquarelles, éd. Flammarion, 1992
A. et L. Vezin, Kandinsky et
cavalier bleu, éd. Terrail, 1991


 Catalogues d'expositions

Kandinsky. Rétrospective, Fondation Maeght, 2001
Kandinsky. Œuvres de Vassily Kandinsky (1866-1944), Centre Georges Pompidou, 1984

 Ouvrages d'histoire de l'art
Marcel Brion, Kandinsky, éd. Somogy, 1960

 Notes et références
↑ Le découpage en périodes proposé dans cette section est repris du livre de Hajo Düchting, Vassili Kandinsky, éd. Taschen, 1990. Le titre donné à chacune des périodes artistiques de Kandinsky a cependant été modifié et simplifié.
↑ Kandinsky, Regards sur le passé, éd. Hermann, 1974, pp. 87 et 114
↑ Kandinsky, Regards sur le passé, éd. Hermann, 1974, p. 98
↑ Hajo Düchting, Vassili Kandinsky, éd. Taschen, 1990, p. 10
↑ Kandinsky, Regards sur le passé, éd. Hermann, 1974, p. 101
↑ Kandinsky, Regards sur le passé, éd. Hermann, 1974, pp. 107-108
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l’art, éd. Denoël, 1989, p. 112
↑ Kandinsky, Regards sur le passé, éd. Hermann, 1974, pp. 96-97
↑ Hajo Düchting, Vassili Kandinsky, éd. Taschen, 1990, p. 13
↑ Hajo Düchting, Vassili Kandinsky, éd. Taschen, 1990, reproduction p. 9
↑ Hajo Düchting, Vassili Kandinsky, éd. Taschen, 1990, reproduction p. 6
↑ François le Targat, Kandinsky, éd. Albin Michel, 1986, reproduction n° 11
↑ François le Targat, Kandinsky, éd. Albin Michel, 1986, reproduction n° 8
↑ François le Targat, Kandinsky, éd. Albin Michel, 1986, reproduction n° 18
↑ Hajo Düchting, Vassili Kandinsky, éd. Taschen, 1990, pp. 37-56
↑ Kandinsky, Regards sur le passé, éd. Hermann, 1974, p. 105
↑ Hajo Düchting, Vassili Kandinsky, éd. Taschen, 1990, pp. 57-63
↑ Hajo Düchting, Vassili Kandinsky, éd. Taschen, 1990, pp. 64-77
↑ Hajo Düchting, Vassili Kandinsky, éd. Taschen, 1990, reproduction p. 75
↑ François le Targat, Kandinsky, éd. Albin Michel, 1986, reproduction n° 87
↑ Hajo Düchting, Vassili Kandinsky, éd. Taschen, 1990, pp. 70 et 76
↑ Hajo Düchting, Vassili Kandinsky, éd. Taschen, 1990, pp. 78-91
↑ Hajo Düchting, Vassili Kandinsky, éd. Taschen, 1990, reproduction p. 82
↑ François le Targat, Kandinsky, éd. Albin Michel, 1986, reproduction n° 112
↑ Hajo Düchting, Vassili Kandinsky, éd. Taschen, 1990, reproduction p. 88
↑ François le Targat, Kandinsky, éd. Albin Michel, 1986, reproduction n° 117
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, pp. 61-75
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, pp. 105-107
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, pp. 112 et 118
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, p. 118
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, p. 199
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, p. 197
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, p. 142
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, pp. 142-143
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, p. 143
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, p. 148
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, pp. 149-150
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, pp. 150-154
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, p. 143
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, p. 155
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, p. 156
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, p. 157
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, p. 157
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, p. 160
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, p. 162
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, pp. 162-163
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, pp. 163-164
↑ Kandinsky, Point et ligne sur plan, éd. Gallimard, 1991, p. 143
↑ Kandinsky, Du spirituel dans l'art, éd. Denoël, 1989, p. 45 : "Les idées que je développe ici sont le résultat d'observations et d'expériences intérieures" c'est-à-dire purement subjectives. Cela vaut également pour Point et ligne sur plan qui en est "le développement organique" (avant-propos de la première édition, éd. Gallimard, 1991, p. 9).
↑ Kandinsky, Point et ligne sur plan, éd. Gallimard, 1991, pp. 25-63
↑ Kandinsky, Point et ligne sur plan, éd. Gallimard, 1991, pp. 67-71
↑ Kandinsky, Point et ligne sur plan, éd. Gallimard, 1991, pp. 69-70
↑ Kandinsky, Point et ligne sur plan, éd. Gallimard, 1991, pp. 80-82
↑ Kandinsky, Point et ligne sur plan, éd. Gallimard, 1991, p. 89
↑ Kandinsky, Point et ligne sur plan, éd. Gallimard, 1991, pp. 143-145
↑ Kandinsky, Point et ligne sur plan, éd. Gallimard, 1991, pp. 145-146
↑ Kandinsky, Point et ligne sur plan, éd. Gallimard, 1991, p. 146-151
↑ Kandinsky, Point et ligne sur plan, éd. Gallimard, 1991, p. 170



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